Comte: Intelligence et politique
Extrait du document
«
On ne doit pas, sans doute, exagérer l'influence de l'intelligence sur la conduite des hommes.
Mais
certainement, la force de la démonstration a une importance très supérieure à celle qu'on lui a supposée
jusqu'ici.
L'histoire de l'esprit humain prouve que cette force a souvent déterminé, à elle seule, des changements dans
lesquels elle avait à lutter contre les plus grandes forces humaines réunies.
Pour n'en citer que l'exemple le plus remarquable, c'est la seule puissance des démonstrations positives qui
a fait adopter la théorie du mouvement de la terre, qui avait à vaincre non seulement la résistance du
pouvoir théologique, encore si rigoureux à cette époque, mais surtout l'orgueil de l'espèce humaine tout
entière, appuyé sur des motifs les plus vraisemblables qu'une idée fausse ait jamais eus en sa faveur.
Des expériences aussi décisives devraient nous éclairer sur la force prépondérante qui résulte des
démonstrations véritables.
C'est principalement parce qu'il n'y en a jamais eu encore dans la politique, que les hommes d'État se sont
laissés entraîner dans de si grandes aberrations pratiques.
Que les démonstrations paraissent, les
aberrations cesseront bientôt.
COMTE
I - LES TERMES DU SUJET
Le terme central du texte est celui de démonstration qui revient quatre fois.
A.
COMTE ne précise pas ici le sens de ce terme mais on peut entendre par là l'enchaînement logique de concepts,
aboutissant à une conclusion certaine, c'est-à-dire contraignante pour l'esprit humain.
Il faut opposer ce terme, de nature théorique, à tout le registre pratique rappelé dans le texte par un ensemble de
termes : "conduite des hommes", "pouvoir théorique", "politique", "aberrations pratiques".
II - L'ANALYSE DU PROBLEME
Le problème de ce texte est le suivant : faut-il considérer la force logique - celle de la démonstration - comme un fétu
de paille devant les forces plus concrètes, parce que matérielles, de la société, du pouvoir politique, des mouvements
historiques, ou bien faut-il voir au contraire dans la force des idées une force réelle, capable de rivaliser sur le terrain
des conditions historiques ?
La réponse de COMTE est sans ambiguïté : il ne faut pas sous-estimer la force démonstrative : elle n'est pas
seulement théorique, mais pousse véritablement les hommes à intégrer dans leurs décisions pratiques.
COMTE exprime ainsi une véritable confiance dans la raison, conforme à la philosophie du positivisme.
III - LES GRANDES LIGNES DE REFLEXION
Le texte se décompose en trois moments :
1 - Jusqu'à "forces humaines réunies" :
Affirmation générale du poids historique effectif de l'argumentation logique.
2 - Confirmation par un exemple : celui célèbre, de Galilée qui soutint la thèse héliocentrique du mouvement de la terre
autour du soleil, contre l'église catholique.
3.
Ouverture de la réflexion sur une nouvelle dimension politique : de même que les démonstrations ont vaincu des
préjugés d'ordre théorique, de même on peut supposer que des préjugés pratiques concernant surtout la sphère
politique, seraient vaincus par des arguments de théorie politique, s'il en existait.
IV - UNE DEMARCHE POSSIBLE
La position de COMTE est modérée, du moins au début du texte : ce n'est pas "toujours", mais "souvent", que
l'intelligence influe sur la conduite.
Le point central à cerner dans ce premier moment du texte, est la différence de nature indiquée entre "la force de la
démonstration" et "les plus grandes forces humaines réunies" qui semble rendre impossible l'influence des vues sur les
autres..
»
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