Cours sur l’art : L’œuvre d’art est-elle un objet sacré ?
Publié le 23/01/2024
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Cours sur l’art : L’œuvre d’art est-elle un objet sacré ?
Introduction :
I.
L’art sacré : au service de du divin et du spirituel.
II.
Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ?
A) Art et travail : l’œuvre d’art relève-t-elle de la poièsis ?
1) L'art comme activité fabricatrice :
2) L'art comme activité non utile :
3) L'œuvre et le travail :
B) La spécificité de l'œuvre d'art : génie et beauté artistique :
C) L’art est-il un langage ?
Pourquoi des artistes ? Quelle est la finalité de l’art ? Quel est le sens de cette activité si
singulière ? Hegel va répondre que la finalité de l’art est de satisfaire un besoin spirituel,
défini comme nécessité pour l’esprit de s’objectiver sous forme sensible.
D’une manière
analogue au langage, l’art a une fonction d’expression et de communication de la pensée.
Mais qu’est-ce qui distingue le langage artistique du langage ordinaire ? En quel sens une
œuvre d’art est-elle autre chose qu’un discours ? Il ne faut pas confondre un énoncé signifiant
la difficulté d’être, la terreur du néant et l’oppression de l’angoisse, et l’œuvre de Munch
intitulée « le cri ».
« Le but de l’art, son besoin originel, c’est de produire aux regards une représentation,
une conception née de l’esprit, de la manifester comme son œuvre propre ; de même que,
dans le langage, l’homme communique ses pensées et les fait comprendre à ses semblables.
Seulement dans le langage, le moyen de communication est un simple signe, à ce titre,
quelque chose de purement extérieur à l’idée et d’arbitraire.
L’art, au contraire, ne doit pas simplement se servir de signes, mais donner aux idées
une existence sensible qui leur corresponde.
Ainsi, d’abord, l’œuvre d’art, offerte aux sens,
doit renfermer en soi un contenu.
De plus, il faut qu’elle le représente de telle sorte que l’on
reconnaisse que celui-ci, aussi bien que sa forme visible, n’est pas seulement un objet réel de
la nature, mais un produit de la représentation et de l’activité artistique de l’esprit.
L’intérêt
fondamental de l’art consiste en ce que ce sont les conceptions objectives et originelles, les
pensées universelles de l’esprit humain qui sont offertes à nos regards ».
Hegel, Esthétique.
1) L’art a pour finalité de satisfaire un besoin de l’esprit :
L’homme n’a pas que des besoins matériels.
La notion de besoin connote celle de
nécessité et il n’y a de nécessité que biologique : il nous faut manger, boire au risque de
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menacer notre survie.
Ainsi, nous n’utilisons pas d’ordinaire la notion de besoin pour parler
d’une exigence spirituelle.
Or, Hegel affirme que, parce qu’il est esprit, l’homme a des
besoins spirituels.
Il y a donc une nécessité spirituelle au même titre qu’il y a une nécessité
matérielle.
La fonction de l’art est d’abord de traduire cette nécessité et de fournir à
l’humanité une satisfaction relative à « un besoin originel ».
Avec cette expression Hegel
signifie que ce besoin est originairement lié à notre nature, il n’est pas un besoin artificiel
produit par le développement social.
Les artistes eux-mêmes se réfèrent à cette idée d’une nécessité.
Dans ses Lettres à un
jeune poète, Rilke en fait proprement le signe d’une vocation artistique.
« Vous me
demandez si vos vers sont bons… Personne ne peut vous apporter conseil ou aide, personne.
Il n’est qu’un seul chemin.
Entrez en vous-même, cherchez le besoin qui vous fait écrire :
examinez s’il pousse ses racines au plus profond de votre cœur.
Confessez-vous à vousmême : mourriez-vous s’il vous était défendu d’écrire ? Ceci surtout ; demandez-vous à
l’heure la plus silencieuse de votre nuit : « suis-je vraiment contraint d’écrire ? » Creusez en
vous-même vers la plus profonde réponse.
Si cette réponse est affirmative, si vous pouvez
faire front à une aussi grave question par un fort et simple « Je dois », alors construisez votre
vie selon cette nécessité ».
Quelle est la nature de ce besoin ? Hegel répond : « C’est de produire aux regards une
représentation, une conception née de l’esprit, de la manifester comme son œuvre propre ».
Une œuvre d’art est la manifestation de l’esprit.
Manifester, c’est rendre visible de
l’invisible, c’est faire exister dans la phénoménalité d’une matière et d’une forme sensibles,
quelque chose qui excède le sensible mais se donne en lui.
Il s’agit ici du sens, de
l’intelligible, du spirituel (d’une conception née de l’esprit).
L’œuvre d’art révèle l’esprit, non
seulement dans sa capacité de produire par des moyens appropriés une œuvre réussie, mais
surtout parce que la réussite de l’œuvre tient essentiellement à la profondeur des
significations que la perfection formelle fait rayonner.
