Corrigé d'explication de texte, Jules Lagneau, Cours sur l'évidence et la certitude (1890)
Publié le 22/12/2023
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Corrigé d'explication de texte, Jules Lagneau, Cours sur l'évidence et la certitude
(1890)
Texte :
A mesure qu'un esprit se développe, se perfectionne, il devient plus difficile
en matière d'évidence, il aperçoit de mieux en mieux les conditions auxquelles
doit satisfaire une proposition pour être vraie.
Les bornes de l'évidence se
resserrent de plus en plus.
Une proposition n'est donc reconnue évidente que
lorsque l'esprit s'en sépare, s'oppose à elle, et affirme qu'elle s'impose à lui.
Ce
que nous jugeons évident est ce que nous jugeons qu'il faut nécessairement subir.
Mais pour que cette nécessité soit reconnue, il faut que nous considérions
que nous sommes distincts de cette nécessité, c'est-à-dire que nous sommes
libres.
En effet, l'affirmation de la nécessité dans l'évidence est indiscutable- ment
liée à celle de la liberté de l'esprit.
Se reconnaître contraint à l'affirmation d'une
vérité, c'est reconnaître qu'avant de subir cette détermination, on était capable
d'être déterminé autrement, on était libre, autrement dit.
La condition de la
reconnaissance de l'évidence c'est donc, dans l'esprit, le sentiment de sa liberté.
Il
faut que l'esprit, en présence de ce dont il a à juger, sente, sache qu'il est un juge
dont la sentence ne peut être déterminée que par des raisons.
Mais ces raisons mêmes qui le déterminent ne sauraient être extérieures,
n'avoir aucun rapport avec lui, ne sauraient être des raisons qui le
contraindraient absolument.
Car ce ne seraient pas alors des raisons, mais des
nécessités brutales.
Le propre des raisons, c'est de représenter dans les choses.
la
nature absolue de l'esprit.
Il faut que l'esprit, pour reconnaître une chose comme
vraie, pour se reconnaître obligé d'affirmer la vérité de cette chose, aperçoive en
elle des raisons d'être affirmée, qui expriment en elle sa propre nature à lui.
De là
vient que, quand nous formons une proposition que nous jugeons vraie, nous ne
pensons pas que par là nous aliénons notre liberté.
Affirmer une chose comme
vraie, ce n'est pas subir une contrainte imposée du dehors, mais bien proclamer
la loi de notre propre nature, loi qui, au lieu de nous contraindre, de nous
diminuer, de nous réduire, nous réalise au contraire, nous développe en nous
unissant aux choses.
L'évidence ne vient pas du dehors, mais du dedans.
Ce n'est
pas quelque chose d'imposé du dehors à l'esprit, mais quelque chose de projeté
par lui.
Jules LAGNEAU, Cours sur l'Évidence et la Certitude, vers 1890, in Célèbres leçons
et fragments, P.U.F., 1950, p.
109.
Explication de texte :
Quelle réflexion devons-nous mener à propos de la notion d'"évidence" ?
Est-il suffisant de révéler les trompeuses apparences, ces mirages dans lesquels
nous chutons faute de capacité à les scruter adéquatement ? Manquons-nous
principalement d'une analyse critique rigoureuse ? À la lumière de l'œuvre de
Jules Lagneau, en particulier son ouvrage intitulé "Cours sur l'évidence et la
certitude" (1890), il semble que la question centrale diffère.
Il convient plutôt
d'examiner les rapports entre, d'une part, une évidence véritable et, d'autre part,
la notion de liberté.
L'"évidence", nous prive-t-elle de notre liberté ?
Évoquant la divinité, Maulnier soutenait que « son évidence nous
empêche[rait] de le choisir ».
Par conséquent, l'acte de foi deviendrait un choix,
étant donné que la Divinité transcende l'évidence, échappant à l'entendement
humain.
Dans cette perspective, la véritable liberté s'initierait au-delà de
l'évidence, se manifestant dans un acte de décision similaire à celui d'Abraham
dans l'Ancien Testament.
Autrement dit, une évidence qui se dévoile sous le
prisme de la raison, une vérité évidente et démontrée, nous priverait de la liberté
de l'embrasser ou de la rejeter.
