Commentez cette opinion d'André GIDE: "Il me semble que les qualités que nous nous plaisons à appeler classiques sont surtout des qualités morales et volontiers je considère le classicisme comme un harmonieux faisceau de vertus dont la première est la mo
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- Introduction
Alors que le mot « classique » implique de façon usuelle une certaine froideur, bien éloignée de l'élan qui nous semble propre à la quête d'une morale, on a voulu voir parfois dans l'attitude du créateur classique, plus qu'une attitude esthétique et plus qu'une question d'École, une attitude devant la vie, bref une question de morale. Un esthète néo-classique, un de ceux qui. après les effusions romantiques, les rêveries symbolistes, contribuèrent au renouveau littéraire du début du XXe siècle. André Gide, nous propose de définir les qualités classiques comme des qualités morales et il précise : « Je considère le classicisme comme un harmonieux faisceau de vertus dont la première est la modestie. » Évidemment il désire nous étonner et, en un certain sens, il y parvient: pourtant les vertus d'harmonie et d'ordre, sur lesquelles il semble attirer notre attention, paraissent bien être de celles qu'on peut attribuer aux classiques. En fait le mot n'a guère de signification que si l'on identifie la morale et l'esthétique.
- I La surprise
Sans être vraiment très surpris par son « demi-paradoxe », nous pouvons assez bien imaginer comment Gide veut nous étonner.
1 L'essence même de l'art classique est fort loin d'être morale : l'artiste dont tout l'esprit consiste à « bien définir et à bien peindre » (La Bruyère, Les Caractères, chap. 1, 14) a le sentiment aigu de l'autonomie de l'art et se garde de jouer les politiques ou les prédicateurs: il laisse ce soin aux spécialistes de la chose publique et de la religion et se veut lui-même un spécialiste de la littérature. S'il recommande, comme Boileau, de ne pas heurter la morale (Art poétique, chant IV, v. 93-96), il se gardera d'innover en ce domaine: il ne se croit pas porteur d'un message moral, il ne donne pas de conseils pour bien vivre, il n'écrit pas les Nourritures terrestres: bref, il se réfère à la morale existante, content de reconnaître un ordre qu'il n'a pas pour mission de modifier.
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Commentez cette opinion d'André GIDE: "Il me semble que les qualités que nous nous plaisons à appeler
classiques sont surtout des qualités morales et volontiers je considère le classicisme comme un
harmonieux faisceau de vertus dont la première est la modestie."
Introduction
Alors que le mot « classique » implique de façon usuelle une certaine froideur, bien éloignée de l'élan qui nous semble
propre à la quête d'une morale, on a voulu voir parfois dans l'attitude du créateur classique, plus qu'une attitude
esthétique et plus qu'une question d'École, une attitude devant la vie, bref une question de morale.
Un esthète
néo-classique, un de ceux qui.
après les effusions romantiques, les rêveries symbolistes, contribuèrent au renouveau
littéraire du début du XXe siècle.
André Gide, nous propose de définir les qualités classiques comme des qualités
morales et il précise : « Je considère le classicisme comme un harmonieux faisceau de vertus dont la première est la
modestie.
» Évidemment il désire nous étonner et, en un certain sens, il y parvient: pourtant les vertus d'harmonie
et d'ordre, sur lesquelles il semble attirer notre attention, paraissent bien être de celles qu'on peut attribuer aux
classiques.
En fait le mot n'a guère de signification que si l'on identifie la morale et l'esthétique.
I La surprise
Sans être vraiment très surpris par son « demi-paradoxe », nous pouvons assez bien imaginer comment Gide veut
nous étonner.
1 L'essence même de l'art classique est fort loin d'être morale : l'artiste dont tout l'esprit consiste à « bien définir et
à bien peindre » (La Bruyère, Les Caractères, chap.
1, 14) a le sentiment aigu de l'autonomie de l'art et se garde de
jouer les politiques ou les prédicateurs: il laisse ce soin aux spécialistes de la chose publique et de la religion et se
veut lui-même un spécialiste de la littérature.
S'il recommande, comme Boileau, de ne pas heurter la morale (Art
poétique, chant IV, v.
