Créer, est-ce conjurer la mort ?
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CREER EST-CE CONJURER LA MORT ?
Introduction
Selon le schéma créationniste, le terme de « création » fait référence à Dieu qui du néant a fait naître
les choses, les hommes, etc.
Créer renvoie à l'acte par lequel le créateur fait exister une chose qui jusque-là n'existait pas.
Par sa
création, l’artiste fait advenir, ex nihilo, de l’être.
L’artiste est un démiurge, un Dieu temporel et
mortel.
Conjurer signifie détourner, écarter ce qu'on perçoit souvent comme une menace.
Conjurer la mort
serait comme la neutraliser, la mettre à distance, y échapper.
Ainsi, pour en revenir au sujet, on peut dire qu'il y a une certaine opposition entre l'acte créateur et la
mort : en effet, la création renvoie à l'existence, tandis que la mort est par définition la non-existence.
Si la création fait naître quelque chose d'inédit, de nouveau, on peut alors se demander s'il est légitime
de penser que, de fait, elle conjure la mort, comme l'a dit par exemple Romain Rolland : « Créer c'est
tuer la mort.
» Pourtant, l’idée de « conjurer la mort » peut sembler un peu naïve ou irréaliste : la
mort n’est-elle pas un horizon indépassable et irréductible ? N’est-elle pas ce à quoi l’on ne peut
échapper, ce qu’il est précisément impossible de conjurer ? Pourtant, par sa capacité à créer des
œuvres artistiques, l’homme semble avoir une capacité à « laisser une trace » de son existence après
sa mort.
Cela amène à poser la question de la définition de l’existence humaine : est-elle uniquement
le laps de temps qui s’écoule de la naissance de l’individu à sa mort, ou est-elle aussi la somme de ses
actions et de ses créations, la trace qu’il laisse de lui parmi les vivants ? Ne dit-on pas que Mozart ou
Van Gogh sont encore vivants ? D’une vitalité plus grande encore que celle des vivants ? Peut-on, alors
réellement, écarter par un acte créateur, et donc humain, un fait inéluctable et naturel tel que la
mort ? Créer est-ce ainsi conjurer/échapper à la mort ?
Dans un premier temps, nous verrons que l’acte créateur est fait pour et devant l’éternité.
Lorsque
Cézanne se met à son chevalet, l’instantanéité de son geste créateur se réalise pour tous et pour
toujours.
Dans un second temps, il sera question de montrer que rien n’est éternel et que toute
création –fut-elle artistique- est, par nature, vouée à la destruction et à la mort.
Dans un dernier
temps, nous nous demanderons, si plus qu’une conjuration de la mort, l’acte créateur n’est pas plutôt
un remède contre la peur de mourir, cad au final une manière de mieux vivre.
I.
Créer c'est conjurer la mort
Si nous étions tous immortels, prendrions-nous le temps de créer ? Qu'est-ce que créer sinon tenter désespérément
de laisser une trace de son passage sur terre ?
En effet, la création inscrite dans l'éternel ce qui pourtant relève de l'éphémère.
Ainsi, la création conjure la mort dans le sens où elle éternise à la fois l'objet créé, mais aussi le créateur de ce
dernier, et parfois même les modèles dont il s'inspire.
a) La conjuration de la mort au niveau de l'objet crée
L'objet fixé semble échapper à la mort.
En effet, lorsque par exemple, un sculpteur façonne une statue, une fois
celle-ci achevée on ne peut pas la modifier, lui donner une autre forme et l'œuvre de son créateur reste ainsi intacte
pour l'éternité.
Elle échappe en effet à l'oubli, c'est-à-dire à la non-existence.
Matériellement, on peut noter que les œuvres d’art sont comme des reliques mi-profanes, mi-sacrées dont la
conservation est l’objet de tous les soins.
Formellement, l’œuvre d’art nous délivre un message transcendant les lieux et les époques..
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