Comte et la politique
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Les gouvernants voudraient faire admettre la maxime qu'eux seuls sont susceptibles de voir juste en
politique, et que par conséquent il n'appartient qu'à eux d'avoir une opinion à ce sujet.
Ils ont bien leurs raisons pour parler ainsi, et les gouvernés ont aussi les leurs, qui sont précisément les
mêmes, pour refuser d'admettre ce principe, qui, effectivement, considéré en lui-même, et sans aucun
préjugé, soit de gouvernant, soit de gouverné, est tout à fait absurde.
Car, les gouvernants sont, au contraire, par leur position, même en les supposant honnêtes, les plus
incapables d'avoir une opinion juste et élevée sur la politique générale ; puisque plus on est enfoncé dans la
pratique, moins on doit voir juste sur la théorie.
Une condition capitale pour un publiciste (1) qui veut se faire des idées politiques larges, est de s'abstenir
rigoureusement de tout emploi ou fonction publique : comment pourrait-il être à la fois acteur et spectateur ?
Mais on est tombé, à cet égard, d'un excès dans un autre.
En combattant la prétention ridicule du savoir politique exclusif des gouvernants, on a engendré, dans les
gouvernés, le préjugé, non moins ridicule, quoique moins dangereux, que tout homme est apte à se former,
par le seul instinct, une opinion juste sur le système politique, et chacun a prétendu devoir s'ériger en
législateur.
A.
COMTE
(1) Publiciste : celui qui écrit sur la vie politique.
POUR DÉMARRER
Ni les gouvernants, ni les gouvernés, ne peuvent avoir une compétence exclusive en politique : telle est l'idée que
nous expose ici A.
Comte.
Les uns manquent de recul, les autres de connaissances réelles.
En vérité, Comte veut faire
apparaître que les uns et les autres ne peuvent prétendre à la véritable connaissance politique, car ils n'ont aucune
théorie générale qui permettrait de les guider : c'est en ceci que réside d'ailleurs l'intérêt philosophique du texte.
CONSEILS PRATIQUES
Méfiez-vous de l'organisation apparente du texte, qui contient en réalité trois parties : le premier paragraphe est en
effet divisé en deux par le raisonnement de Comte, qui expose d'abord son idée, avant de dire pourquoi les
gouvernants n'ont pas compétence en ce qui concerne la possession d'une opinion juste dans la sphère politique.
BIBLIOGRAPHIE
A.
COMTE, Système de politique positive, éd.
Société positiviste, 1929.
J.-J.
RoussEAU, Du Contrat social, Bordas.
I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ?
L'objet de ce texte est la description critique d'un état de fait lié à la considération de la réalité politique.
L'auteur se livre à une analyse du phénomène de l'opinion politique sous le double point de vue des gouvernants et des
gouvernés.
Il vise à montrer les limites et les dérives dans le champ de l'opinion politique.
II - UNE DÉMARCHE POSSIBLE.
A - LES GOUVERNEMENTS ET LE MONOPOLE DE LA VÉRITÉ POLITIQUE.
C'est une tendance irrésistible des gouvernants que de s'arroger le monopole de la validité en matière d'opinion
politique.
Leurs fonctions les portent tout naturellement à se présenter comme les meilleurs juges et interprètes de la chose
publique.
Ce préjugé tient à une forme d'appropriation de la politique par ceux qui en sont les praticiens.
L'auteur dénonce une confusion entre la théorie et la pratique.
Les gouvernants se posent juges suprêmes sans voir
que la théorie politique ne se réduit pas à l'exercice de fonctions publiques et que la compétence pratique ne permet
pas nécessairement une évaluation correcte des principes supérieurs et des finalités ultimes de la politique.
De plus, en adoptant cette position, les gouvernants excluent les gouvernés, disqualifiant par avance leur jugement,
ce qui dénote une approche étroite et dangereuse de la vie politique.
Les gouvernés sont, en effet, partie prenante du champ politique, et ne doivent pas en être exclus par les spécialistes.
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