commentaire composé philosophie d'un texte de pascal: le roseau pensant
Publié le 13/12/2023
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Explication d’un texte de Blaise Pascal (1623-1662)
extrait des Pensées (fragment 347 de l'édition de Brunschvicg)
Texte
"L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature; mais c'est un roseau pensant.
Il ne faut
pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser: une vapeur, une goutte d'eau, suffit pour le tuer.
Mais, quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il
sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien.
Toute notre dignité consiste donc en la pensée.
C'est de là qu'il faut nous relever et non de l'espace
et de la durée, que nous ne saurions remplir.
Travaillons donc à bien penser: voilà le principe de la
morale."
Explication
Les indications entre crochets ne doivent pas être mentionnées dans un devoir.
On passe quelques lignes entre les parties du devoir et du développement.
[Introduction]
A travers cet extrait que nous avons à étudier, Pascal s'efforce de définir l'homme.
Alors que les
hommes s'enorgueillissent souvent de la spécificité du genre humain face à la nature, l'auteur ici indique
que cette essence propre de l'homme n'est que le pendant noble d'une fragilité extrême.
Pour soutenir cette idée selon laquelle en dépit de sa faiblesse physique, l'homme possède une
dignité unique parce qu'il est un être conscient, Pascal pose d'abord cette thèse puis en explique les deux
principaux caractères pour finalement en déduire la spécificité de l'homme jusqu'à produire une
exhortation morale : " travaillons donc à bien penser ".
Nous pouvons toutefois nous demander si la critique pascalienne de l'orgueil humain n'est pas
excessive et si, justement, cet instrument de la noblesse de l'homme, sa pensée, n'est pas en même temps,
le moyen d'une puissance scientifique et technique qui permet à l'homme de dominer effectivement la
nature.
Enfin si l'humilité de l'homme doit selon Pascal le conduire à bien penser, l'auteur laisse indéfini ce
" bien penser " sur la nature duquel nous devrons nous interroger après avoir expliqué cet extrait de
manière linéaire et détaillée.
[Développement]
Pascal commence par proposer une définition de l'homme selon un procédé traditionnel : il s'agit
de rappeler le genre proche auquel appartient l'objet à définir et d'indiquer la différence spécifique entre
cet objet et ce genre.
Mais de manière originale, l'auteur ici ne définit pas l'homme comme un animal
raisonnable ou doué de parole ou d'une autre spécificité par laquelle d'ordinaire l'homme s'enorgueillit de
comprendre et de dominer la nature.
Au contraire ici, la définition proposée par Pascal ne rabaisse pas
seulement l'humanité au rang d'une animalité spéciale mais jusqu'au rang du règne végétal.
Cette
dévalorisation de l'homme est encore renforcée par le fait que la plante choisie est le roseau, frêle, ballotté
par les intempéries et par l'utilisation de la tournure restrictive " n'est qu'un ".
La proposition suivante, par
un superlatif, parachève cette humiliation en souligne que la faiblesse physique de l'homme est unique
dans la nature ("le plus faible de la nature").
Toutefois le lecteur peut aussi interpréter l'image du roseau à partir de la souplesse de cette plante,
de sa capacité à se relever (tout comme dans le second paragraphe, cette aptitude sera soulignée par
l'auteur).
La proposition suivante d'ailleurs marque une semblable dualité de l'homme en opposant à son
extrême fragilité, grâce à la conjonction " mais " précédée d'un point-virgule qui la renforce, sa spécificité
d'être capable de pensée (" roseau pensant ").
La pensée peut se définir comme cette faculté propre à
1
l'homme par laquelle celui-ci est conscient et capable de réfléchir, c'est-à-dire de se représenter la réalité
et de questionner ces représentations.
C'est d'ailleurs sans doute en ce sens que Platon définissait dans le
Sophiste la pensée comme un " dialogue intérieur et silencieux de l'âme avec elle-même ".
Pascal veut-il alors signifier que, grâce à sa pensée, l'homme augmente son savoir et par celui-ci
accroît sa puissance technique de sorte qu'il peut faire face aux agressions naturelles ou explorer l'univers ?
Dans quelle mesure la pensée de l'homme, qui relève du domaine intellectuel ou du domaine moral,
compense-t-elle sa faiblesse physique ? La suite du texte répond à cette question d'abord en précisant la
disproportion entre la toute-puissance de la nature et l'impuissance de l'homme puis en expliquant ce
qu'apporte la pensée même si celle-ci se situe sur un terrain étranger à la puissance physique.
Après avoir ainsi défini l'homme dans une première partie, Pascal s'efforce d'expliquer les éléments
de cette définition et commence dans la deuxième phrase de l'extrait par expliciter combien l'homme est
fragile.
