Cours sur la Religion : Philo
Publié le 20/05/2024
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Notion 15 : la religion
Résumé du cours et textes de référence
TG
LA RELIGION ENVISAGÉE SELON LES 3 PERSPECTIVES
Deux étymologies possibles de « religio » selon les auteurs latins : il viendrait soit de religare
(« relier » les hommes entre eux et à Dieu) soit de relegere (« relire », considérer quelque
chose avec soin).
Voir exercice sur l’étymologie (polycopié distribué).
On peut en conclure que
la religion vise à créer à la fois du lien entre les hommes (une communauté de croyants) et
une attention particulière à tels ou tels actes, personnes, écrits, lieux historiques, etc.
(processus de sacralisation).
Le terme religio désignait lui-même chez les Romains un
ensemble de rites et de croyances, le culte des dieux et le respect de ces traditions par chaque
cité : « Chaque cité a sa religion » (Cicéron) – c’est ce que l’on a pu appeler « religion civile ».
1- Le rapport à l’existence humaine et la culture : la religion comme « fait social total »
(Mauss)
La religion se définit d’abord comme un fait social, caractéristique d’une culture, « système
solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, c’est-à-dire séparées,
interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale […] tous
ceux qui y adhèrent » (Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, texte 1 cidessous).
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Trois éléments sont importants dans cette définition :
- il s’agit d’un système solidaire, d’un ensemble dont tous les éléments sont liés – d’où l’idée
de « fait social total », à savoir un phénomène qui concerne en droit, selon la définition de ce
terme forgé par Marcel Mauss « la totalité de la société et de ses institutions ».
Si ce système
unifie une communauté, il la sépare et distingue en même temps d’une autre communauté,
d’une communauté adhérant à d’autres croyances et pratiques – d’où le caractère paradoxal
de l’unité ou du lien entre les hommes opéré par une religion qui peut constituer en même
temps un facteur intrinsèque de division entre les communautés (guerres de religion,
persécution des minorités, etc.), sauf si elles sont encadrées par une communauté politique
plus large (voir perspective 3).
- il s’agit non pas seulement d’un système de croyances mais encore et surtout de pratiques,
c’est-à-dire de rites, de rituels individuels et collectifs, et plus généralement de traditions
plus ou moins institutionnalisées.
D’où l’encadrement de ces institutions par un clergé (luimême plus ou moins hiérarchisé selon les religions) au-delà de la communauté des croyants
eux-mêmes.
- il s’agit de croyances et pratiques relatives à des choses sacrées, c’est-à-dire qui supposent
et organisent la sacralisation de certains écrits, lieux, personnes historiques (ou mythiques).
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L’homme religieux (par différence avec l’homme areligieux ou non-religieux) se définit selon
Eliade dans Le sacré et le profane (voir texte 2 ci-dessus) par la croyance en cette
différenciation fondamentale entre le sacré et le profane : le sacré est à la fois « ce qui
transcende ce monde-ci » et ce « qui s’y manifeste et, de ce fait, le sanctifie » ; le profane se
définit de fait seulement négativement comme tout ce qui n’est pas sacré.
Il peut y avoir
historiquement un processus de sacralisation ou de désacralisation.
Comme le montre la
transformation récente de la Basilique Sainte-Sophie à Istanbul (qui était un musée depuis
près d’un siècle) en mosquée par Erdogan sous la pression des milieux conservateurs, cette
sacralisation est souvent l’effet d’une simple décision politique.
On peut voir aussi ce
processus de sacralisation à l’œuvre dans des « Églises » un peu cocasses (l’« Église
maradonienne » rendant un culte au célèbre joueur de football argentin, Maradona) ou des
pratiques éthiques ayant de fait une dimension religieuse inconsciente (le véganisme qui
refuse toute exploitation de l’animal, quelle qu’elle soit, donc tend à sacraliser la vie animale
– même si elle ne lui rend aucun culte à proprement parler bien sûr).
Exemples de sujets possibles de dissertation envisageant cette perspective : L’homme est-il un
animal religieux ? Peut-il se passer de religion ? Une société sans religion est-elle possible ? La
religion n’est-elle qu’un fait culturel ? La religion divise-t-elle les hommes ?
2- Le rapport à la connaissance : la religion comme revendication d’une vérité absolue
La religion se définit donc comme un ensemble de croyances auxquelles le fidèle doit
adhérer sans retenue, c’est ce que l’on appelle la foi.
Il faut d’abord distinguer la notion de
croyance religieuse au sens strict de la croyance au sens large qui peut être entendue comme
étant synonyme d’opinion (notamment pour les auteurs anglo-saxons).
