Cours sur la notion de Bonheur
Publié le 15/01/2023
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«
LE BONHEUR
« Tous les hommes recherchent d’être heureux.
[…] C’est le motif de
toutes les actions de tous les hommes, jusqu’à ceux qui vont se pendre.
»
écrit Blaise Pascal dans ses Pensées.
Le bonheur semble une quête
universelle.
Pourtant Aristote remarquait déjà que si nous sommes tous
d’accord pour faire du bonheur une fin, plus personne ne l’est quand il
s’agit de dire ce qu’est le bonheur.
Kant sera allé encore plus : non
seulement nous ne sommes pas d’accord sur notre définition du bonheur,
mais même nous n’arrivons pas individuellement à la formuler.
Comment
réussir à décrire le bonheur ?
I.
Le bonheur est-il lié au désir ?
On pourrait voir le bonheur comme la satisfaction de tous nos désirs.
Dit
autrement, être heureux demanderait de rechercher le plaisir qu’on
éprouve à la satisfaction des désirs, ce qui ferait de nous des hédonistes.
Pourtant, nous savons que le désir est un manque partiellement satisfait
par son objet qui se déplace d’objet en objet.
Rechercher ce plaisir de
satisfaire nos désirs serait donc une quête sans fin, qui nous entraînerait
dans une boulimie de plaisirs, au point de ne plus avoir de discernement,
comme la littérature a pu l’exprimer sous la plume de Gide dans Les
nourritures terrestres ou d’Oscar Wilde dans Le Portrait de Dorian Gray.
Platon notait déjà ce péril à travers le mythe du tonneau des Danaïdes :
de même que ces figures mythologiques ont été condamnées à remplir un
tonneau percé, ce qui est impossible, satisfaire nos désirs est une quête
impossible et s’apparente à un châtiment éternel.
On ne peut pourtant
nier l’existence de nos désirs, et Platon lui-même le reconnaît.
Il a
d’ailleurs consacré tout un dialogue à cette question, Le Banquet, dans
lequel chaque personnage fait tour à tour l’éloge d’Eros.
Aristophane, le
grand auteur comique, pour cet éloge choisi de raconter un récit, connu
désormais sous le nom de « mythe d’Aristophane » : les hommes à
l’origine étaient doubles, mais, punis pour avoir voulu déloger les dieux,
ont été coupés en deux.
Notre désir s’explique donc par la volonté de
retrouver notre moitié manquante, et est ainsi la marque de notre
incomplétude.
Si nous ne pouvons nier nos désirs, peut-être alors faut-il apprendre à les
gérer ?
A/ Gérer les désirs
C’est cette attitude que préconise Epicure.
Pour atteindre le bonheur, il
faut rechercher les plaisirs qu’apporte la satisfaction des désirs – mais pas
tous.
En effet, le bonheur demande d’atteindre l’ataraxie, c’est-à-dire
l’absence de troubles.
Or, au quotidien, nous nous inquiétons pour bien
des choses.
Epicure propose alors un « quadruple remède », le
tetrapharmakon : les dieux ne sont pas à craindre, la mort n’est pas à
craindre, la souffrance est supportable, le bonheur est atteignable.
Aussi,
Epicure va-t-il proposer une classification des désirs, entre désirs naturels
et nécessaires, désirs naturels et non-nécessaires, et désirs vains, nonnaturels et non-nécessaires.
Seuls les premiers sont à chercher, et sont
tout le contraire de la débauche : « un peu de pain, un peu d’eau fraîche,
un peu de paille pour dormir, un peu d’amitié ».
Epicure ne fait pas du
plaisir une fin, comme les hédonistes, mais en fait un moyen d’atteindre le
bonheur ; il est donc eudémoniste.
C’est dans cette perspective qu’il faut
entendre la fameuse expression d’Horace « Carpe diem ! ».
B/ Vaincre les désirs
Les stoïciens, eux, vont encore plus loin et veulent faire taire le désir en
nous.
En effet, le monde est beau – c’est le kosmos – et tout en lui a sa
place.
Tout est donc fait de mesure et d’harmonie.
Mais nos désirs nous
poussent à quitter notre place, ils font naître en nous l’orgueil, l’hybris
grec.
Aussi, nos désirs provoquent du désordre, et pour l’empêche nous
devons écouter notre raison.
C’est ce qu’expliquent aussi bien Epictète,
esclave auteur du Manuel, que Marc-Aurèle, empereur auteur des Pensées
pour moi-même.
Il faut apprendre à distinguer ce qui ne dépend pas de
nous et ce qui dépend de nous.
Ce qui ne dépend pas de nous, il nous faut
l’accepter, puisque de toute façon on ne peut le changer ; et il nous faut
nous concentrer sur ce qui dépend de nous, c’est-à-dire nos pensées.
C’est par le travail sur soi que nous apprendrons à rester à notre place en
acceptant notre sort.
« Veuille que ce qui arrive, arrive comme il arrive »
écrit ainsi Epictète.
Des siècles plus tard, Descartes s’en sera encore fait
l’écho en donnant comme principe de sa morale par provision « changer
ses désirs plutôt que l’ordre du monde ».
C/ Libérer le désir
Spinoza propose une attitude différente de la simple répression du désir.
En effet, il était enthousiasmé par la pensée de Descartes, qui affirmait
que la nature – la « substance étendue » – était régie par des lois.
Mais
Descartes voyait une exception : la « substance pensante », c’est-à-dire
notre conscience, qui est libre.
Là, Spinoza est en désaccord : nous
croyons penser librement, mais uniquement parce que nous ignorons les
causes qui nous déterminent.
De même que la pierre tombant du fait de la
loi de gravité croirait choisir son mouvement, nous croyons choisir nos
pensées uniquement parce que nous ne comprenons pas les mécanismes
qui nous régissent.
La pensée de Spinoza est donc déterministe.
Le désir, pour Spinoza, est l’expression de la vie en nous.
Il est
notre conatus, notre effort pour persévérer dans l’être.
Nous agissons
pour continuer à désirer ; il nous faut donc accepter notre désir pour
l’orienter vers des choses en harmonie avec notre situation de vie, ce qui
apporterait la joie.
Notre seule liberté est donc prendre conscience de
notre conatus, d’apprendre à connaître les mécanismes qui nous
régissent.
Puisque nous sommes régis par des causes, nous devons
apprendre à les connaître pour être en harmonie avec elles et atteindre la
joie.
Notre conatus devient alors plus précis : il n’est plus simple désir,
mais désir de se connaître.
II.
Le bonheur, une question de chance ?
Il peut sembler étonnant de poser la question du bonheur sous l’angle de
la chance, mais le mot lui-même nous y invite : « bonheur » vient du
préfixe « bon » adossé au substantif « heur », dérivé du latin augurium, le
présage.
Le bonheur est donc le bon présage, il renvoie à ce qui va se
produire, à ce qui va arriver.
Il ne dépendrait donc pas de nous, mais de
circonstances extérieures, de la fortune, d’où l’arrivée de la superstition
pour se donner une forme de contrôle, notamment avec les « portebonheur ».
Donc nous seulement nos gesticulations pour....
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