Comte: Religion et humanité
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Thème 475
Comte: Religion et humanité
1.
Le nouveau pouvoir spirituel
Les sciences ne sont pas parvenues à pallier la disparition de la théologie, qui a longtemps assuré l'ordre au sein de la
société.
Il faut, en les organisant, fonder un nouveau pouvoir spirituel, qui pourra ramener l'ordre dans la société troublée de
l'après-Révolution.
Pouvoir spirituel et pouvoir temporel étaient confondus dans les systèmes sociaux de l'Antiquité : le
système catholique a divisé les deux pouvoirs, jusqu'à la dissolution du pouvoir spirituel durant la Révolution.
2.
Les savants, nouveaux prêtres
La physique sociale, science qui a pour objet l'étude des phénomènes sociaux, comprend les lois de ces phénomènes et
permet donc de réorganiser la société en connaissant les lois auxquelles elle obéit.
Il convient pour Comte de donner la
direction de la société aux savants, qui seront les prêtres d'une religion qui adorera l'humanité.
Culte de l'Humanité sans dieu ni roi
Pour unir les hommes, la raison ne suffit pas : c'est ce qu'a compris le catholicisme (catholikè : étymologiquement, « universel
s) et ce que prouve l'âge métaphysique, qui est critique et individualiste.
Mais le catholicisme, qui a compris la valeur du
sentiment, reste trop individualiste.
Comte cherche à fonder une religion véritable, c'est-à-dire qui réunisse réellement (et
non autour d'une chimère) les hommes et les constitue en une unité organique (universel : « qui tourne vers l'Un »).
Il faut
réconcilier pour cela science et religion autour d'un grand Culte de l'Humanité où l'on adorera les grands hommes présents et
passés.
Alors, l'individu se comprendra comme [élément d'un grand Être et comprendra que « nul n'a droit qu'à faire son
devoir » (Incipit) pour subordonner la personnalité à la sociabilité.
La religion de l'humanité
 la fin de sa vie, Auguste Comte se rendit coupable d'un grand détournement de religion; il ne s'agissait pas moins que de
«réincurver» sur l'humanité la croyance que l'homme dispersait (en pure perte) vers Dieu.
Auguste Comte reprend l'idée de
Pascal: toute la suite des hommes pendant le cours de
tant de siècles doit être considérée comme un même homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement.
Il
condamne l'esprit individualiste
dans la société comme il condamne l'esprit de détail dans la science: les deux tendances lui semblent aller dans le même
sens, celui d'une désorganisation croissante.
Pour lui, l'humanité non seulement forme un ensemble organique (il l'appelle le Grand-Être), un être collectif dont les hommes
seraient les cellules, mais elle déborde le moment présent, elle englobe l'ensemble immense des disparus: son passé et son
futur constituent sa réalité même.
Il se déclare lui-même Grand-Prêtre de la religion positiviste dont il prévoit avec une
minutie passablement ridicule le culte et le rituel.
Appeler l'humanité le Grand-Être, passe encore, mais que penser du GrandFétiche pour la Terre?
Le style d'écriture d'Auguste Comte est lourd, sans aucune fantaisie.
Le portrait photographique que l'on a du philosophe
renforce cette impression de sévérité pesante.
Pourtant, à l'âge de 46 ans (les philosophes sont tardifs en tout), le fondateur
du positivisme rencontre une jeune femme fragile et malade, Clotilde de Vaux, dont il tombe passionnément amoureux, mais
qui meurt deux ans plus tard.
Il n'est pas excessif de dire que le philosophe lui a voué un véritable culte.
L'inflexion de la
pensée d'Auguste Comte vers la morale et l'affectivité à la fin de sa vie doit sa force essentielle à cette rencontre décisive.
Clotilde de Vaux ne fut pas seulement la femme adorée d'un homme qui fut un philosophe, elle fut intronisée grande
protectrice de la religion de l'humanité sous le nom de sainte Clotilde...
La religion de l'humanité sélective
Auguste Comte sape lui-même les bases de l'humanisme qu'aurait pu induire sa notion de Grand-Être.
Dans le Catéchisme
positiviste, il rejette résolument l'idée selon laquelle l'Humanité serait définie comme l'ensemble de tous les hommes.
En fait,
l'Humanité n'est composée que de ceux qui ont réellement mis quelque chose au pot commun: les génies, les savants, les
artistes, les inventeurs, les autres n'étant que des parasites...
Ce n'est pas sans inquiétude que nous lisons par ailleurs qu'Auguste Comte, par juste compensation de l'exclusion hors du
Grand-Être de la quasi-totalité de l'humanité réelle, prescrit de joindre au nouvel être suprême tous ses dignes auxiliaires
animaux: il y a, en effet, aux dires du philosophe, des chevaux, des chiens et des boeufs plus estimables que certains
hommes! Des passages comme ceux-ci sont importants: ils nous prouvent que ni la très grande culture (même poussée
jusqu'à l'érudition), ni la très grande intelligence (même poussée jusqu'au génie) ne saurait suffire à nous garantir la sûreté
du jugement..
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