On peut ainsi
distinguer entre opinions, préjugés, prédictions, prévisions, superstitions et croyances
religieuses à des dogmes ou articles de foi (voir l’exercice polycopié).
Sur quoi ces croyances reposent-elles ? Hormis celles reposant sur des récits oraux
(animismes), les religions reposent généralement uniquement sur un ensemble de textes
(pour les religions polythéistes – polythéisme grec et romain, hindouisme – monothéistes –
judaïsme, christianisme, islam – comme pour les spiritualités – bouddhisme) qui
accompagnent peu ou prou la naissance et la diffusion de l’écriture – marquant toute son
importance pour l’humanité.
Ces textes sacralisés sont de fait d’abord historiques : ils ont
été le fruit d’un établissement et d’une élaboration parfois individuelle, parfois collective,
dont la source est souvent perdue ou masquée comme telle (ainsi l’islam envisage le Coran
comme un livre qui aurait été dicté par Dieu lui-même à son prophète Mahomet) et qui
évoque des événements cosmogoniques clairement mythologiques (la Genèse ou le Déluge
dans l’Ancien Testament – sachant qu’on trouve déjà une version de l’arche de Noé dans
l’épopée de Gilgamesh, issue de la civilisation babylonienne) et/ou généralement très
antérieurs à l’époque où ils sont narrés (ainsi la vie de Jésus dans le Nouveau Testament
racontée au moins un siècle après son déroulement) et dont il ne reste généralement aucune
trace archéologique ou historique autre que ce qu’en dit ce groupe d’écrits.
Indépendamment
des croyances et adhésions qu’ils suscitent chez les fidèles, il faut garder en tête que ces
événements narrés ne constituent donc aucunement des faits historiques attestés
(l’existence historique, y compris de Jésus ou de Muhammad/Mahomet, étant encore sujette
à interrogation et source de débat pour les chercheurs spécialistes, historiens et philologues).
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Quoi qu’il en soit, toute religion érige les dogmes ou articles de foi sur lesquels elle repose
en vérités absolues, non soumises à discussion ou réfutation, données une fois pour toutes,
notamment par le biais de ces textes dits sacrés, – vérités concernant la nature de Dieu, la
genèse du monde, le but de l’existence humaine, l’existence d’une vie après la mort, etc.
Mais
ces dogmes ou articles de foi transformées par les autorités cléricales et la communauté des
croyants qui y adhèrent en vérités absolues étant toujours extraites de ces textes, ils
supposent que ceux-ci soient interprétés selon certaines règles (principe de l’herméneutique
ou science de l’interprétation que Spinoza a notamment contribué à fonder dans son Traité
théologico-politique, seul texte paru de son vivant, voir extrait distribué).
Interpréter un texte
veut dire en dégager déjà le sens ou les différents sens (littéral, métaphorique, moral, etc.)
qui est inséparable des conditions historiques et linguistiques de son énonciation.
Mais au-delà de son ou ses sens, quel est le contenu de vérité des écrits religieux ? Comment
en décider autrement qu’en y croyant ou pas ? Et ces vérités supposément absolues peuventelles se concilier avec les vérités établies et démontrées par la science notamment – vérités
fondées sur des preuves, qu’elles soient expérimentales ou rationnelles ?
C’est déjà là notamment, dans l’interprétation des textes religieux, que se noue le conflit entre
foi et raison (si l’on entend par raison la faculté d’établir scientifiquement ou
philosophiquement des vérités par expérience ou démonstration), conflit qui sera encore
renforcé avec l’invention et le développement de la science moderne dont les vérités
contredisent de plus en plus frontalement les écrits religieux.
Comment résoudre ce conflit ?
Si l’on excepte une première « solution » qui consiste à nier radicalement le rôle et la place de
la raison et même en condamner, avec parfois la plus grande violence, toute manifestation au
nom de la foi (c’est ce que l’on appelle aujourd’hui le « fanatisme » ou l’« obscurantisme »
religieux qui a longtemps sévi au fil des siècles au nom de toutes les religions – mise à mort de
Giordano Bruno pour avoir affirmé qu’il y a une infinité de mondes, persécution de Galilée
pour avoir affirmé que la Terre tourne autour du soleil – et continue hélas de sévir dans
certains pays et à travers certains actes, notamment terroristes – fatwa et récent attentat au
couteau contre Salman Rushdie, attentats du 11 septembre, contre Charlie Hebdo, du 13
novembre en France, assassinat tout récent de Samuel....
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