Comment se connaît-on soi-même ?
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Comment se connaît-on soi-même ?
CONSEILS
La question posée évoque naturellement celle de l'introspection en psychologie.
Elle en est pourtant distincte.
Car il
s'agit de savoir, non si l'observation subjective permet d'établir des lois en psychologie, mais comment je connais
cet être singulier, qui est moi-même.
Du reste, il n'est pas évident qu'un regard direct sur sa vie intérieure soit le
meilleur moyen de se connaître.
Introduction.
Nul homme ne paraît être plus proche de moi que moi-même ; et nul n'est plus intéressé à se découvrir naïvement et
sincèrement à moi ; car je dois connaître mes faiblesses pour y remédier, et mesurer mes talents pour y ajuster mes
ambitions.
Rien, pourtant, n'est manifeste comme le jugement déréglé que porte sur soi l'homme replié sur soi :
l'humilité maladive et l'orgueil délirant sont presque toujours le fait des solitaires.
Que vaut donc, pour la
connaissance de soi-même, l'observation directe et intime ? Et en quelle mesure cette connaissance de soi se
réalise-t-elle par le dehors ?
I.
— Insuffisance de l'observation intérieure.
Je ne me connaîtrais pas si je n'appréhendais immédiatement ce qu'il n'est en effet donné qu'à moi de saisir : cette
face de mon histoire personnelle que j'appelle ma vie intérieure.
Sans la conscience, je m'apparaîtrais comme une
chose parmi les choses.
C'est cette conscience qui, dès qu'elle est attentive à ses propres opérations, constitué
l'observation subjective.
Mais une telle observation, ne peut réaliser à la rigueur la connaissance de soi.
A) DÉFAUTS DE L'INTROSPECTION.
D'abord l'introspection est imparfaite à bien des titres.
Elle exige un effort dont beaucoup sont incapables : je
m'intéresse moins naturellement à mes idées ou à mes tendances qu'à leurs objets ou à leurs points d'application, au
monde utile qui m'entoure, matériel ou social.
L'observation interne est surtout difficile dans les situations où elle
serait le plus précieuse : quand leur gravité nous distrait de nous-mêmes, ou, parce qu'elle nous émeut, rend toute
attention impossible.
Généralement, l'introspection dénature ce qu'elle veut saisir ; nous changeons nos attitudes
dès que nous les contemplons au lieu de les vivre seulement.
D'ailleurs, nous ne sommes pas indifférents au résultat
d'une enquête qui porte sur nous-mêmes, et la prévention, ici plus qu'ailleurs, trouble la vision.
Enfin cette
observation n'atteint pas la vie mentale dans son tréfonds et ses sources, mais seulement dans ses manifestations
conscientes.
B) L'INTROSPECTION APPRÉHENDE LE FAIT, NON LE MOI.
Surtout, la connaissance de soi est autre chose que l'appréhension instantanée et discontinue de ses états
intérieurs.
Je ne me confonds pas avec ce que j'éprouve successivement.
Or l'introspection ne livre, de moment en
moment, que des aspects fragmentaires du moi qui, même sommés par la remémoration, ne révèlent pas cette
organisation plus ou moins définie et cette orientation plus ou moins stable de la vie mentale qu'on appelle le
caractère.
Par l'introspection, je ne suis pas au coeur de moi-même ; elle ne me livre pas ma personnalité en ce
qu'elle a d'indivisible et de stable.
C) LA CONNAISSANCE DE SOI EST RELATIVE OU COMPARATIVE?
Enfin la connaissance de soi a une valeur relative ou comparative.
Se connaître, c'est se situer, se mesurer avec
son groupe, définir le sens et la force de ses tendances, la richesse ou l'ampleur de ses aptitudes par rapport à
celles de son entourage.
Il n'y a, dans l'absolu, ni monstre ni génie, ni vertus moyennes ni talents médiocres.
Se
connaître, c'est s'assigner un rang dans une société d'êtres pensants ; on ne le peut qu'à condition de sortir de soi..
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