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Courage et morale ?

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« INTRODUCTION.

— Nous admirons l'homme conséquent avec lui-même et qui, au lieu de se laisser aller au gré des circonstances, maintient coûte que coûte, les principes auxquels il s'est arrêté.

Pouvons-nous donc définir la morale une logique de la conduite, et le courage qui fait rester d'accord avec soi-même suffit-il à constituer la moralité ? I.

— MORALE ET LOGIQUE DE LA CONDUITE. A.

Par morale, nous pouvons entendre d'abord la règle de vie élaborée par les moralistes. a) Cette règle de vie peut être conçue comme une logique de la conduite.

Sans doute, il serait faux de prétendre que c'est par déduction à partir de principes posés tout d'abord que sont déterminées les prescriptions particulières.

Mais il n'en est pas moins vrai qu'un système de morale n'est constitué qu'une fois les prescriptions particulières rattachées à quelque principe général qui les justifie. b) Cependant, la morale ne se réduit pas à une logique, de la conduite.

Le logicien se borne, en effet, à tirer de propositions données les conséquences qui en découlent; logique dit seulement cohérence, et un système peut être cohérent sans correspondre à rien de réel.

C'est au contraire une obligation réelle que prétend établir le moraliste; aussi son principal rôle n'est pas 'tant de déduire d'un principe donné les conséquences qui en découlent que d'établir ce principe lui-même et un principe qui s'impose à tout être qui pense. La logique est l'art d'organiser des systèmes hypothético-déductifs, comme sont les mathématiques.

La morale au contraire, si elle comporte des déductions, pose à la base une affirmation catégorique. Sans doute, s'il est logique, le moraliste n'acceptera comme base de sa morale qu'un principe certain.

Mais si la vérification de la certitude des propositions scientifiques dépend de la pure intelligence, seul instrument de la logique, il n'en est pas de même des propositions d'ordre moral : elles portent sur des valeurs et non sur des réalités et l'esprit qui se maintient au niveau de la stricte logique ne parviendra pas à les reconnaître. B.

On appelle aussi « morale » une vie conforme à la règle des moeurs.

Pouvons-nous dire que cette règle se réduit à cette formule : sois logique avec toi-même, reste fidèle aux principes que tu as adoptés. a) Sans doute, la vie morale suppose une logique de la conduire: il faut d'abord conduire sa pensée logiquement, c'est-à-dire déterminer le bien et le mal, ses droits et ses devoirs, d'après la raison et non d'après la passion ou le sentiment (logique rationnelle et logique passionnelle); ensuite et surtout, il faut passer à l'action et réaliser l'accord de ses conceptions morales et de sa pratique. b) Mais cette logique ne suffit pas à constituer une vie moralement bonne.

D'abord, ainsi que nous l'avons dit, le tout n'est pas de tirer de principes donnés les conséquences qui en découlent et de les mettre en pratique : il faut aussi partir de bons principes. Ensuite, la morale n'est pas affaire de pure intelligence : il ne suffit pas, comme dans une déduction logique, de voir l'enchaînement des idées; il faut aussi et surtout vouloir le bien et l'aimer, ce qui ne relève pas de la logique. La morale exige donc de la logique, mais on ne saurait la définir comme une logique de la conduite : elle fait appel à tout l'homme et non pas seulement aux facultés intellectuelles. II.

— ACCORD AVEC SOI-MÊME ET MORALITÉ. On pourrait croire qu'en précisant les rapports qui existent entre la logique et la morale nous avons répondu à la question de savoir si pour être moral il suffit d'avoir le courage de rester d'accord avec soi-même : rester d'accord avec soi-même n'est-ce pas être logique P II nous semble cependant qu'en reprenant le sujet de ce point de vue nous aurons l'occasion de faire des remarques d'un certain intérêt. A.

On peut d'abord comprendre l'accord avec soi-même comme la conformité de sa conduite avec ce qu'on est naturellement.

Être moral consisterait, comme le disent certains existentialistes à la mode, à assumer sa nature, à la vouloir et à vouloir en conséquence tout ce vers quoi elle nous porte. Cette conception est évidemment inacceptable.

En effet, agir moralement c'est se conformer au bien et non à soi.

Sans doute, les existentialistes visés objecteraient que nous n'avons aucune idée du bien, mais cette objection les condamnerait eux-mêmes : s'ils n'ont aucune idée du bien, comment peuvent-ils considérer comme bon l'accord avec soi-même ? B.

L'accord avec soi-même peut consister aussi dans la fidélité aux principes adoptés ou dans la constance dans un style de vie une fois choisi. Bien que moins paradoxale, cette conception de la moralité ne peut pas nous satisfaire. Tout d'abord, ainsi que nous l'avons dit, il ne suffit pas pour être moral de pousser jusqu'à leurs conséquences dernières les principes adoptés; il faut aussi adopter des principes justes. Ensuite, la constante fidélité à ces principes n'a de valeur morale que tant qu'ils s'imposent à l'esprit comme les seuls vrais.

Dès qu'ils paraissent faux ou même incomplets, la morale demande de les rejeter ou de les compléter.

Aussi pour être moral faut-il parfois avoir le courage d'entrer en désaccord avec soi-même, de se déjuger. C.

Mais le plus souvent on entend par « accord avec soi-même » la conformité de la conduite avec les idées morales, l'obéissance aux injonctions de la conscience. Il pourrait sembler tout d'abord que la moralité consiste bien dans un accord avec soi ainsi compris.

Mais nous devons nous rappeler qu'en morale comme dans d'autres domaines règnent des idées fausses, qu'il est des consciences erronées.

Sans doute, quiconque suit les indications de sa conscience agit subjectivement bien; mais objectivement, son action peut être mauvaise. Nous conclurons donc que la moralité ne consiste pas dans l'accord avec soi-même, mais dans l'accord de la conduite avec la norme du bien. CONCLUSION.

— Si la logique de la conduite et l'accord avec soi-même ne suffisent pas à constituer une morale e à réaliser la moralité, cette unité et cette cohérence de la pensée et de la vie, comme la conformité de la vie à la pensée, constituent un élément essentiel de l'une et de l'autre.

Bien plus, cette attitude de loyauté et de fidélité courageuse à l'égard de la lumière entrevue, entraînera un progrès vers une lumière plus grande : une conduite logique prépare à une conduite totalement bonne.. »

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