Nous serions alors rudement assujettis à cette
évidence.
Toutefois, Jules Lagneau ne conçoit pas de la sorte la relation entre
liberté et évidence.
Selon sa lecture, l'évidence ne nous exonère nullement de
notre libre arbitre.
C'est cette problématique que nous nous proposons d'explorer
à travers l'analyse de son texte.
Dans la première partie de notre texte, l'auteur met en exergue l'existence
d'évidences fallacieuses, de vérités apparentes qui se révèlent être des leurre.
Prenons l'exemple de l'enfance : nombre de concepts nous semblent indubitables
qui, avec le temps, se dévoilent sous un jour différent.
Notre intellect, ayant mûri
et s'étant « plus difficile en matière d'évidence », nous conduit à une
compréhension plus nuancée.
En tant qu'adultes, dotés d'une formation
intellectuelle et éclairés par nos expériences, nous comprenons qu'une série de
critères doit être satisfaite pour qu'une affirmation soit considérée comme « vraie
».
Effectivement, chaque branche de la science établit ses propres standards,
méthodologies, et critères pour distinguer l'apparente vérité de la vérité avérée,
du moins dans le cadre de son « paradigme » spécifique.
Cependant, Lagneau
attire l'attention sur un aspect plus universel : la relation entre le sujet pensant et
sa propre cognition.
À mesure que l'intellect gagne en maturité, il apprend à se
distancier de ses évidences personnelles.
Cette dissociation permet à l'esprit
d'objectiver ses pensées, de les confronter et de les remettre en question.
Ceci est
un écho de la pensée cartésienne : le processus de douter, de nier, est en soi un
acte de liberté qui exige de la certitude.
Alain, disciple de Lagneau, affirme que «
Penser c'est dire non ».
On ne conceptualise pas les éléments extérieurs sans
d'abord remettre en question notre propre pensée : la quête de vérité et le
processus de réflexion impliquent nécessairement ce moment critique dans
l'esprit cartésien.
Toutefois, par un retournement similaire, la pensée qui se métamorphose
en « objet » se révèle dominante pour le sujet réfléchissant.
Cette domination se
manifeste lorsque l'ensemble des critères d'objectivité ou de véridicité est
satisfait, conduisant à une situation où l'unique option viable est d'acquiescer à la
vérité d'une assertion, en raison de la compréhension de sa « nécessité ».
Atteignant ce degré de réflexion critique, il devient impossible de façonner nos
pensées à notre guise ; on se trouve « submergé » par une nécessité, du fait de
notre compréhension de celle-ci.
Devons-nous alors admettre que le coût de l'appréhension d'évidences, de
vérités indubitables et impératives, se traduit par une réduction de notre liberté ?
Devrions-nous embrasser l'ironie selon laquelle, en nous affranchissant de nos
illusions et en gagnant en liberté, nous nous heurtons inévitablement à des
impératifs que nous endurons au point d'abandonner notre liberté de
discernement ? Se pourrait-il que l'évidence finisse par se retourner contre nous ?
Ou, à l'inverse, n'étions-nous pas davantage libres quand nous ne nous
confrontions pas dans un effort critique de notre pensée, quand nous étions en
symbiose avec nos évidences subjectives, peut-être illusionnées, mais
authentiquement libres ?
Le deuxième segment du texte propose une réplique, un démenti à ce
paradoxe.
Il est erroné d'affirmer que la nécessité nous asservit.
Elle ne peut nous
assujettir que si nous l'admettons en tant que nécessité.
Cette admission exige le
même éloignement à son égard que celui mentionné précédemment.
Tout comme
la pensée se dissocie d'elle-même, s'oppose à elle-même pour s'assurer de ne pas
succomber à de fausses évidences, de la même manière, la pensée se distancie de
la nécessité qui impose une évidence authentique.
Le fait que l'évidence soit
véritable ou fallacieuse ne modifie en rien la structure de la pensée, qui repose
sur une séparation, une mise à distance.
De ce fait, nous demeurons « distincts » de nos propres réflexions, même
quand ces dernières représentent une vérité incontournable, une évidence
avérée.
Lagneau met en avant que cela implique que nous conservons notre «
liberté ».
Cette liberté découle de la dissociation entre la pensée et son objet, de la
dynamique de négation....
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