Connaissance empirique & connaissance expérimentale ?
Extrait du document
«
Comparer la connaissance empirique et la connaissance expérimentale.
INTRODUCTION.
— D'après la conception classique, toutes les connaissances de l'homme lui viennent de
l'expérience.
Mais elles n'en viennent pas toutes de la même manière.
On distingue en particulier la connaissance
empirique et la connaissance expérimentale.
C'est cette distinction que nous allons tâcher de préciser.
I.
Un exemple.
— Les rapports de ces deux façons de connaître nous deviendront plus apparents si nous
établissons notre comparaison sur quelques exemples concrets.
L'exemple le plus indiqué serait celui de la médecine.
En latin comme en grec, en effet, « empirique » était surtout
un terme de la langue médicale.
Les médecins empiriques, ou simplement les « empiriques », étaient des médecins
qui professaient de se guider d'après la seule expérience, sans faire aucun appel, comme les « dogmatiques », au
raisonnement ni même à la connaissance de l'anatomie.
Cette expérience, d'ailleurs, loin d'être strictement
personnelle, comportait surtout des traditions plus ou moins secrètes que les membres de la secte se
transmettaient, des recettes dont la magie n'était pas absente.
Aussi LITTRÉ peut-il définir l' « empirique » : « un
homme qui traite les maladies par des remèdes secrets, et sans aucune notion scientifique du corps et de ses
maladies ».
A la médecine empirique s'oppose la médecine expérimentale dont Claude BERNARD a fixé la méthode et
pour laquelle le levier du progrès consiste dans l'expérimentation.
Mais comme l'expérimentation en médecine est limitée par le respect dû à l'homme et que, par ailleurs, il faudrait
être médecin pour donner des exemples convenables, nous nous adresserons à un autre domaine du savoir :
l'agronomie.
Le paysan qui, après son école primaire, n'a appris son métier que par le travail de ses terres, a des
connaissances agricoles, tout comme l'ingénieur agronome qui dirige les services agricoles du département.
Mais il y
a des différences fort sensibles entre les connaissances de l'un et celles de l'autre.
II.
Ressemblances.
— Relevons d'abord ce que présentent de commun le savoir empirique du paysan et le savoir
expérimental de l'ingénieur agronome.
Les adjectifs « empirique » et « expérimental » ont la même étymologie : tous deux dérivent du grec qui signifie :
épreuve, expérience, essai.
Cette identité d'origine est déjà suggestive.
Effectivement, en effet, le sens fondamental des termes dérivés de cette racine n'a pas changé : la connaissance
empirique, comme la connaissance expérimentale, a son origine dans l'expérience, c'est-à-dire dans un contact
immédiat avec l'objet connu lui-même.
Ces deux sortes de connaissance s'opposent aux connaissances innées
admises par certains philosophes, ainsi qu'à celles que le mathématicien acquiert par simple déduction à partir de
propositions données.
Pour qu'une connaissance soit empirique ou expérimentale, il n'est pas nécessaire que toutes les expériences d'où
elle dérive soient exclusivement personnelles : les expériences des autres, elles aussi, sont instructives.
Le savoir de
l'ingénieur agronome est fondé sur les travaux de ses maîtres et de leurs devanciers beaucoup plus que sur ses
travaux personnels.
De même, le jeune paysan a reçu de son père une masse de connaissances acquises par
l'expérience de plusieurs générations de cultivateurs qui ont travaillé sur les terres qu'il exploite aujourd'hui.
Cependant, une connaissance fondée exclusivement sur l'expérience des autres et puisée soit dans les livres, soit
dans la tradition familiale ou locale, ne mériterait pas le qualificatif d' « empirique » ou d' « expérimentale ».
La
connaissance empirique, comme la connaissance expérimentale, requiert une certaine part d'expérience personnelle
qui donne au savoir résultant de l'expérience des autres sa portée et sa signification.
Faute d'expérimenter
personnellement, on n'acquiert pas des connaissances réelles, mais simplement : soit des connaissances purement
notionnelles, sans rapport avec la réalité — c'est le cas de l'ingénieur qui se contente d'étudier dans les livres —;
soit des routines étrangères à la vraie connaissance — c'est le cas du paysan qui se contente de continuer les
pratiques apprises de son père..
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