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Conserver le passé est-ce le seul but de l'histoire?

Extrait du document

« L'histoire est constituée de faits passés.

Son objet est donc le passé.

En effet, il semble qu'il ne peut pas y avoir d'histoire du présent, car cette discipline nécessite un recul par rapport à l'événement envisagé : afin de comprendre tous les enjeux économiques, sociaux, politiques de tous les acteurs de l'événement, il nous faut prendre un temps d'attente, un temps de réflexion.

Lorsque nous faisons de l'histoire, nous jugeons donc d'événements passés ; mais comment peut-on être sûr que le passé, que nous propose l'histoire, relate bien des faits tels qu'ils ont effectivement eu lieu ? L'histoire est-ce la connaissance ou la construction du passé humain ? Et par ailleurs, l'histoire conserve-t-elle ou bien explique-t-elle le passé ? Il semble que l'histoire et le passé entretiennent des rapports compliqués et ambiguës.

En effet, le passé ne nous est connu que par l'histoire (narrations des événements passés), et pourtant, cette instance qui devrait être la plus objective et la plus véridique possible, dépend entièrement de la subjectivité des historiens. I. Il n'y a d'histoire que du présent. Thucydide répondrait par la négative à la question posée, car pour lui, l'histoire ne concerne pas le passé mais le présent.

Il n'y a d'histoire que du présent.

Cette thèse semble paradoxale : ce qui constitue l'histoire sont les faits passés, puisque l'étude historique nécessite du recul.

Cependant, étant donné que l'on ne peut pas être sûr des informations transmises par les anciens et que l'on ne peut se fier qu'à ce que l'on voit, alors Thucydide explique que l'histoire n'est pas la conservation du passé, mais l'autopsie du présent.

Ainsi, faire de l'histoire c'est disséquer ce que l'on voit, l'étudier, chercher à le comprendre puis à l'expliquer.

La véritable histoire n'est pas la conservation des faits passés, car il y a bien trop de « raconteurs d'histoires » qui inventent selon la sympathie qu'ils ont avec les adjuvants ou les événements.

La véritable histoire, celle qui intéresse, c'est celle qui est faite par soi, sur l'instant, et par la recherche réflexive.

Pourtant, il y a bien un moment où la recherche réflexive doit être transmise et se transforme en récit du passé.

Il y a donc conservation.

Mais est-ce encore de l'histoire ? II. L'histoire conserve le passé en ce sens qu'elle se différencie de l'invention. Comment, lorsqu'il y a narration d'événements passés, peut-on différencier l'histoire du récit d'imagination ? Aristote nous donne la solution : en distinguant l'histoire de la poésie.

Il nous montre que l'histoire conserve le passé, et que c'est là son essence même.

En effet, la fonction du poète est de dire ce qu'il aurait été bien qu'il se produise, tandis que l'historien raconte ce qu'il s'est effectivement produit.

Ainsi le poète invente un passé imaginaire et le présente comme tel, alors que l'historien raconte les événements réels afin qu'ils ne soient jamais oubliés.

Ici l'histoire est donc bien la conservation du passé et c'est là son unique intérêt.

Elle ne sert pas à expliquer ou à chercher, car elle ne concerne que le particulier et non l'universel.

On ne peut donc pas se baser sur ce qu'elle dit pour conclure à des théories générales sur les comportements humains.

Ainsi sa seule et unique fonction est la conservation du passé grâce à des récits.

Mais est-ce qu'Aristote ne fait pas là trop confiance à l'historien ? C'est au chapitre IX de la « Poétique » qu'Aristote, contre l'enseignement de Platon, assigne à l'art (en particulier à l'épopée et à la tragédie), un caractère philosophique qu'il récuse à l'histoire.

Ainsi déclare-t-il que « La poésie est plus philosophique que la chronique.

» La thèse d'Aristote est étrange pour un lecteur moderne.

Nous pensons l'histoire en termes de science de rigueur alors qu' Aristote n'y voit que le récit servile des faits tels qu'ils se sont produits.

C'est la fiction même, la construction poétique qui confère à la poésie sa supériorité sur l'histoire : « La différence est que l'un dit ce qui a eu lieu, l'autre ce qui pourrait avoir lieu ; c'est pour cette raison que la poésie est plus philosophique et plus noble que la chronique : la poésie traite plutôt du général, la chronique du particulier.

» Ce n'est pas l'écriture en vers ou en prose qui donne à l'œuvre poétique son caractère (une chronique écrite en vers reste une chronique), mais le type de rapport au réel qui se fait jour dans l'œuvre. La chronique (l'histoire) s'en tient aux faits tels qu'ils se sont passés, aussi invraisemblables et illogiques qu'ils soient.

En ce sens aussi, d'après Aristote, elle a très peu à nous apprendre, car les faits rapportés auraient tout aussi bien pu se produire autrement.

La chronique reste immergée dans la sphère de la contingence, du possible, du hasard.

Elle ne peut donc pas nous éclairer sur ce qui nous entoure. A l'inverse, la poésie ne s'en tient pas à la réalité, mais en produit, grâce à la fiction, une intelligence.

Elle ne traite pas du particulier, du contingent, mais du général.

« Le général, c'est le type de chose qu'un certain type d'homme fait ou dit vraisemblablement.

» L'intrigue proposée par le poète n'est pas un pur caprice imaginatif, ni un simple récit des faits : c'est une intelligence de l'action.

La fiction vise à dégager la cohérence, la vraisemblance ou la nécessité d'une action.

Tel type de personnage, placé dans tel type de situation devra logiquement se conduire de la façon décrite.

C'est la. »

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