Connaitre l'Histoire nous rend-il plus libre ?
Extrait du document
«
L'histoire est une suite de faits qui témoigne de l'évolution de l'humanité et dans le même temps, elle survit grâce à la connaissance que nous en avons et
de la transmission que nous en faisons.
D'ailleurs l'histoire comme discipline est primordiale dans l'enseignement.
Mais pourquoi la connaissance du passé
est-elle si importante ? C onnaître l'histoire nous rend-il plus libre ? La réponse n'est pas évidente, car comment être libre dans le présent lorsque l'on
ressasse sans cesse le passé ? Et comment le passé, alors qu'il est passé peut-il être la condition d'existence de la liberté dans le présent ? Par ailleurs, il
est tout à fait légitime de penser que la connaissance de l'histoire permet de ne pas reproduire les erreurs passées et donc offre la possibilité d'un progrès.
Hume le montre bien quand il explique que tout n'est qu'expérience : comment sais-je que le feu brûle ? Il faut que j'y mette ma main et que je me blesse.
Grâce au souvenir de cette souffrance que je vais narrer et que je vais transmettre, personne ne remettra, en connaissance de cause, sa main dans le feu.
D'ailleurs le mot grec historia, signifie enquête : N'est-on pas plus libre une fois que la recherche a aboutit et que nous sommes dans la certitude plutôt que
dans l'incertitude ? Mais quel contenu savant l'histoire nous propose-t-elle ?
I.
La connaissance de l'histoire ne nous rend pas libre, car l'histoire dépend d'un point de vue.
L'histoire contient-elle véritablement l'objectivité que donne sa définition ? Selon Ernest Lavisse dans l'article ‘histoire' du Dictionnaire de pédagogie et
d'instruction primaire, il n'en va tout à fait ainsi.
En effet, l'histoire dépend du point de vue de l'historien.
A insi le même événement ne sera pas raconter de la
même manière par deux historiens différents.
Etant donné cela, comment l'enseignement à l'école primaire peut-il prétendre à une histoire-vérité
libératrice ? Des deux historiens, lequel sera choisit ? C ela dépend entièrement de ce que l'école veut faire passer comme histoire.
L'auteur montre que
l'enseignement de l'histoire n'a pas pour but de faire connaître le passé, mais bien de faire aimer la France, c'est-à-dire de créer un patriotisme chez les
plus jeunes.
A insi l'histoire objective est détournée et manipulée, modelée pour correspondre à l'idée que l'on veut transmettre.
Dans un tel cadre, comment
la connaissance de l'histoire peut-elle être libératrice lors même, qu'elle est manipulatrice ?
II.
Il est nécessaire de s'appuyer sur le passé et donc de connaître l'histoire pour avancer librement dans le présent.
Gadamer montre bien que notre présent, dans lequel nous vivons et nous évoluons, n'est pas non fondé.
En effet, la construction perpétuelle du présent ne
peut se faire que sur les fondations passées.
Si la Révolution de 1789 a eu lieu, c'est bien parce que le passé était lourd du servage et de l'exploitation
royale des petites gens du peuple.
A insi chaque événement présent et actuel trouve sa source et son origine dans le passé.
Il est donc essentiel de
connaître l'histoire, pour être libre : en comprenant pourquoi tel fait a eu lieu à tel moment, je me libère de l'ignorance et peut devenir maître des effets que
je cause.
De plus, l'auteur montre que grâce à la connaissance historique nous sommes plus aptes à nous mettre dans la situation d'autrui.
Et c'est
justement en se « mettant soi-même à la place de l'autre que l'on prend conscience de son altérité bien plus, de son irréductible individualité.
» Ainsi, non
seulement la connaissance historique permet la liberté présente, mais en plus elle permet de prendre conscience de la liberté d'autrui.
Mais alors, faut-il
connaître le passé intégralement ? N'est-ce pas dangereux ?
III.
L'oubli est nécessaire et vital.
Pour Nietzsche vivre, c'est pouvoir oublier.
La connaissance historique ne rend pas plus libre, elle peut même être
dangereuse si elle est poussée à l'extrême.
Nous ne pouvons vivre et donc être libre, sans ressentir de temps à autre
des petits bonheurs.