93-96), il se gardera d'innover en ce domaine: il ne se croit pas porteur d'un message moral,
il ne donne pas de conseils pour bien vivre, il n'écrit pas les Nourritures terrestres: bref, il se réfère à la morale
existante, content de reconnaître un ordre qu'il n'a pas pour mission de modifier.
2 Mais, dira-t-on.
une des ambitions fondamentales de l'art classique est d'instruire : tous les classiques répètent à
l'envi que leur but est d'être utiles (joindre « au plaisant le solide et l'utile », dit Boileau, Ibidem, IV, v.
88); tout en
croyant à l'autonomie de l'art, ils croient à son utilité profonde et « l'Art pour l'Art », la beauté pour la beauté, n'est
pas leur fait.
Toutefois le paradoxe de Gide est de suggérer que la création classique n'est pas seulement une leçon
de morale par son contenu, mais qu'elle implique de la part du créateur un effort moral au moment de la création.
3 Ceci nous apparaît d'autant plus étonnant qu'au centre de ces vertus de créateur, Gide met la modestie; or il faut
l'avouer, les classiques sont, en général, loin d'être modestes : à l'arrogance d'un Racine, méprisant Corneille,
insultant ses maîtres de Port-Royal (cf.
XVII' Siècle, p.
287), frémissant d'orgueil à la moindre critique (Ibidem, p.
307), correspondent l'assurance d'un Molière après ses succès et le dogmatisme d'un Boileau, absolument certain de
l'infaillibilité de ses principes.
II L'ordre et l'harmonie, vertus de tradition
Si le substantif « modestie » est un peu équivoque et oscille sans cesse entre le sens de « mesure » et celui d'«
humilité ».
l'adjectif « harmonieux ».
qui souligne le caractère essentiel du « faisceau de vertus », fournit la clef du
texte.
1 La notion d'harmonie implique en effet moins une innovation qu'une tentative pour équilibrer diverses données dans
ce qui existe déjà.
Le classique est donc modeste, non pas parce qu'il doute de son œuvre, mais parce qu'il sent la
littérature comme un art profondément rattaché à un certain ordre traditionnel; non pas, bien entendu, qu'il n'y ait
plus rien à faire, mais il n'y a plus qu'à travailler au développement de valeurs bien reconnues.
Tout se passe comme
dans un jeu où l'on se soumet à des règles et où l'on est forcément modeste, tout en étant fier si l'on vient à
gagner : « Qu'on ne dise pas que je n'ai rien dit de nouveau : la disposition des matières est nouvelle: quand on
joue à la paume, c'est une même balle dont joue l'un et l'autre, mais l'un la place mieux.
» (Pascal, Pensées, Éd.
Brunschvicg, I, 22; Lafuma, 4).
2 Dès lors, l'artiste ne peut guère être en opposition avec son époque et il ne saurait poser à l'incompris et au grand
solitaire.
Tel un joueur disputant une épreuve, il est à la fois limité et soutenu par des règles connues du public —
au moins dans leurs grandes lignes — au nom desquelles on le juge.
En cas de contestation, il y a contestation sur
l'application des règles, mais non sur leurs principes.
Du reste, au-delà des règles, auxquelles les classiques sont
moins soumis qu'on ne l'a longtemps cru, c'est sur le fond même de l'art que porte cet accord profondément
modeste des écrivains avec leur public et chacun prendrait facilement à son compte le mot de La Bruyère: «Je rends
au public ce qu'il m'a prêté » (cf.
XVIIe Siècle, p.
382).
Si le classique se refuse, par exemple, à choquer, s'il se
conforme aux bienséances, ce n'est pas par académisme timoré, par goût d'une littérature édulcorée, c'est parce
que l'on ne peut guère, littérairement parlant, bouleverser un accord dont vit la littérature; il arrive parfois sans
doute qu'un Malherbe ait envie d'écrire des sonnets libertins (cf.
Poésies de Malherhe, Éd.
Lavaud.
t.
IL supplément)
pour se distraire, mais il se garde bien alors de revendiquer pour eux le même niveau littéraire que pour sa
Consolation à Du Périer ou pour ses Paraphrases des Psaumes; il se borne à les publier dans quelque Cabinet salyrique, il accepte une hiérarchie des valeurs établie par la tradition..
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