Contre-Révolution et traditionalisme au XIXe

royaume de Piémont-Sardaigne, ne fut jamais vraiment entendu. Quant à l’Eglise, elle tient pour suspect l’illuminisme maçonnique d’un Maistre ou d’un Ballanche ; Rome condamne, à plusieurs reprises, leur irrationalisme, leur « fidéisme ». Comme tous les contre-révolutionnaires, ils reprennent les thèmes développés par l’Anglais E. Burke dans ses Réflexions sur la Révolution française (1790, immédiatement traduites). Il reproche aux révolutionnaires moins leurs réformes que leur volonté de rupture, d’agir et d’écrire comme si le peuple français était né d’hier, de vouloir tout refaire à neuf, ce qui n’est ni naturel ni raisonnable. Il récuse l’abstraction de « spéculations coupées des anciennes formes et des anciens principes du droit commun de l’Europe ». Notons que Burke, qui est à Londres député whig, ne récuse ni les droits naturels ni le droit des nations, qu’il est hostile à l’absolutisme monarchique ; mais qu’il s’agit pour lui de « réclamer et d’affirmer nos libertés comme un héritage qui nous avait été légué par nos aïeux et que nous devons transmettre à notre postérité ». Les analyses contre-révolutionnaires de Burke, d’abord reprises par les grands « monarchiens » partisans d’une monarchie constitutionnelle, prennent une tout autre signification quand la tradition est celle d’un catholicisme ultramontain. Cette tradition ne peut plus être celle de la grande Charte ou de la déclaration anglaise des droits de l’homme de 1688. Quand Bonald entreprend de démontrer sa théorie parle raisonnement et par l’histoire, il faut entendre par histoire une interprétation providentielle et par raison la sagesse divine et non la misérable raison individuelle du libre examen. Burke n’avait pas fait de la Révolution une manifestation essentiellement satanique qui trouve son origine dans la révolte de l’homme contre Dieu : il ne pouvait certainement pas voir en elle, comme le font Bonald, Maistre, Lamennais, le dernier épisode d’une histoire qui commence avec la Réforme. Maistre ira jusqu’à interpréter comme un signe providentiel la décapitation de Louis XVI, le roi qui avait redonné leurs droits aux protestants ! Le vicomte de Bonald (1734-1840), riche propriétaire terrien, après une courte carrière militaire, émigre après la Constitution civile du clergé, revient en France d’abord clandestinement. Napoléon, qui a connu sa Théorie du pouvoir politique, en fait un membre du Conseil de l’Université. Sous la Restauration, il est député, ministre d’Etat, pair de France. Son principal succès est d’obtenir l’abolition du divorce. Après 1830, il se retire complè