Hors le bonheur n'est possible que dans l'instant.
Le présent est donc privilégié face au passé.
La
connaissance historique est néfaste au bonheur puisque lorsque l'on est plongé dans le passé, on ne vit plus le présent.
Il est donc nécessaire d'oublier : pour agir, il faut oublier.
La connaissance historique poussée et constante est donc est,
pour Nietzsche, à l'antipode de la liberté.
Si l'animal jouit d'un bonheur que l'homme jalouse, c'est parce qu'il n'a pas de mémoire supérieure.
Seul l'homme dit « je
me souviens » et pour cela il lui est impossible de vivre heureux et pleinement.
En effet :
1) C 'est par la mémoire, conscience du passé, que l'homme acquiert la conscience du temps et donc celle de la fugitivité
et de l'inconsistance de toutes choses, y compris de son être propre.
Il sait que ce qui a été n'est plus, et que ce qui est
est destiné à avoir été, à n'être plus.
Cette présence du passé l'empêche de goûter l'instant pur, et par conséquent le
vrai bonheur.
2) Le passé apparaît à l'homme comme l'irréversible et l'irrémédiable.
Il marque la limite de sa volonté de puissance.
L'instant présent, ouvert sur l'avenir, est le lieu du possible où peut s'exercer sa volonté de puissance.
Le passé, au
contraire, change et fige la contingence du présent en la nécessité du « cela a été ».
Dès lors la volonté ne peut que se
briser sur cette pétrification du passé qui se donne comme le contre-vouloir de cette volonté.
C'est pourquoi « l'homme
s'arc-boute contre le poids de plus en plus lourd du passé qui l'écrase ou le dévie, qui alourdit sa démarche comme un
invisible fardeau de ténèbres ».
3) Sans l'oubli l'homme ne peut pleinement vouloir ni agir : il est un être malade, il est l'homme du ressentiment.
La «
santé » psychique dépend de la faculté de l'oubli, faculté active et positive dont le rôle est d'empêcher l'envahissement
de la conscience par les traces mnésiques (les souvenirs).
Car alors l'homme réagit à ces traces et cette réaction
entrave l'action.
Par elles l'homme re-sent, et tant qu'elles sont présentes à la conscience, l'homme n'en finit pas de ressentir, « il n'en finit avec rien ».
Englué dans sa mémoire, l'homme s'en prend à l'objet de ces traces dont il subit l'effet avec un retard infini et veut en tirer vengeance: « On n'arrive à se
débarrasser de rien, on n'arrive à rien rejeter.
T out blesse.
Les hommes et les choses s'approchent indiscrètement de trop près, tous les événements
laissent des traces; le souvenir est une plaie purulente.
»
Le désir de vengeance et le ressentiment
C ette tension de la vie pour se surmonter elle-même sous la forme de la volonté de puissance peut-elle aller à l'infini ? Une ascension infinie n'est pas
possible parce que la volonté vient se heurter au temps : la volonté de puissance vient achopper sur l'essence du temps comme sur sa limite.
Elle peut bien
vouloir l'avenir mais non pas le passé.
Si l'avenir est le domaine qui lui est ouvert, le passé semble lui échapper pour toujours : « En arrière ne peut vouloir
la volonté.
»
La volonté ne peut vouloir en arrière que sous les formes morbides du désir de vengeance et du ressentiment.
C ette volonté réactive ne veut pas
simplement abolir ou annuler ceci ou cela, c'est contre le devenir lui-même dans ce qu'il a d'irréversible et d'inexorable qu'elle s'exerce, parce que c'est à
sa propre impuissance à vouloir pour le passé qu'elle se trouve confrontée.
Conclusion :
-
L'enseignement de la connaissance historique ne peut logiquement engendrer la liberté ou au moins un accroissement de liberté, car l'histoire
dépend du point de vue de celui qui la narre.
Elle est donc un outil pour la manipulation des esprits.
C ependant, il semble que la connaissance historique soit nécessaire pour prendre conscience de sa propre liberté et de celle d'autrui.
Enfin, une connaissance historique poussée peut être dévastatrice, car elle plonge l'homme dans le passé et le sort du présent (lieu de bonheur et
de liberté)..
»
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