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Cours sur le travail

Publié le 03/06/2023

Extrait du document

« LE TRAVAIL Le travail ou l’esprit spiritualisant la matière Le Travail : activité douloureuse, tripalus : une machine formée de trois pieux, permettant d’assujettir, pour leur imposer le joug ou le mors, les bœufs ou les chevaux difficiles. Tripaliare (latin vulgaire) : torturer La notion de travail comporte l’idée d’une tâche pénible et douloureuse (tu gagneras ton pain à la sueur de ton front !) Mais aussi l’idée d’un effort consciente et réfléchi.

Ce n’est pas seulement une souffrance mais aussi une action intelligente de l’homme pour dominer la nature et la spiritualiser. Le travail est essentiellement activité de médiation, construction de moyens et de moyens de moyens (machines) dans lesquels l’homme capte et discipline à son profit les forces de la nature pour la dénaturer et se dénaturer lui-même, c’est-à-dire réaliser des fins non naturelles, les fins mêmes de l’Esprit, de la Raison et de la Liberté, autrement dit : de la culture. Les Grecs et le travail servile Le travail a toujours été dévalorisé chez les Grecs qui le voyaient comme le fait unique de ceux qui utilisent leurs corps dans leurs activités : les esclaves (Aristote, le Politique) Travailler pour les Grecs, c’est s’asservir à la nécessité.

Mépris et dédain de la technique vont chez eux de pair.

Aux yeux de Grecs, pratiquer un métier et recourir à la technique sont des activités avilissantes.

Le meilleur médecin ou le meilleur ingénieur sont toujours inférieurs en valeur au philosophe. « Quels que soient les services que puisse rendre un ingénieur, écrit Platon dans le Gorgias, tu le méprises et tu ne voudrais pas que ton fils épouse sa fille.

» Platon, »op.cit, 512bc, Belles Lettres. Il faudra attendre la Renaissance et même les Lumières du XVIIIème siècle pour que se produise, enfin, un changement radical de perspective, pour que travail et technique se trouvent réhabilités. « Dire que le travail et l’artisanat étaient méprisés dans l’Antiquité parce qu’ils étaient réservés aux esclaves, c’est un préjugé des historiens modernes.

Les Anciens faisaient le raisonnement inverse : ils jugeaient qu’il fallait avoir des esclaves à cause de la nature servile de toutes les occupations qui pourvoyaient aux besoins de la vie.

».

Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, Agora-Plon Si la pensée grecque laissait le travail aux esclaves, la tradition hébraïque et le christianisme qui en est l’immédiat héritier ont revalorisé le travail des mains.

« Si quelqu’un ne veut pas travailler, dit le fabricant de tentes que fut saint Paul, qu’il ne mange pas non plus » (II, Thessaloniciens 3, 10).

Il n’est qu’à songer au rôle des monastères dans le défrichage des forêts, à l’agriculture au Moyen Age ou encore à la règle bénédictine joignant la contemplation et l’action : Ora et labora (Prie et travaille). L’historien Jacques Le Goff voit là la véritable rupture avec l’Antiquité gréco-romaine. Spécificité du travail humain L’époque moderne, elle, glorifie le travail, source de toute valeur, et élève l’animal laborans (animal qui travaille) à un rang très élevé.

Marx souligne, ainsi, la spécificité du travail qui implique un plan et un plan et un projet spirituel, et se différencie de ce que font les animaux.

Certes, l’animal construit son nid/son abri (l’oiseau, le castor ou la fourmi) mais il ne travaille pas, car il ne réalise aucun but consciemment.

Il n’exerce aucune volonté réfléchie.

L’homme a une activité vitale consciente, contrairement à l’animal qui ne représente pas ses fins. Le travail, vocation essentielle de l’homme, le distingue des autres êtres vivants, dominés par leurs instincts. « Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature […] Notre point de départ, c’est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l’homme.

Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l’abeille confond, par la structure de ses cellules de cire l’habileté de plus d’un architecte.

Mais ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche.

