Convient-il de distinguer entre le moi et l'idée de moi
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Convient-il de distinguer entre le moi et l'idée de moi 7
INTRODUCTION.
— De tout ce que nous connaissons, nous formons, semble-t-il, des idées que nous ne confondons
pas avec les objets connus : ainsi mon idée de table ou de Pierre est bien distincte de la table sur laquelle j'écris et
de Pierre dont je reçus hier la visite.
Mais le moi ne fait-il pas exception ? et convient-il de distinguer entre moi et
l'idée de moi ?
A.
— Raisons de le croire.
Nous sommes portés tout d'abord à répondre par l'affirmative.
Le « moi » en effet nous apparaît, quelle que soit sa
nature mystérieuse, comme une réalité indépendante de l'idée que nous en avons.
Les psychologues d'ailleurs nous
disent assez quelles différences il y a ordinairement entre cette réalité et l'idée que nous nous en formons.
Enfin,
tandis que le moi est toujours concret, individuel, l'idée de moi devient générale et abstraite.
Le chapitre consacré
an « moi » traite du moi de l'homme.
B.
— Raisons d'en douter.
Mais on peut se demander si l'on ne s'expose pas à des confusions en désignant du même mot la réalité que je suis
et l'idée que je m'en fais.
a) Effectivement, les philosophes parlent plus de personne et de personnalité que de moi; les psychologues
distinguent aussi entre le « je » ou moi-sujet et le « moi » ou moi-objet (objet de représentation).
Ces distinctions
étant admises, le moi ne se distingue pas de l'idée de moi.
b) Ensuite on peut se demander si nous avons une véritable idée de moi.
Une idée est générale; or « moi » a
toujours une acception singulière.
Comme le remarque Maurice BLONDEL (dans LALANDE) : « il n'y a pas UN moi qui ne soit d'abord et inévitablement
TEL moi : ce mot ne comporte pas d'usage abstrait, puisqu'il désigne par nature ce qui ne peut être saisi et même
conçu que comme concret ».
Sans doute tout réel est individuel : les violettes et les montres réelles sont, elles
aussi, toujours concrètes.
Mais tandis que j'ai l'idée générale de « montre » et de « violette », « moi » désigne
toujours une réalité unique et n'a pas de pluriel; « moi », c'est moi seul, et je ne puis parler du « moi » des autres
qu'en me mettant à leur place et en assumant leur « moi » comme s'il était mien.
Mais ne pouvons-nous pas avoir l'idée de notre moi ? Il est incontestable que nous en avons conscience; nous
pouvons même dire avec NEDONCELLE que nous en avons la notion, c'est-à-dire la connaissance; nous accorderons
même, ce que ne ferait peut-être pas MEDONCELLE, que nous en avons une idée véritable, c'est-à-dire abstraite et
correspondant à notre moi en général.
Mais, il semble difficile de le nier, quand je dis « moi » je me réfère, non pas à
cette idée abstraite de ce que je suis, mais à l'expérience immédiate que j'en ai.
L'idée de moi est bien de l'ordre de
la pensée, mais d'une pensée vécue; c'est pour cela qu'elle ne se distingue pas du moi.
CONCLUSION.
— II convient donc de ne pas distinguer entre moi et l'idée de moi.
Je puis avoir une idée de tout,
c'est-à-dire en faire un objet de ma pensée; de tout, sauf de moi, car je ne saurais être un objet pour moi.
Quand
je dis ou pense « moi », ce mot ne prend sa signification propre que grâce au sentiment d'être moi : l'idée de moi
est inséparable du moi..
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