Compter sur autrui, compter avec autrui. Cette distinction a-t-elle un sens ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet :
Compter sur/avec : Le terme compter renvoie à un calcul.
La ques tion que se pose l'homme utilitaire est : P uis-je compter sur tel évènement, avec tel
évènement, pour que ma fin utilitaire se réalise ? M ais pour autant, les deux expressions ne renvoient pas exactement, dans cette perspective, à la même
chose : « compter sur », c'est avoir confiance dans l'évènement de telle ou telle chose et dans sa capacité à servir son but propre ; « compter avec » c'est
prendre en considération tel ou tel fait et agir en conséquence.
Le « Sur » implique une position ascendante une capacité de prévoir c omme nécessaire un
événement, elle implique donc une forme d'objectivation ; l'expression « avec », au contraire, implique un équilibre entre celui qui compte et ce qui est
compté, une prise en compte plutôt qu'une prévision, une adaptation personnelle plutôt qu'un calcul mécanique.
Autrui : A utrui est avant tout, l'autre et plus précisément l'autre que moi.
En ce sens il est le différent dont la différence peut vouloir menacer la mienne.
M ais il es t p l u s : i l e s t un « je » que je ne s u i s p a s , i l e s t un autre moi-même, mon alter-ego.
En lui je me retrouve, et lui se retrouve en moi.
Nos
consciences s'interpénètrent : ce que Husserl nomme l'intersubjectivité de la consc ience.
A utrui ne se réduit pas à l'autre : autrui c'est l'autre dans le
contexte particulier des relations interhumaines il est l'autre envis agé sous le rapport de la morale dans le cadre des relations sociales et inévitables de
l'homme.
Sens : Le sens est ce qui fait la solidité d'un discours.
Un disc ours insensé est un discours qui ne veut rien dire et qui donc es t superflu pour celui qui
cherche à comprendre.
M ais le sens c 'est également la signification, c'est-à-dire plus que la simple cohérence d'un discours rationnel avec lui-même, la
valeur spécifiquement humaine des énoncés qui le compos ent.
Problématisation :
Nous nous interrogeons sur le sens d'une distinc tion entre deux expressions qui définissent notre rapport à autrui.
C ompter s ur autrui, compter avec autrui :
cette distinction a-t-elle un sens ?
En première analys e, et en se contentant d'envisager le problème du simple point de vue langagier, ne semble-t-il pas que cette distinction puisse se
ramener au même ? En effet, compter s ur et compter avec, n'est-ce pas là la formule de la condition des hommes – êtres doués de rais on, calculateurs - qui
tentent dans un même mouvement, de prévoir, d'utiliser, et de mettre à profit, les changements – autant les faveurs que les obstacles - de l'autre, -extérieur
à la pure intériorité de leur raison -, dont autrui fait partie ? Mais, dans le cas de ce dernier les choses semblent spécifiquement différentes.
En effet, autrui
n'est-il pas un autre moi-même qui ins talle dans le calcul une dimension de réciprocité absolument spécifique à l'humanité ? Dans cette optique ne faudraitil admettre que si je peux compter sur autrui, il doit pouvoir compter sur moi, et que nous devons tout deux compter l'un avec l'autre en ce qui s'agit de
l'utilisation de notre liberté pour ne pas compromettre nos interrelations nécessaires ? Mais cette réciprocité ne permet pas de donner pleinement sens à la
distinction qui nous occupe puisqu'elle ne lui attribue qu'une valeur pragmatique.
Ne faudrait-il nous demander si au contraire, il ne s'agit pas pour l'homme
de comprendre s'élevant, à partir de son calcul égoïste - qui aboutit à la nécessité pratique de « ménager » autrui -, à un niveau supérieur de réflexion qui
englobe la spécificité de la nature morale de son espèce ? En effet, en étant contraint de compter avec autrui pour pouvoir compter s ur lui, ne semble-t-il
pas que la nature de l'homme le porte à comprendre son devoir ? C 'est-à-dire à comprendre que compter avec autrui n'est pas seulement un moyen, c'est
une fin en soi, c'est le devoir que les hommes doivent se rendre entre eux : ils doivent compter les uns pour les autres, c'es t-à-dire à la fois les uns sur et
avec les autres pour être dignes devant l'humanité érigée en valeur.
Proposition de plan :
1 .
Compter sur et compter avec son deux expressions qui semblent équivalentes quand il s'agit de l'autre entendu dans son acception la plus vaste, et de
l'homme entendu comme être rationnel.
a) L'homme est un être doué de raison : sa condition es t d'être « arraché » à la nature, d'être capable de s'abstraire en pensé de sa condition pour se
souvenir, analyser et prévoir.
b) En ce sens, il passe sa vie à calculer, à mesurer ses forces pour l'accomplissement de ses desseins.
