Commentez cette pensée de Nietzsche« Ce n'est pas le doute, c'est la certitude qui rend fou. » ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet :
Cette citation de Nietzsche est ouvertement provocatrice ; elle va contre
toute l'histoire de la philosophie, qui se présente comme une culture de la
pensée, parfois dans le but d'éradiquer le doute.
Le doute, c'est l'incertitude, c'est la remise en question de ce qui nous
entoure et de ce que nous en pensons (on pourra penser par exemple à
l'expérience cartésienne du doute radical).
La pensée s'oppose au doute en
ce qu'elle cherche à trouver ou établir des principes fiables, indubitables, dans
un but de compréhension du monde.
La folie enfin s'oppose à la pensée, elle
correspond à un échec ou à une défaite de la raison, et à une fuite hors de la
fixité des principes du monde.
Que la pensée puisse rendre fou, cela est à
première vue surprenant et paradoxal.
Nietzsche fait donc jouer de manière provocatrice des concepts qui
s'opposent les uns les autres, dans le but de remettre en cause ce qui est le
fondement habituel de la démarche philosophique.
Il faudra élucider ces
oppositions provocatrices, pour dégager ce que veut dire Nietzsche dans
cette citation et éventuellement montrer les limites de son attitude.
Comment comprendre la citation de Nietzsche ? Faut-il la prendre comme un
constat désabusé de l'inefficacité de toute pensée, et comme une affirmation d'une certaine vanité, d'un certain
vide de la pensée, qui ferait que finalement penser ne rime à rien ? Alors le doute, en ce qu'il force la pensée à se
retirer parce qu'elle constate son absence de prise sur les choses, serait plus bénéfique à l'homme que la pensée de
la possession de laquelle il se glorifie pourtant.
La folie provoquée par la pensée serait alors due à une sorte de
mouvement à vide de l'esprit, d'affairement de la pensée sur des objets vains, qui lui échappent toujours, autrement
dit, à un échec permanent de la pensée.
Il faudrait peut-être envisager une interaction productive du doute et de la pensée (on pourra par exemple examiner
la perspective sceptique, telle que la représentent par exemple Sextus Empiricus et Montaigne), et réévaluer aussi
le lien que pose Nietzsche entre la folie et la pensée : ce lien est-il positif ou négatif ? La folie est-elle créatrice ou
destructrice ?
Introduction
Cette citation de Nietzsche extraite de Ecce Homo a de quoi nous surprendre.
En effet, nous plaçons spontanément
la certitude du côté du savoir, et le doute du côté de l'ignorance.
La citation de Nietzsche peut alors sembler d'un
cynisme amer : celui qui sait devient fou parce que la vérité est bien trop horrible, tandis que celui qui doute peut
conserver une certaine dose d'espoir.
Pourtant, il semble que cette analyse soit bien trop superficielle et
conceptuellement floue.
En effet, il convient de bien comprendre que la certitude ne consiste pas en la possession
de la vérité : celui qui est certain croit savoir, ce qui n'est pas la même chose que de savoir.
Celui qui doute n'est
pas totalement ignorant, ou du moins, il se situe dans un cas très précis d'ignorance : il sait qu'il ne sait pas.
Son
cheminement intellectuel en vue de découvrir la vérité n'est pas achevé, mais en cours.
On pourrait donc plutôt dire
qu'il convient d'opposer doute et certitude dans la mesure où le premier terme désigne une pensée en construction,
une pensée dynamique, et le second une pensée fixée, arrêtée.
Reste à savoir ce qu'il faut entendre par « fou ».
On
pourrait définir la folie comme un trouble du comportement qui altère les facultés mentales d'un sujet.
Pour tenter de
réfléchir à partir de cette pensée de Nietzsche, il convient donc avant tout de se demander si la certitude n'est
pas, paradoxalement, ce qui va à l'encontre de tout processus de réflexion et le freine.
I.
Le paradoxe : la pensée est censée mener à la certitude, pas au doute.
A.
Nous envisageons généralement le doute comme un point de départ de la réflexion, et non comme un point
d'arriver.
Dans l'idéal, l'apprenant, part d'une situation d'ignorance totale ou de doute, pour arriver, au terme
de son travail intellectuel, à une situation où il sait, ou du moins pense savoir : la certitude.
Mais si comme le
dit Nietzsche la certitude rend fou, alors pourquoi chercher à savoir à comprendre ? à quoi nous sert
d'apprendre, à quoi nous sert de se former un avis sur les choses ?
B.
Le schéma idéal serait celui de Descartes, qui dans les deux premières Méditations Métaphysiques élabore
méthodiquement un doute hyperbolique qui lui sert de tremplin vers la certitude.
Le principal argument de
Descartes consiste à montrer que le doute absolu est inconcevable : aussi fort que l'on doute, il y a une chose
dont on ne saurait douter, c'est que l'on est, car pour douter, il faut être.
Descartes utilise donc le doute afin
de trouver une vérité première dont il a acquis la certitude pour ensuite fonder son édifice conceptuel, pas à
pas.
Son dessein principal semble être d'éradiquer le doute.
Tel est le cheminement de la pensée tel qu'on se le
représente habituellement.
C.
A cet égard, le propos de Nietzsche semble cyclique : la fin de la pensée est la certitude, et non le doute,
mais celui qui l'atteint devient selon lui fou et voit ses facultés raisonnantes altérées.
Or, à cet égard, l'analyse.
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