L’œuvre a une fonction expressive.
L’artiste s’empare d’un matériau pour inscrire dans l’extériorité ce qu’il est intérieurement.
Toute œuvre est une représentation, mais pas de quelque chose qui est extérieur à l’esprit
comme on le croit naïvement lorsqu’on dit que l’artiste imite le réel.
Même lorsqu’il est
figuratif l’art ne donne pas à voir le réel, il donne à voir la manière dont un esprit se
l’approprie symboliquement.
Représenter pour l’artiste, ce n’est jamais imiter servilement
ce qui est.
Un paysage, un portrait seraient sans intérêt s’ils étaient l’imitation exacte des
originaux.
Ils n’intéresseraient, comme le rappelle l’anecdote des raisins de Zeuxis que des
pigeons.
(On raconte que le peintre grec avait peint des raisins si ressemblants que des
pigeons venaient les picorer).
Ce qui fait d’un paysage de Corot, d’un autoportrait de Rembrandt, une œuvre d’art,
c’est toujours une manière de figurer des émotions, des sentiments, des états d’âme, de donner
une visibilité à l’esprit qui s’empare de ce paysage ou de ce visage et les dévoile dans leurs
connotations romantiques ou tragiques ou apaisées.
L’œuvre est un sensible signifiant.
Elle
fait apparaître dans la phénoménalité d’une réalité sensible des significations.
D’où l’étrange statut de l’œuvre d’art.
Elle est matière et comme telle chose sensible.
Une sculpture de Giacometti est un morceau de bronze.
Une cantate de Bach est une matière
sonore.
Mais ces œuvres n’existeraient pas sans cette étrange présence qui est la leur et qui
tient à leur densité signifiante.
Le miracle de l’art est de « manifester », de faire apparaître
dans une forme sensible un contenu spirituel.
Tout se passe comme si l’esprit ressentait le
besoin de mettre à l’extérieur de lui, d’objectiver ce qu’il est intérieurement, de rendre
visible l’intelligible Dans l’œuvre, il se donne ainsi une image de lui-même et par cette
médiation s’approprie sa propre essence.
Il faut bien comprendre ce que Hegel appelle esprit.
L’esprit, ce n’est pas la subjectivité
dans ce qu’elle a de particulier, d’arbitraire, d’aberrant, de relatif à un seul individu.
Tant
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qu’une œuvre est prisonnière d’une particularité empirique, d’une mythologie personnelle,
elle n’intéresse que peu de monde.
Lui manque une certaine manière d’élever une expérience
à l’universel.
Car l’esprit, c’est la dimension de l’universel.
Il s’ensuit qu’il y a une
objectivité de l’esprit au sens où est objectif ce qui peut faire l’accord des esprits.
Tout
comme la science et la philosophie, l’art est le domaine d’une communication universelle.
Ce
dont témoigne le consensus, observable, autour des grandes œuvres.
Les grandes œuvres du passé ont ainsi survécu à la particularité du temps qui les a vues
naître.
Les Pyramides sont toujours pour nous un majestueux défi de la vie à la mort, les
statues grecques une figuration du divin.
L’art donne une existence extérieure à ce qui vit en
nous intérieurement.
Tel a été son rôle fondamental dans l’histoire.
S’il en a été ainsi c’est,
selon Hegel, que l’esprit ne trouve pas d’emblée sa forme appropriée, qui est la forme
conceptuelle ou abstraite.
Avant de pouvoir se dire dans le langage du concept, l’idée s’est
exprimée dans celui du sentiment, de l’impression, de la figuration concrète.
L’objectif,
l’universel ont été rendus sensibles dans l’art (cf.
« produire aux regards une représentation » :
percevoir) avant d’être saisis de manière générale et abstraite (le concept : concevoir).
Il s’ensuit qu’au moment où l’idée s’explicite dans le langage du concept, l’art ne peut
plus jouer le rôle qui a traditionnellement été le sien.
Cette observation conduit Hegel à dire
que « l’art est chose du passé ».
Le philosophe ne signifie pas par là que c’est la fin de l’art
(il y aura toujours des artistes et nous aurons toujours plaisir à regarder une œuvre d’art), mais
que « l’art ne donne plus cette satisfaction des besoins spirituels, que des peuples et des temps
révolus cherchaient et ne trouvaient qu’en lui… Dans ces circonstances l’art, ou du moins sa
destination suprême, est pour nous quelque chose du passé.
De ce fait, il a perdu pour nous sa
vérité et sa vie ; il est relégué dans notre représentation, loin d’affirmer sa nécessité effective
et de s’assurer une place de choix, comme il le faisait jadis.
Ce que suscite en nous une œuvre
artistique de nos jours, mis à part un plaisir immédiat, c’est un jugement, étant donné que
nous soumettons à un examen critique son fond,....
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