Il cherche donc sur quoi il peut compter, avec quoi
il doit compter pour parvenir à ses fins.
c) C e calcul prend donc en compte les conditions qui peuvent déterminer la réussite ou l'échec des projets du calculateur.
C es conditions sont donc à la
fois, les c hoses, les objets, les forces en jeux (le vent, la tempête, etc...) que les actions des autres hommes, leurs volontés.
P ar rapport à l'intériorité de la
raison, toutes c e s conditions constituent une pure extériorité qu'il s'agit donc de comprendre et de soumettre pour pouvoir prévoir et anticiper s es
changements.
P roblème : Si autrui, en première analyse, est bien un autre, il est plus que cela.
Il est un autre moi-même, un alter ego.
Si je dois pouvoir compter sur
autrui, il s emble que je doive compter avec lui tout comme il doit compter avec moi pour espérer pouvoir compter sur moi.
Transition : M ais cette réciproc ité épuise-t-elle la distinction entre compter sur autrui et compter avec lui ?
2 .
La réciprocité du rapport à autrui induit semble-t-il la nécessité par calcul de compter avec autrui pour pouvoir compter sur lui.
a) A utrui est un être également doué de raison, il est donc lui aussi contraint par s a nature au calcul et à considérer le monde, c'est-à-dire également
l'homme qui lui fait face, comme une pure extériorité.
b) Il faut donc pour que l'un puisse compter sur l'autre, qu'il trouve en lui c e qu'il ne peut attendre que d'un ami : la bienveillance.
Les deux hommes ne
peuvent s'abstenir de ne pas compter l'un avec l'autre et doivent chercher réciproquement à bien se disposer pour pouvoir compter l'un sur l'autre.
c) C e serait donc que les hommes sont amenés à distinguer cet objet étrange qu'est autrui parc e qu'il demande à ce qu'on compte avec sa subjectivité en
échange de sa bienveillance : qui demande, comme soi-même, à ce qu'on compte avec lui pour pouvoir compter sur lui.
P roblème : Mais le calcul réc iproque ne semble pas épuiser le sens de notre distinction.
En effet, si les hommes ne compte avec leurs semblables que par
ce qu'ils s ont capables de comprendre rationnellement la nécessité biologique pour leur conservation de pouvoir compter sur eux.
Dès que le besoin ne les
contraindra plus, ils se comporteront avec leurs semblables comme avec des objets parce qu'ils seront devenus comme inutiles.
La distinction perdra donc
son sens, puisque le principe de réciprocité sera rompu, chaque membre de cette dis tinction renverra directement à la même exploitation d'autrui et à sa
réduction en moyen.
Dans cette optique, on fait croire à autrui que l'on compte avec lui pour pouvoir compter non pas sur lui mais s ur ce qu'il peut nous
apporter sans considération pour celui qu'il est.
Transition : C omment dès lors comprendre la valeur de cette distinction ?
3 .
Le sens de cette distinction lui est donné par ses implications morales et spécifiquement humaines.
a) Distinguer entre compter sur autrui et compter avec autrui, c'est distinguer ce qui en autrui m'est néc essaire (sa bienveillance, sa bonne volonté) et ce
que je peux lui donner en échange, c'est-à-dire la mienne.
b) Si autrui m'est aussi nécessaire, pour me conserver, me protéger, je lui s uis moi aussi du plus grand secours.
Nos relations nécessaires nous portent
naturellement à nous entraider et à nous tolérer, ainsi qu'à nous considérer l'un l'autre digne d'estime.
La réciprocité qui nous lie est la caractéristique
spécifique de notre nature.
c) A u fond cette distinction ne vaut que parce qu'elle renvoie à la détermination naturelle qui unie les hommes partic uliers au sein de l'humanité.
Oui, je dois
rendre à autrui ce qu'il me donne, peut-être même plus, mais pas uniquement parce que ma conservation l'exige, pas uniquement parce que pour vivre je
dois pouvoir compter sur autrui, mais parce que autrui compte pour moi, il es t un autre moi-même, un être doué de conscience, qui rêve, aspire, veut, pense,
sent; Il émane de lui une forme de dignité que je ne peux m'empêcher de renvoyer à l'image que j'ai de moi même : l'humanité.
La distinction qui semble en
première analyse n'avoir de s ens que dans le calcul utilitaire sur le rapport des hommes entre eux, trouve son sens dans la réflexion morale de l'homme s ur
l'humanité elle-même.
Dans l'échange de l'homme avec s on semblable se joue plus qu'une simple affaire de commerciale, nos bienveillances, n'ont pas de
prix, elle s ont inestimables, nous n'en faisons pas commerces, nous nous les donnons parce que nous savons que celui qui recevra ce don saura s'en rendre
digne..
»
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