Comprend-on le vivant en l'opposant à l'inerte ?
Extrait du document
«
A - Forme de l'énoncé.
Énoncé net et correct.
Il s'agit d'une comparaison; mais, comme il arrive souvent, les deux termes à comparer ne
sont pas sur le même plan : la machine est le terme de référence, l'être vivant est celui sur lequel on s'interroge; on
comparera donc l'être vivant à l'inerte, non l'inerte à l'être vivant.
B - Comparaison.
Nous recueillerons séparément les caractères propres de la machine et ceux de l'être vivant, et nous chercherons
ensuite comment ils correspondent les uns aux autres (soit parce qu'ils sont identiques, soit parce qu'ils s'opposent).
Ce travail exige des tâtonnements, des reprises, dont nous devrions, pour être parfaitement « honnête », vous faire
part.
Pour gagner du temps, nous nous contenterons de vous présenter les résultats de notre recherche, mis en
ordre.
Mais vous auriez intérêt, avant de lire ce qui suit, à faire vous-même ce travail; il est un peu long, mais on en
tire profit.
Dans l'énoncé pris à la lettre, on ne vous demande que les différences entre le vivant et la machine.
Néanmoins
vous ne pouvez présenter clairement ces différences que si vous avez solidement établi les points communs à l'un et
à l'autre.
« Les contraires, dit ARISTOTE, sont dans un même genre ».
Il faut donc connaître ce genre pour
reconnaître les caractères propres à chaque espèce.
1° Caractères communs.
Dans les deux cas nous avons affaire :
a) à un objet matériel, donc composé de substances chimiquement définies et soumises à des transformations
mécaniques et énergétiques régies par les lois de la physique.
b) à une organisation, c'est-à-dire à un ensemble d'organes solidaires les uns des autres dans leur fonctionnement.
Exemples : les roues, les aiguilles, les ressorts ou les poids de l'horloge; l'appareil respiratoire,.
le tube digestif, le
système circulatoire du poisson.
Dans les deux cas,.
la destruction ou l'altération d'un organe peut entraîner des
irrégularités,.
parfois même l'arrêt du fonctionnement de l'ensemble.
2° Caractères distinctifs.
a) Les pièces d'une machine ont des formes géométriques et des propriétés physiques simples et mesurables : un
poids, l'élasticité d'un ressort, le volume d'un cylindre, le diamètre d'un tube, la longueur d'une transmission, la
pression d'un gaz, la capacité d'un condensateur, la résistance d'un circuit.
On y retrouve aisément les « machines
simples », la poulie, le levier, le treuil, la vis, la roue.
Dans un vivant au contraire on ne rencontre pas ces formes
géométriques : droite, cercle, cylindre, sphère, hélice, plan, mais des figures infiniment plus compliquées : une feuille
d'arbre, une fleur, un coeur, un cerveau, un muscle.
Il faut se forcer pour retrouver, dans un être vivant, des
ressorts, des câbles, des tuyaux (vaisseaux), des leviers.
b) Les pièces d'une machine peuvent être facilement isolées les unes des autres : on peut démonter et remonter
sans dommage (et même avec profit) les pièces d'un bicyclette, ou d'une montre, ou d'un fusil-mitrailleur; on peut
remplacer un ressort de montre ou un pignon de bicyclette.
Dans le vivant, tous les organes se tiennent, et chacun
est dans tous : où s'arrête l'appareil circulatoire, ou le système nerveux ? Où sont les limites d'une cellule végétale
ou animale? Le plus léger mouvement d'un bras ou d'une main, le moindre coup d'aile d'un oiseau intéressent le corps
tout entier, sans qu'on puisse dire exactement la part qui revient à tel organe ou à tel autre.
On sait aussi quelles
difficultés on rencontre lorsqu'on cherche à remplacer un organe soit par une pièce mécanique, soit par un autre
organe (prothèses, greffes, transplantation).
c) Une machine peut fonctionner ou rester en repos (inerte); si aucune cause extérieure n'agit pour produire des
modifications ou des altérations (rouille, érosion, travail moléculaire) la machine se conservera indéfiniment.
Un être
vivant ne peut subsister sans vivre, c'est-à-dire sans que se produise en lui un minimum d'échanges chimiques et
énergétiques; même les graines ou les animaux aquatiques conservés à sec ont encore une « vie ralentie ».
d) Une machine n'est pas soumise à l'action du temps.
Elle se conserve indéfiniment, non seulement quand elle ne
fonctionne pas — nous venons de le voir — mais même lorsqu'elle fonctionne, à condition qu'elle ne s'use pas, ou
qu'on remplace à mesure les pièces usées.
L'être vivant au contraire vieillit; abstraction faite même des différences
de taille ou de développement d'organes qui constituent sa croissance, il se produit en lui des transformations
intimes, qui ne se révèlent que par certaines conséquences, et qui font qu'un vivant âgé n'est plus capable des
mêmes fonctions qu'un vivant plus jeune.
Ici encore les expériences de rajeunissement qu'on a tentées ne sont
possibles que dans certains cas privilégiés et n'obtiennent qu'un succès relatif.
Le véritable rajeunissement d'un
vivant est sa reproduction, lorsque une partie spécialisée d'un organisme adulte se sépare et devient un individu
jeune; le vieillissement et le rajeunissement se produisent selon un cycle qui souvent est fonction du cycle des
saisons.
Rien de tout cela ne se produit dans une machine.
e) Si une machine subit une modification, cette modification persiste : une bielle faussée reste faussée tant qu'on
ne l'a pas redressée; et elle reste alors droite tant qu'une cause extérieure ne l'a pas de nouveau faussée.
Mais si
un vivant subit une modification, il ne la garde pas toujours : ou bien il meurt ou bien il organise sa survie selon.
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