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Comprend-on mieux ce dont on connaît l'histoire ?

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« VOCABULAIRE: COMPRENDRE / EXPLIQUER : Comprendre, c'est connaître un phénomène de l'intérieur, par son sens, en déchiffrant sa singularité.

Dans les sciences, expliquer c'est ramener la diversité des phénomènes à des causes (leurs conditions de production) et à des lois permettant d'en faire des cas particuliers. HISTOIRE: Ce mot désigne soit le devenir, l'évolution des individus et des sociétés (allemand Geschichte), soit l'étude scientifique de ce devenir (allemand Historie). CONNAÎTRE / CONNAISSANCE: 1.

— Être familier de quelqu'un ou quelque chose.

2.

— Discerner, distinguer quelque chose : « Le premier et le moindre degré de connaissance, c'est d'apercevoir » (C ONDILLAC) 3.

— Posséder une représentation de quelque chose, en part.

une représentation exacte.

4.

— Connaissance: a) Acte par lequel un sujet s'efforce de saisir de saisir et de se représenter les objets qui se présentent à lui.

b) Résultat de cet acte. Connaître le passé d'un fait permet-il de mieux le comprendre, ou rend-il plus difficile sa compréhension ? Peut-on réellement connaître l'origine d'un fait ? Son histoire ne sera-t-elle nécessairement pas incomplète, orientée ? Au lieu d'aider à comprendre, l'histoire n'oblige-t- elle pas à adhérer à une compréhension qui n'est pas forcément la meilleure ? E t l'histoire permet-elle de comprendre ? La connaissance peut-elle être la compréhension ? Connaître un événement tel que la Shoah, est-ce pouvoir le comprendre ? La connaissance historique érudite ne ruine-t-elle pas la compréhension ? Ne faut-il pas une certaine ignorance volontaire, un certain sens du raccourci pour comprendre au sens de "prendre avec soi", dans la perspective de l'action présente ? Le fait n'apparaît-il pas avec plus de réalité, plus de crudité, sans histoire ? N'est-il pas plus clair ainsi ? Mais alors que dire de ces images qui nous arrivent par la télévision aux informations, souvent sans commentaires, ou mal interprétées ? N'aurait-on pas besoin de l'histoire pour pouvoir replacer les faits dans un contexte, qui aide à la compréhension ? ÉLÉMENTS D'ANALYSE Le présent sujet ne concerne ni l'action humaine ni l'événement ni la moralité, mais il pose le problème des rapports entre l'histoire et la connaissance.

Il oriente vers une tout autre direction, qui est en réalité relative au processus de connaissance, mais nous verrons que pour une part au moins, il rejoint ce que nous avons traité antérieurement.

V oici un examen détaillé du problème : * Le problème est de savoir si un phénomène doit, pour être compris, être saisi comme un résultat.

Or ce qui est à proprement parler connaissable, n'est-ce pas ce qui demeure toujours identique à soi, et n'est pas soumis au changement ? Le vrai, le bien ne sauraient avoir d'histoire, ce sont des Formes ou Idées, dont le monde changeant et incompréhensible, le monde soumis à une histoire nous cache la véritable nature.

Comprendre, c'est rapporter ce qui change à ce qui ne change pas, rapporter l'histoire d'une chose à l'imitation de son Idée. * Cela suppose que l'histoire est irrationnelle, et que la connaissance implique la stabilité de son objet.

Or n'est-ce pas là un présupposé, lié à l'idée que le vrai se présente à une conscience, qui fixe pour un temps, dans une représentation ou un jugement, ce qu'elle juge vrai ? La vérité ne consiste pas dans le point de vue de la conscience sur la vérité, tout comme la rationalité de l'histoire ne réside pas dans l'intérêt dont on prend conscience.

La vérité est le résultat qui prend place lorsque le point de vue de la conscience sur la vérité est reconnu comme une partie de la vérité, un de ses éléments, qui concourt à la faire advenir dans le monde, en tant que devenir rationnel.

L'histoire est l'élément de la vérité. *Mais comprendre, est-ce toujours saisir le vrai ? En réalité, la définition du vrai relève d'une certaine conduite par laquelle nous cherchons à imposer certaines vues (certes particulières et peut-être moins arbitraires que d'autres) à d'autres.

La vérité elle-même a une histoire, qui est celle d'une valeur, appartenant à certains hommes, en lutte contre d'autres.

Nous ne comprenons finalement que ce dont nous connaissons, comme dit Nietzsche, la généalogie, ce dont nous pouvons retracer l'origine, dans le cadre d'un rapport de forces entre les hommes, en vue de la domination : la guerre de religions en est un bon exemple. [Introduction] Comment comprendre ma propre situation présente (ce que je suis, mon statut social, ce qui m'entoure) sans prendre un certain recul ? Le présent coupé de référence au passé risque de n'être qu'un ensemble de phénomènes dénués de sens.

Il semble donc que l'analyse historique favorise la compréhension. [I — Qu'est-ce que l'actualité ?] a.

L'ensemble des phénomènes présents, si on le coupe de ce qui l'a précédé, n'est qu'une accumulation incompréhensible (prendre des exemples simples : même les articles d'un journal quotidien sont obligés de faire allusion à ce qui a eu lieu dans les jours précédents). b.

L' actualité elle-même est destinée à devenir (partiellement) historique : certains événements restent dans la durée. c.

La pure présence — de quelque objet que ce soit — demeure une énigme si l'on ignore d'où elle provient. [II — L'Histoire autorise une compréhension] a.

Ce que m'offre le repérage ou la connaissance de ce qui a eu lieu, c'est davantage, lorsque je cherche à comprendre ce qui est présent, une origine ou une source qu'un parcours (exemple : on ne peut se contenter de constater une situation de guerre entre deux communautés, on a immédiatement besoin de savoir ce qui, dans le passé, détermine cette situation). b.

C onfirmation par la philosophie elle-même : dès Aristote, l'analyse d'un problème est précédée d'un panorama de ses solutions anciennes.

Avec Hegel, l'Histoire devient la dimension fondamentale de l'Être lui-même : être, c'est d'abord avoir été. c.

Paradoxe de cette « connaissance » : elle me permet de comprendre ce qui est devant moi par référence à ce qui n'est plus.

La présence et l'absence sont ainsi intimement liées. [III - Compréhension et prévision] a.

Toute connaissance au sens strict (scientifique) permet de prévoir l'état ultérieur d'un phénomène. b.

La compréhension d'un fait par l'Histoire n'a pas une telle efficacité : elle explique le présent, mais ne fournit pas les moyens de connaître à l'avance l'avenir, dès lors qu'il s'agit de phénomènes relevant de l'activité humaine (et donc de la liberté). c.

C omprendre historiquement de tels phénomènes, c'est percevoir aussi comment des choix ont eu lieu, comment des préférences et des valeurs se sont constituées et ont pu déterminer le cours des choses.

Il va de soi que l'efficacité de ces valeurs ne s'achève pas au moment présent, pas davantage que le problème de leur choix. [Conclusion] On peut distinguer la compréhension historique de la connaissance telle qu'elle se construit à l'égard des phénomènes de la nature.

Toute loi scientifique concerne aussi bien le passé que l'avenir de la nature.

Les constantes historiques doivent laisser place au jeu des valeurs humaines.

Repérer ces valeurs en acte, c'est comprendre un événement, mais c'est aussi comprendre que le futur n'est pas rigoureusement déterminable.. »

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