Cours sur la Religion
Publié le 03/06/2023
Extrait du document
«
LA RELIGION
Religio du latin religare : un lien qui nous unit à la divinité et des hommes entre
eux, religere : vouer un culte et respecter.
Religion : système de représentations des rapports de l’homme avec le monde
manifestant sa dépendance par rapport à des forces qui le dépassent.
Ces grands systèmes de croyances, de rites et de pratiques façonnent l’esprit des
peuples et sont les piliers de toutes les fonctions d’une civilisation : art,
philosophie, droit, politique.
La religion a longtemps été la base de la culture
jusqu’à la modernité.
En France, c’est en 1905 que fut prononcée la séparation
de l’Eglise et de l’Etat, la laïcité permettant la coexistence pacifique des
confessions religieuses hors des espaces publics et de l’école.
La dimension
privée de la conscience religieuse est un acquis irréversible ; fondant la tolérance
dans la dimension universaliste de la raison et de la réflexion philosophique.
Double aspect de la religion : institution sociale et objective et métaphysique
figurative qui s’exprime dans la religion populaire par un ensemble de croyances.
L’adhésion confiante à ces croyances a longtemps été synonyme de foi.
Hegel dans son cours sur La Philosophie de la religion fait une herméneutique
(interprétation) philosophique du christianisme et de la profondeur spéculative de
sa dogmatique élaborée par les Pères de l’Eglise.
Hegel, qui de réclament du
luthéranisme, a voulu, contre le rationalisme des Lumières qui l’avait élaguée de
sa dimension narrative et spéculative, réintroduire la religion dans le royaume
d’une raison concrète et élargie, capable de décrypter son langage spécifique.
On ne peut plus aujourd’hui, quelle que soit la religion considérée, se dispenser
d’une exégèse intelligente des textes fondateurs écrits en d’autres temps que le
nôtre.
La religion exprime le rapport de l’homme à l’Absolu
L’inconditionné ou l’Absolu sont ce que l’Homme appelle « Dieu ».
La triple mémoire de l’Occident
Brève histoire de la dénomination des religions
La religion et la magie
Du profane au sacré, du sacré au Saint
Les deux formes de la religion : religion statique et religion dynamique
a) Religion statique
b) Religion dynamique
La religion naturelle
Hegel : la religion est l’esprit conscient de son essence
La critique de la religion comme illusion
Feuerbach
Marx
Freud
Dieu est-il mort ?
Que veut dire Dieu personnel ?
Hypostases plotiniennes et hypostases chrétiennes
La raison et la foi sont-elles incompatibles ?
Conclusion
1) La religion exprime le rapport de l’homme à l’Absolu
Si la culture est la production de formes conditionnées par l’espace et le temps
dans lesquels se développe un peuple, la religion est l’orientation vers
l’Inconditionnée, autrement dit l’Absolu, ce qui relève de l’éternité.
Le paradoxe
est que son expression positive est culturelle comme le souligne Hegel pour qui
les religions du monde, grands systèmes de croyances, de rites et de pratiques
façonnent l’esprit des peuples et sont les piliers de toutes les fonctions d’une
civilisation (littérature, art, morale, droit, politique).
Si la modernité occidentale a
globalement déserté sa tradition qu’elle ne comprend même plus, nous verrons
qu’elle est particulièrement bien outillée pour se pencher sur elle avec une
intelligence renouvelée.
« Notre civilisation est la première qui a perdu le sentiment du contact entre la conscience et ce qui est au-delà
d’elle.
Ce contact était autrefois assumé par la religion.
La religion est, il est vrai, un concept presqu’aussi
difficile à cerner que celui d’art.
Pour nos besoins, il suffira de dire que par religion, ou plutôt par religiosité,
nous entendons le sentiment et la conscience d’une dépendance de l’homme vis-à-vis de quelque chose qui
dépasse son savoir et sa volonté.
La religion, c’était peut-être cela dans toutes les civilisations, archaïques ou
historiques.
Mais, dans notre civilisation, le sens même du mot religion s’est perdu ».
J.
Chalupecky, in
Duchamp, Colloque de Cerisy, 10/18, 1979, p.22-23
2.
L’inconditionné ou l’Absolu sont ce que la religion appelle « Dieu »
Au centre de la conscience religieuse, il y a Dieu, source ontologique dont toute
chose procède.
On a pu opposer comme le fit Pascal dans ses Pensées et
Opuscules, le dieu des philosophes, cause première et parfaite de l’univers, au
Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.
Pour Pascal, ces deux versions de Dieu sont
deux points de vue, deux postures existentielle distinctes qui se retrouvent chez
lui.
Platon et Aristote ont, tout deux, esquissé un monothéisme pur : en effet, Platon
appelle-t-il Dieu le Bien ou l’Un et le Dieu d’Aristote est l’Intelligence se
contemplant elle-même, premier Moteur et Acte pur : Dieu est le principe de
tout de venir, auquel il n’est pas soumis.
