Commenter les réflexions suivantes de Schopenhauer, et en définir la portée : « Les animaux vivent uniquement dans le présent. L'homme vit de plus, et en même temps, dans l'avenir et le passé... Leur sort, à eux, c'est d'être entièrement sous l'impressio
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Schopenhauer, contrairement à l'esprit de la philosophie traditionnelle, a nettement aperçu qu'il ne fallait pas lier la notion d'intelligence et celle de généralisation : il insiste sur la réalité d'un exercice de l'intelligence et du jugement dans le concret; et même il voudrait définir l'opposition des ternies Verstand (entendement) et Vernunft (raison) par celle du concret et de l'abstrait. Alors il n'y e plus lieu pour lui de refuser à l'animal une intelligence, et il lui suffit pour en distinguer l'intelligence humaine, de réserver à celle-ci la puissance de généralisation. L'idée à dégager et à discuter est donc celle d'une opposition entre l'intelligence concrète et l'intelligence abstraite, se traduisant dans l'opposition entre la vie dans le présent et la vie par l'idée intemporelle. Cela étant, l'intelligence a, dans les deux cas, la même base : rapport du vivant aux objets dans la perception; la thèse tend à différencier l'intelligence humaine uniquement par sa puissance d'action qu'elle tient de la prévision, mais aussi par sa puissance d'inquiétude, née des mêmes conditions : tout l'orgueil et tout le pessimisme de cette philosophie. (Introduction). — De quelque façon qu'on interprète l'homme et l'animal, il est incontestable que la portée de l'activité et de la pensée humaine dépasse infiniment celle de l'action animale : l'homme prévoit et construit; l'animal, dans l'ensemble au moins des circonstances, répond uniquement aux conditions présentes. C'est là l'opposition que souligne fortement Schopenhauer. La forme de l'action répondrait ainsi à la forme d'application de l'intelligence : « Les animaux... ». Cette idée se justifie-t-elle ? et quelle en est la portée philosophique ?
«
Commenter les réflexions suivantes de Schopenhauer, et en définir la portée : « Les animaux vivent
uniquement dans le présent.
L'homme vit de plus, et en même temps, dans l'avenir et le passé...
Leur
sort, à eux, c'est d'être entièrement sous l'impression de l'instant, et sous l'action du motif directement
perçu; lui, se détermine par des concepts abstraits, indépendamment du présent.
» (Le Monde comme
Volonté et représentation, livre 1 paragraphe 8).
Schopenhauer, contrairement à l'esprit de la philosophie traditionnelle, a nettement aperçu qu'il ne fallait pas lier la
notion d'intelligence et celle de généralisation : il insiste sur la réalité d'un exercice de l'intelligence et du jugement
dans le concret; et même il voudrait définir l'opposition des ternies Verstand (entendement) et Vernunft (raison) par
celle du concret et de l'abstrait.
Alors il n'y e plus lieu pour lui de refuser à l'animal une intelligence, et il lui suffit
pour en distinguer l'intelligence humaine, de réserver à celle-ci la puissance de généralisation.
L'idée à dégager et à
discuter est donc celle d'une opposition entre l'intelligence concrète et l'intelligence abstraite, se traduisant dans
l'opposition entre la vie dans le présent et la vie par l'idée intemporelle.
Cela étant, l'intelligence a, dans les deux
cas, la même base : rapport du vivant aux objets dans la perception; la thèse tend à différencier l'intelligence
humaine uniquement par sa puissance d'action qu'elle tient de la prévision, mais aussi par sa puissance d'inquiétude,
née des mêmes conditions : tout l'orgueil et tout le pessimisme de cette philosophie.
(Introduction).
— De quelque façon qu'on interprète l'homme et l'animal, il est incontestable que la portée de
l'activité et de la pensée humaine dépasse infiniment celle de l'action animale : l'homme prévoit et construit;
l'animal, dans l'ensemble au moins des circonstances, répond uniquement aux conditions présentes.
C'est là
l'opposition que souligne fortement Schopenhauer.
La forme de l'action répondrait ainsi à la forme d'application de
l'intelligence : « Les animaux...
».
Cette idée se justifie-t-elle ? et quelle en est la portée philosophique ?
