Comparez la vision de la Nature que nous apporte la science et celle que nous apporte l'art ?
Extrait du document
«
VOCABULAIRE:
COMPARAISON (n.
f.) 1.
— Activité de l'esprit consistant à dégager les ressemblances ou les différences de deux ou
plusieurs objets ou notions.
2.
— Pour les empiristes (LOCKE, CONDILLAC), il s'agit d'un processus d'abstraction : en
comparant deux idées, on obtient une idée générale commune aux deux.
SCIENCE : Ensemble des connaissances portant sur le donné, permettant la prévision et l'action efficace.
Corps de
connaissances constituées, articulées par déduction logique et susceptibles d'être vérifiées par l'expérience.
Nature:
Désigne au sens large ce qui existe indépendamment de l'action humaine, ce qui n'a pas été transformé.
Naturel
s'oppose alors à artificiel, ou culturel.
Aristote définit la nature comme ce qui possède en soi-même le principe de son propre mouvement, autrement dit comme
ce qui possède une spontanéité autonome de développement.
« Nature » a deux sens en français, puisqu'on parle aussi de la « nature » d'une chose.
En fait, ces deux sens ont la même
origine : nature vient du latin nascor, naître.
La nature d'une chose, c'est ce qu'elle était en quelque sorte « à la naissance
», avant toute modification.
Aristote définit la nature comme ce qui est à l'origine de son propre mouvement : contrairement à l'horloge qu'on doit
remonter, la plante semble pousser « toute seule ».
En ce sens, la nature s'oppose aussi bien à la technique qu'à la
culture, qui désignent les différents produits de l'action humaine.
La Nature vue par le savant et par l'artiste; voilà un thème bien souvent exploité et, semble-t-il, sur des modes variés.
On oppose volontiers à ce propos la sensibilité et l'intelligence, le charme des apparences à la sécheresse de l'abstraction.
C'est encore l'esprit scientifique que l'on distingue du sens esthétique; finalement le comportement du savant et celui de
l'artiste seraient représentatifs, le premier du sang-froid, le second de l'enthousiasme.
Mais c'est là un jugement rapide,
partant superficiel.
L'emploi du mot « vision' » dans le sujet proposé, bien qu'il soit en partie métaphorique, suppose un
au-delà, dont l'oeuvre du savant et celle de l'artiste ne sont qu'un témoignage.
Il s'agit donc au-delà des réalisations
particulières, d'une représentation de l'univers que la science autorise et que l'art admet.
Deux questions se trouvent dès
lors liées à chaque cas :
1° quelles sont les valeurs que le travail du savant et celui de l'artiste mettent en jeu ?
2° quelle attitude globale en face de l'univers ces valeurs permettent-elles 'd'atteindre ou de composer?
Le problème ainsi posé, ce qui frappe c'est la diversité des moyens employés dans l'un et l'autre cas.
D'où l'opposition
qu'on est tenté d'établir entre la vision du savant et celle de l'artiste.
Selon la formule, l'art c'est « je », la science c'est «
nous ».
C'est dire que l'effort de l'artiste se situe sur un plan principalement psychologique où le premier rôle est tenu par
les états singuliers et les questions à forme individuelle que l'homme se pose alors.
Au contraire l'effort du savant est une
promotion de la pensée logique, c'est-à-dire fondée sur la collectivité du langage: il vise l'universel et suscite l'adhésion
par la
démonstration.
C'est là, prenons-y-garde, le premier sens du mot vérité, distinct de beauté.
Dès lors, l'intuition et
l'affirmation apparaissent comme les moyens de l'artiste, le discours raisonné celui du savant.
Celui-ci nomme, l'autre crée.
Mais tous deux aboutissent, et sans doute en dépassant ce qu'il y a d'achevé dans leurs travaux, à une vision, supportée
par une conception (en ce qui concerne le savant), une intuition (en ce qui concerne l'artiste).
Si l'artiste, en outre, est
capable de concevoir, c'est qu'il traduit, lui aussi, en un langage, la réalité de ses aspirations.
Mais le savant, au-delà du
langage, ,est capable de contempler une harmonie qui suscite chez: lui le sentiment esthétique.
Ainsi c'est en effet dans.
la vision de la Nature, c'est-à-dire dans la mesure où ils dépassent leur objet, que savant et artiste peuvent se joindre.
L'antiquité classique, cherchant à exprimer par des rapports les lois du beau et à justifier par l'harmonie la vérité, indique
cette rencontre à la limite des activités de l'artiste et du savant.
En effet, dans les deux cas, le vrai comme le beau, c'est
l'homme ajouté à la nature.
Toutefois il reste que la vision du savant est avant tout intellectuelle, c'est-à-dire générale et
abstraite, s'exprimant selon un langage bien fait; celle de l'artiste est surtout de l'ordre de la sensibilité, c'est-à-dire
singulière et concrète, liée non pas à un état collectif de la question, mais à une insertion directe dans la réalité.
Aussi
arrive-t-il que le poète précède le savant en des voies que le savant établit ensuite par la démonstration et l'usage
commun.
« L'âme de l'artiste, si elle vit vraiment, n'a pas besoin d'être soutenue par des pensées rationnelles et des théories.
Elle trouve par elle-même quelque chose à dire.
» Kandinsky, Du Spirituel dans l'art, 1911.
« L'art est fait pour troubler.
La science rassure.
» Braque, Pensées sur l'art, 1963.
« Rien n'est plus contraire aux beaux-arts que les vues étroites, la marche trop analytique et l'abus du raisonnement
propres à notre régime scientifique, d'ailleurs si funeste au développement moral, première source de toute disposition
esthétique.
» Comte, Système de politique positive, 1851..
»
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