« Le premier Moteur est donc un être nécessaire, et, en tant que nécessaire, son être est le Bien, et c’est de
cette façon qu’il est principe […][Nous appelons] Dieu un vivant éternel et parfait ; la vie et la durée continue et
éternelle appartiennent donc à Dieu, car c’est cela même qui est Dieu.
»
Aristote, La Métaphysique.
Quant à Descartes, dont la pensée de Dieu s’inscrit dans le cadre du
christianisme historique, il voit en Dieu une substance infinie et éternelle.
« Par le nom de Dieu, j’entends une substance infinie, éternelle, immuable, indépendante, toute connaissance,
toute puissante, et par laquelle moi-même, et toutes les autres choses qui sont […] ont été créées et
produites ».
Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation III.
La pensée moderne désubstantialise ce qu’on appelle « Dieu » c’est-à-dire qu’elle
lui enlève son sens historique chrétien pour le ramener au sens de mystère.
Paul
Tillich, philosophe et théologien allemand dit que ce n’est que le symbole pour
dire « le mystère du monde », « l’inconditionné », le « mystère de l’être », le
« fondement et l’abîme de la raison » qui résiste à la connaissance conceptuelle
et à l’articulation linguistique.
Tillich refuse comme tous les théologiens
modernes l’idée que Dieu serait quelque chose comme un Être Suprême qui
surplomberait la création, ce qui, pour lui, relève de l’impiété.
« Dieu n’existe pas.
Il est l’être même au-delà de l’essence et de l’existence.
En conséquence, prouver que Dieu
existe revient à le nier.
»
Théologie systématique II, p.66
« La question de l’existence de Dieu ne peut ni se poser ni recevoir de réponse.
Si on la pose, elle porte sur ce
qui par sa nature même dépasse l’existence ; par conséquent, la réponse, qu’elle soit négative ou affirmative –
contredit implicitement la nature de Dieu.
Il est aussi athée d’affirmer que de la nier.
» Théologie systématique
II, p.11
« En fin de compte, c’est une insulte à la sainteté divine de parler de Dieu comme nous le faisons d’objets dont
l’existence ou la non-existence peut être discutée.
» Ibid.
Lorsque Tillich parle de Dieu, il parle en fait du vécu de l’inconditionné, de la
rencontre à la fois fascinante et effrayante avec l’être, l’esse ipsum inexplicable.
Ce « choc ontologique » ne relève pas de la raison.
Kant a eu tort, selon lui,
d’exclure toute possibilité d’une telle expérience.
Le problème est que tout ce qui
touche à ce choc ontologique passe par la symbolisation et que « ces concepts
épais » que sont les symboles risquent d’être pris pour ce vers quoi « ils
pointent », d’où le danger d’idolâtrie qui leur est immanent.
Tillich et la théologie
contemporaine en général refuse ce que Heidegger appelle « l’ontothéologie »,
càd l’idée que Dieu existe comme n’importe quel objet du monde.
Il supprime
donc l’ancienne idée « objective » de Dieu qui faisait de lieu un étant et lui
conférait « l’existence ».
« Dieu » n’est pas un être, il est l’être lui-même.
3- La triple mémoire de l’occident
Il faut rappeler la triple racine de notre civilisation (Athènes, Rome et
Jérusalem), rappeler que la philosophie grecque et le judaïsme avec son
prolongement chrétien sont les racines de l’Islam qui, en retour, nous a transmis
la pensée d’Aristote que des philosophes arabes médiévaux comme Averroès ont
abondamment traduit et commenté.
Les trois grandes religions des peuples qui
vivent sur les pourtours de la Méditerranée ont des origines communes : elles
commencent avec Abraham vers les 1850 avant notre ère ! « Si nous oubliions
ces fondations, nous danserions demain devant nos cathédrales comme des
foules de singes jacassent sur les temples du Yucatan et d’Angkor envahis par la
jungle » (Michel Serres).
Penser philosophiquement la catégorie du « religieux » et les grandes figures
historiques qui l’ont incarnée (dans l’ordre chronologique : judaïsme,
christianisme et islam) est d’ailleurs le meilleur moyen de porter remède avec
intelligence aux lacunes ou aux distorsions passionnelles de la mémoire, en
montrant que leur noyau éthique est commun et qu’il exclut tout fanatisme.
4- Brève histoire de la dénomination des religions
Notons d’abord que ce que nous appelons les « religions » n’était autre que la
culture des peuples qui ne distinguaient pas de sphères différentes de la vie.
C’est en Occident, d’une certaine manière que la considération séparée de la
religion a pris naissance.
Les Grecs parlaient de piété envers les dieux (voir
l’Eutyphron de Platon).
C’est chez les....
»
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