I (Les faits).
— La description est exacte, en ce qui concerne l'homme.
On contestera sans doute que l'animal use
uniquement du présent.
Mais il faut seulement s'entendre.
Pas de vie animale sans mémoire, et l'on soulignera avec
Schopenhauer lui-même que le dressage est fait d'une crainte passée en forme d'habitude, ou, ce qui revient au
même, de mémoire.
Mais si l'on ne peut vivre sans le passé et que par lui, il est très douteux qu'il taille dire pour
l'animal : vivre dans le passé.
L'animal perçoit et subit; l'homme pense et sait.
Lorsque l'animal paraît prendre une
initiative en vue d'un avenir, ce n'est pas lui qui réellement agit : mais ce sont des actes qui intéressent l'espèce,
sous la forme des instincts.
C'est donc bien l'opposition d'une vie dans le présent à la vie humaine qui, du passé,
construit l'avenir.
II (Abstrait et concret).
— On est ainsi en droit de voir dans l'animal comme dans l'homme un effort vers l'action,
un « vouloir » au sens large, et cela en rapport avec les objets que donne la perception : chez l'un et l'autre on
admettra donc une sorte d'intuition par laquelle s'établit ce rapport; or, se mettre ainsi en rapport avec des objets,
c'est comprendre, ou c'est au moins l'équivalent d'une compréhension.
On donnera donc à l'animal, en même temps
que le vouloir cette intelligence, au moins rudimentaire, qui l'explique.
A) Mais alors la différence n'est plus dans la nature fondamentale du « comprendre » : elle est dans sa forme
d'application, c'est-à-dire qu'elle dépend du type de représentations (intuitions ou concepts; concret ou abstrait).
Cette affirmation de Schopenhauer soulèverait d'abord la question de savoir si le jugement ou l'entendement sont
indépendants de la forme des idées générales.
On l'admettra volontiers, comme y tend toute la psychologie moderne
: chez l'enfant, chez l'adulte dans l'action banale, et même dans les formes élevées de l'action, le jugement peut
s:exercer dans le concret (coup d'oeil, etc.).
Alors le problème précis est de savoir si l'on peut lier à l'usage de l'idée
générale toute la puissance humaine.
B) 1.
— Il apparaît bien d'abord que dans le concret, le jugement se subordonne à l'excitation du moment ou tout au
plus profite d'analogies immédiates : malgré l'habitude, qui est ici avant tout et seulement un moyen de précision
dans les mouvements (jeu de balle, de billard...), les problèmes se posent chaque fois à nouveau, et tout
changement déroute.
De même on peut bien parler d'une sorte de vouloir, réponse déterminée à la perception
présente, niais non de volonté ou de choix.
2.
— Le concept abstrait nous dégage au contraire de ce détail, comme des circonstances qui oppriment.
Le passé
se traduit sous forme de concepts qui classent, groupent et dominent les perceptions et intuitions en les
organisant.
Il devient possible de construire un avenir plus riche et plus nuancé, avec des formules d'action
indéfiniment valables.
— De même se crée la volonté, qui est essentiellement pouvoir d'agir suivant des concepts;
par la variété des représentations, en se mettant en dehors du présent, et même du temps, la pensée abstraite
rend possible un choix effectif entre des motifs multiples.
Ordre dans l'action, possibilités indéfinies de pensées et
d'actions semblables, invention du futur, construction de la volonté elle-même.
Ainsi peut-on traduire les
conséquences de cette faculté des concepts qui pour Schopenhauer définit la raison.
III (Portée philosophique et conclusion).
— Ainsi se fait, au sommet de la connaissance, la conscience humaine,
qui échappe dans l'action à la contrainte des circonstances.
Mais aussi, « tandis que l'animal n'apprend à connaître
la mort qu'au moment même où il meurt, l'homme par la conscience approche de la mort à toutes les heures de sa
vie »; source d'inquiétudes fréquentes.
Le pessimisme est la rançon de cette haute conscience.
Il resterait
cependant à savoir si le pessimisme n'est pas le fait d'une raison qui reste encore en partie accrochée aux
circonstances, au lieu de saisir activement les pures idées, comme elle fait, d'après Schopenhauer, dans les
créations de l'art..
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