Commentez cette réflexion de J.J. Rousseau « Penser est un art qui s'apprend comme tous les autres, même plus difficilement ». ?
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«
Définition des termes du sujet:
PENSÉE: Faculté de connaître, de comprendre, de juger, de raisonner, qui est censée caractériser l'homme, par
opposition à l'animal.
Synonyme d'entendement, de raison.
PENSER: Exercer une activité proprement intellectuelle ou rationnelle; juger; exercer son esprit sur la matière de
la connaissance; unir des représentations dans une conscience.
Dans un texte plein d'humour, Jules Lemaître démonte le mécanisme de ces pensées dont les moralistes peuplent
leurs ouvrages.
Elles font corps avec les mots, de façon telle qu'on peut se demander si elles sont autre chose
qu'un effet d'équilibre verbal.
Lemaître illustre sa démonstration de quelques fausses maximes qui caricaturent
Vauvenargues ou Joubert.
Mais en lisant la réflexion de Rousseau que nous devons commenter, nous n'avons pas
l'impression de nous trouver en présence d'une de ces formules que l'on fabrique en concevant d'avance un certain
rapport entre les mots.
Il s'agit ici, nous en sommes sûrs, d'un produit de l'expérience.
Cela pourrait être une
exclamation jetée au cours de l'examen critique de quelque page où l'effort intellectuel trace péniblement sa voie.
Ainsi, en une courte phrase, Rousseau dit-il au moins trois choses : que la pensée est un art; qu'un art s'apprend;
que la pensée s'apprend plus difficilement qu'aucun autre.
Les parties, sinon le plan du commentaire, se trouvent
donc tout indiquées.
1) Que la pensée soit un art, nous l'admettons d'autant plus facilement que le terme a une extension très large.
En
dehors des beaux-arts, il y a les arts appliqués.
Tous les comportements peuvent faire l'objet d'un art et,
finalement, nos attitudes peuvent traduire un art de vivre.
Cependant, si nous procédons par antithèse, pour situer
l'Art, nous lui opposerons la Science.
Nous pouvons alors hésiter sur le point de savoir si la pensée est plutôt un art
qu'une science.
En fait, la plupart des activités mentales sont à la fois science et art.
La logique qui régit la pensée
se propose sous ce double aspect, science dans les principes et les lois auxquels elles se réfère, art dans
l'application de ces lois.
Dire que la pensée est un art, c'est attirer l'attention sur l'importance de l'intervention
individuelle dans le cadre même de la méthode; c'est revendiquer pour chacun la responsabilité.
2) Par là nous touchons le second point : contrairement à une opinion répandue, un art s'apprend; pour déterminer
un objet extérieur, une expression spontanée ne suffit pas.
Apprendre c'est recourir à des principes, mais aussi
s'efforcer au contrôle, à la réflexion sur l'expérience individuelle, selon les arrêts d'une matière qu'il faut vaincre ou
accorder au travail lui-même : un peintre ne reçoit pas des maîtres une série de recettes, mais l'exemple d'une
matière retentissante.
Or, voilà bien la difficulté : dans la pensée verbale, la matière n'apparaît pas tout d'abord.
De
ce fait on n'y rencontre pas l'obstacle nécessaire à la réalisation, c'est-à-dire l'occasion de la réflexion vraie et de la
solution valable.
Rousseau, mieux qu'un autre, connaît cette apparente facilité, indigne de la pensée véritable et qui
lui fait conclure à la difficulté de l'art de penser.
3) Après d'autres, on peut opposer la pensée corporelle, sans extension hors du geste présent, mais solide dans ses
limites, à cette pensée verbale d'une extension si lointaine que l'homme qui s'y arrête en est effrayé.
La logique,
puis la méthode cartésienne, enfin la méthode expérimentale sont les moyens que l'homme se propose pour
discipliner cette pensée et lui donner un poids réel.
Les règles de la poétique n'ont pas d'autre objet.
Et c'est cela
qui nécessite un apprentissage difficile, après lequel seulement, le poète comme le savant sera capable de prendre
conscience de sa responsabilité.
La pensée profonde se distingue de la superficielle par la détermination, toujours
difficile, d'une matière qui fait enfin peser les mots..
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