Pascal souligne l'incommensurabilité de la force de l'univers par rapport à celle de l'homme aussi
bien comme individu que comme espèce.
Alors que d'ordinaire l'homme se vante de se mesurer à la nature
par ses exploits et d'être capable de l'affronter héroïquement, l'auteur rappelle combien cette prétention
est illusoire.
Si la tradition biblique par exemple fait de l'homme le fruit le plus élevé de la création divine et
seul être à l'image de Dieu dans un cosmos géocentré, si elle ordonne à l'homme de soumettre les animaux
et de dominer la terre, elle rappelle aussi combien il n'est que poussière.
Ici l'auteur explique que la
puissance du corps de l'homme n'est comparable qu'à celle d'une partie de l'univers, et même, comme le
précise le double-point, une particule (" goutte ") de sorte que le combat est foncièrement inégal.
Mais il utilise une image qui peut surprendre : comment " une vapeur, une goutte d'eau " peut être
néfaste à l'individu et, a fortiori, à l'humanité alors que l'eau est vitale à l'homme et qu'elle ne semble lui
nuire que sous la forme désastreuse de la noyade, de l'inondation ou du raz-de-marée ? Il ne s'agit peutêtre ici que d'une image destinée à illustrer cette disproportion de force entre l'homme et la nature ou
l'univers : l'homme est si fragile qu'une particule pas plus grosse qu'une " goutte " ni plus solide qu'une "
vapeur " peut l'anéantir.
Mais on peut essayer d'interpréter d'une manière plus littérale et concrète cette
image : elle pourrait désigner une vapeur toxique ou une goutte empoisonnée.
Remarquons enfin que la
biologie contemporaine peut illustrer le propos pascalien puisqu'on le sait un virus ou une bactérie peut
tuer un individu et une épidémie décimer une population.
Dans la troisième phrase, Pascal reprend l'opposition de la pensée à la fragilité physique.
On
retrouve d'ailleurs la conjonction de coordination " mais " qui assurait déjà cette même opposition dans la
première phrase.
L'argument par lequel Pascal souligne que la pensée compense la faiblesse de l'homme
est que la pensée donne à l'homme non pas un surcroît de force mais de la noblesse, c'est-à-dire de la
valeur, de la dignité : l'homme se rend en quelque sorte respectable non pas parce que sa pensée serait
une faculté qui vient de lui-même mais comme l'auteur l'expliquera ensuite parce que l'homme peut bien
penser, penser son humilité.
En effet, la supériorité physique de l'univers sur l'homme n'a aucune valeur pour l'univers (qui
d'ailleurs n'a aucun mérite : il est ce qu'il est et ne peut être autrement, son existence suit la nécessité sans
aucune liberté) car il est inconscient de sa supériorité.
Il ne peut donc retirer aucune satisfaction morale ni
même aucun plaisir de cette supériorité.
En revanche, l'homme se sait mortel, il est conscient de sa
fragilité.
Alors chacun de ses actes, chacune de ses pensées, chacun de ses sentiments ont de la valeur pour
lui.
Il peut s'efforcer vainement de se mesurer à la nature, ce qui selon Pascal serait stupide mais il peut
aussi reconnaître son humilité et exploiter le temps de sa vie à " bien penser ", à mesurer le prix des
moments de mon existence, de ma brève existence.
Pascal peut alors conclure au début du second paragraphe : " Toute notre dignité consiste donc en
la pensée.
"
2
L'absence de conscience de l'univers est son absurdité même (son absence de sens), ou du moins
l'absurdité d'une toute-puissance aveugle et sans intérêt, gouvernée par sa seule nécessité.
En revanche,
l'homme qui se sait misérable, se grandit par ce savoir non parce qu'il gagne en force mais parce que sa vie
gagne en valeur, car je ne suis plus alors seulement en moi-même comme une simple chose, sans valeur
pour moi, mais j'existe pour moi.
La supériorité physique de l'univers n'a aucune valeur pour lui.
L'univers n'a non plus aucun mérite :
il ne peut être autrement qu'il n'est, son existence suit la nécessité sans aucun savoir de cette nécessité.
L'univers ne peut donc retirer aucune satisfaction morale ni même aucun mérite ni intérêt de cette
supériorité.
En revanche, se savoir misérable est pour l'homme le moyen de prendre conscience de ce qui
est vain et de ce qui bien.
Chacun des actes de l'homme, chacune des attitudes qu'il peut envisager résulte
d'un choix réfléchi et non de l'asservissement à ses passions ou à son amour-propre.
C'est pourquoi "
penser " peut être le principe de la morale : sans pensée,....
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