Comment une connaissance mathématique de ce qui est objet d'expérience est-elle possible ?
Extrait du document
«
Problématique:
La connaissance des objets de l'expérience, qui se réalise dans les sciences (en particulier la physique), exige
partout l'utilisation des mathématiques.
La physique est aujourd'hui une discipline entièrement mathématisée.
Pourtant, cet « outil mathématique" a été forgé en dehors de toute préoccupation physique, entièrement a priori.
Le
problème est donc de savoir comment est possible la rencontre — il faut même dire la fusion — entre deux domaines
du savoir venus de lieux indépendants.
Comment se fait-il, pour parler comme Galilée, que la nature soit « écrite en
langage mathématique ?
Éléments de réflexion
• Le réel, pour un esprit scientifique, ne serait-ce pas le mesurable ? par exemple, l'instauration de la physique
scientifique ne commencerait-elle pas selon l'idée fondamentale de Galilée par « mesurer tout ce qui peut se mesurer
et faire en sorte qu'on puisse mesurer ce qui ne peut pas l'être directement ».
Observer qu'on ne peut mesurer que des variations (et seulement les unes par rapport aux autres).
« La force » en
physique est un principe de variations.
« Le temps » et « l'espace »,-pour entrer dans l'ordre des concepts
physiques, ont cessé d'être des grandeurs géométriques pour devenir des grandeurs mesurées.
(C'est ainsi qu'en
physique relativiste, le temps et l'espace sont des « forces », c'est-à-dire des « principes de variations
(mesurables) ».)
• Les mathématiques sont instruments de recherche et de découverte : grâce à la substitution d'un faisceau de
relations intelligibles aux objets ou phénomènes naturels, sont rendus possibles des rapprochements originaux, des
déductions fécondes.
Par le calcul, on peut anticiper des lois et même découvrir des faits nouveaux exigés par
l'analyse mathématique avant que l'expérience ait pu les révéler.
• Bachelard insiste sur la capacité « inventive » de la pensée mathématique
en physique contemporaine (la citation de l'énoncé est de lui et est extraite
de son livre).
Ce qu'il vise, semble-t-il avant tout, c'est moins
l'expérimentation que l'empirisme.
(Cf.
par exemple, son illustration de la
capacité « inventive » des mathématiques, par « l'invention » de la masse
négative par Dirac, à partir de nécessités apparemment purement
mathématiques.)
Il écrit : « L'exigence empiriste qui ramène tout à l'expérience, exigence si
nette encore au siècle dernier, a perdu sa primauté, en ce sens que la force
de la découverte est presque entièrement passée à la théorie mathématique.
» Ainsi, selon lui le « vecteur épistémologique » irait « du rationnel au réel »
et non point, à l'inverse, de la réalité au général comme le professaient tous
les philosophes depuis Aristote jusqu'à Bacon ».
Citation
Bachelard : « Par exemple, l'outil tensoriel est un merveilleux opérateur de
généralité ; à le manier, l'esprit acquiert des capacités nouvelles de
généralisation...
Dans la nouvelle science relativiste, un unique symbole
mathématique dont la signification est prolixe désigne les mille traits d'une
Réalité cachée : la pensée est un programme d'expériences à réaliser...
Le
calcul tensoriel...
est un instrument mathématique qui crée la science physique contemporaine comme le microscope
crée la microbiologie.
» Le Nouvel Esprit scientifique, pp.
58 et 59 (PUF)
Lectures
•
•
•
•
•
•
Bachelard, Essai sur la connaissance approchée (Vrin), p.
10.
Bachelard « Noumène et microphysique » in Études, p.
15.
Bachelard, Le Nouvel Esprit scientifique, p.
8.
R.
Martin, Bachelard et les Mathématiques in Bachelard, Colloque de Cerisy, 1974, pp.
46-61.
Michel Vadée, Bachelard ou le Nouvel Idéalisme épistémologique (Éditions Sociales).
Notamment le chapitre intitulé
L'induction ou la réalisation des mathématiques », pp.
76 à 87..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Kant: L'expérience conditionne-t- elle la connaissance ?
- KANT: «Si toute notre connaissance débute AVEC l'expérience, cela ne prouve pas qu'elle dérive toute DE l'expérience.»
- La vérité peut-elle être définie comme l'accord de la connaissance avec l'objet ?
- En vous appuyant sur votre expérience personnelle, vous commenterez ce propos par lequel Romain Rolland définit le lien entre la lecture et la connaissance de soi : « On ne lit jamais un livre. On se lit à travers les livres, soit pour se découvrir, soit
- « Aucune connaissance ne précède donc en nous, dans le temps, l'expérience et toutes commencent avec elle. Mais, si toutes nos connaissances commencent avec l'expérience, il n'en résulte pas qu'elles dérivent toutes de l'expérience. » Kant, Critique de l