» Marx, Le Capital, Editions sociales. Travailler à la sueur de son front ou la nécessaire médiation du labeur Le concept de travail a longtemps été associé à l’idée de contrainte pénible dont l’origine est la punition de la transgression de l’interdit divin qui porte sur l’arbre de la connaissance du bien et du mal : « Tu travailleras à la sueur de ton front » : la Genèse (3,19) dit en réalité « C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain (lehem en hébreu) jusqu’à ce que tu retournes dans la terre où tu as été pris ». Le texte montre plutôt la nécessité de tirer sa nourriture de la terre dont l’homme a été fait et où il est d’ailleurs destiné à retourner.

En réalité, la malédiction divine porte sur le sol, la fertilité, la fécondité, autrement dit Dieu met en garde contre la stérilité de la terre si elle n’est pas travaillée, ce que l’on retrouve à l’agriculture naissante chez un peuple nomade qui se sédentarise. « C’est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie ; il te produira des épines et des ronces.

» Le travail de la terre est le médiateur obligé dans le rapport qu’Adam doit avoir à l’égard de sa propre vie.

Cette médiation s’effectue dans l’effort du labeur qui fait perler la sueur au visage.

Le terme hébreu qui exprime le travail est ‘ABODAH qui veut dire à la fois travail et service, prière.

Dans son interprétation de la Genèse, Hegel a montré que le mythe de la chute mettait en scène l’obligation pour l’homme de mourir à l’immédiateté et de passer par la médiation pour accéder à lui-même.

Or, la nature est, par définition, l’état d’immédiateté et le travail, après le langage (Adam nomme les bêtes et les herbes des champs), est la médiation active sans laquelle l’homme ne serait pas né à luimême dans la dimension de la conscience.

La sueur est la marque de la volonté tendue dans l’effort, le signe de la peine que vaut la vie, la valeur ajoutée à l’immédiateté de la nature, le passage de la nature à un monde humanisé. Hegel : le travail est formateur Pour Hegel, le travail définit l’homme parce qu’il le forme et le produit.

Le désir animal n’est jamais producteur et formateur au sens profond du terme, car l’objet qui est source de satisfaction est seulement assimilé.

L’homme, en transformant la nature et les choses, se construit et se réalise luimême.

Il façonne la nature à son image, et accède ainsi à la conscience et à la liberté. C’est ce que Hegel montre bien dans sa Dialectique du maître et de l’esclave (Phénoménologie de l’esprit (1807).

Si, dans la lutte des consciences de soi opposées ( XXXXX), le maître domine l’esclave qui n’a pas voulu mettre sa vie en jeu, ce dernier va se libérer par le travail.

Le maître se contente, en effet, de jouir passivement des choses, d’user des fruits du travail de l’esclave.

Ainsi s’enfonce-t-il dans une jouissance passive, alors que l’esclave extériorise sa conscience dans le monde, ce qui lui fait acquérir progressivement une autonomie (Voir le film en illustration The Servant de Joseph Losey avec Dirk Bogarde 1963) Être un maître sans travailler représente ainsi une impasse, tandis que le travail dans lequel la conscience s’objective est la voie de la libération humaine.

L’esclave forme les choses et se transforme lui-même en cette pratique.

Il asservira ainsi son maître.

Ainsi le travail forme et éduque, il transforme le monde et civilise.

C’est donc par le travail que l’homme se réalise en tant qu’homme et se définit. Simone Weil (1909-1943) : Noblesse du travail, qui est confrontation avec la matière et pensée de la nécessité, « entendement en acte » Simone Weil place l’agir (praxis) au-dessus du produire (poièsis).

C’est la dignité de l’activité qui doit être prise pour fin et non la valeur de la chose produite, comme c’est le cas pour le travail en usine où le produit a plus de valeur que l’activité.

Pour elle, le travail n’est pas soumission à la nécessité, mais pensée de la nécessité.

Tout comme la pensée, le travail n’a pas d’autre objet que le monde. Le travail est ce.... »

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