Comment l'idée se distingue-t-elle de l'image ?
Extrait du document
«
A.
Préparation.
— Sujet très important, très souvent donné, et qui doit attirer spécialement l'attention de tout élève.
Pour le préparer, revoir d'abord
avec soin les deux parties du cours consacrées l'une aux images, l'autre à la généralisation.
Puis bien réfléchir au sens des deux mots.
Qu'entends-je
quand je dis que j'ai l'image d'un coléoptère? Cela vent dire que je me représente un certain coléoptère déterminé, par exemple un hanneton, que je
vois en esprit avec sa forme.
ses couleurs, son allure, toutes les particularités que le distinguent.
Et quand je dis que j'ai l'idée, le concept, la notion de
coléoptère, je veux dire que je .sais ce que c'est qu'un coléoptère, que je puis le dé finir : un insecte muni d'élytres.
Quels élytres? Quel insecte?
N'importe; le carabe doré avec ses élytres verts, soudés et ovales, le hanneton avec ses élytres bruns, mobiles et rectangulaires, etc.
En un mot, ainsi
que me le fait voir la théorie de la généralisation, l'idée est une représentation commune à un nombre indéterminé d'individus.
Cependant je remarque
que quand j'ai l'idée du coléoptère, il m'est impossible de ne pas m'en représenter en même temps un bien déterminé, un individu.
Sans doute; mais je
vois bien que mou idée est quelque chose d'autre que cette représentation individuelle, car : 1° je puis changer d'image.
substituer à celle d'un
hanneton celle d'un carabe doré, celle d'un capricorne, sans pour cela que mon idée en soit modifiée; 2° je me souviens qu'avant d'avoir étudié la
zoologie je n'avais pas l'idée de coléoptère, alors que je me représentais très bien un hanneton ou un carabe.
Je conclus donc de ces observations : 1°
que l'idée et l'image différent en ce que la première est générale et indéterminée, la seconde particulière et déterminée; 2° que l'image accompagne
d'ordinaire l'idée comme les gravures d'un livre illustré accompagnent le texte.
Je vois dès lors les divisions du sujet et l'ordre des idées.
B.
Plan.
— Introduction.
Poser la question.
Tout homme a des images et des idées.
Est-ce la même chose?
1° Nature de l'image.
2° Nature de l'idée.
3° Résumé des différences.
Conclusion.
L'image n'est pas l'idée, mais elle l'accompagne toujours.
C.
Développement.
— On se servira exclusivement d'exemples, selon le procédé employé ci-dessus pour trouver les idées.
On pourra citer un passage
célèbre de Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même, qui commence ainsi : « Il y a une grande différence entre entendre le triangle et
imaginer le triangle.
»
En outre, il ne faut pas perdre de vue que l'école empirique et nominaliste soutient l'identité de l'image et de l'idée; mieux : que l'idée n'existe pas; qu'il
n'y a que le mot et les images individuelles suggérées par le mot (Hume, Stuart Mill, Taine).
C'est cette opinion que l'on combat plus haut.
Il est utile
d'y faire allusion, sans toutefois élargir le débat outre mesure.
DOCUMENT: De la supériorité de l'idée (entendement) sur l'image (imagination) chez Descartes.
Et pour rendre cela très manifeste, je remarque premièrement la différence qui est entre l'imagination et la
pure intellection ou conception.
Par exemple, lorsque j'imagine un triangle, je ne le conçois pas seulement
comme une figure composée et comprise de trois lignes, mais outre cela je considère ces trois lignes comme
présentes par la force et l'application intérieure de mon esprit ; et c'est proprement ce que j 'appelle
imaginer.
Que si je veux penser à un chiliogone, je conçois bien à la vérité que c'est une figure composée de
mille côtés, aussi facilement que je conçois qu'un triangle est une figure composée de trois côtés seulement ;
mais je ne puis pas imaginer les mille côtés d'un chiliogone, comme je fais les trois d'un triangle, ni, pour ainsi
dire, les regarder comme présents avec les yeux de mon esprit.
Et quoique, suivant la coutume que j'ai de me
servir toujours de mon imagination, lorsque je pense aux choses corporelles, il arrive qu'en concevant un
chiliogone je me représente confusément quelque figure, toutefois il est très évident que cette figure n'est
point un chiliogone, puisqu'elle ne diffère nullement de celle que je me représenterais, si je pensais à un
myriogone, ou à quelque autre figure de beaucoup de côtés ; et qu'elle ne sert en aucune façon à découvrir
les propriétés qui font la différence du chiliogone d'avec les autres polygones.
Que s'il est question de
considérer un pentagone, il est bien vrai que je puis concevoir sa figure, aussi bien que celle d'un chiliogone,
sans le secours de l'imagination ; mais je la puis aussi imaginer en appliquant l'attention de mon esprit à
chacun de ses cinq côtés, et tout ensemble à l'aire, ou à l'espace qu'ils renferment.
Ainsi je connais
clairement que j'ai besoin d'une particulière contention d'esprit pour imaginer, de laquelle je ne me sers point
pour concevoir ; et cette particulière contention d'esprit montre évidemment la différence qui est entre
l'imagination et l'intellection ou conception pure.
§ 1.
Étude ordonnée
Le plus souvent, le texte extrait d'un ouvrage de Descartes est étroitement lié au contexte, mais a aussi sa valeur en lui-même et en est dans une
certaine mesure isolable.
C'est le cas ici.
Son dessein essentiel est de prouver l'existence des choses matérielles, mais, comme il le précise
dans l'Abrégé des Méditations : .
Dans la Sixième, je distingue l'action de l'entendement d'avec celle de l'imagination ; les marques de cette
distinction y sont décrites».
A vrai dire, la faculté d'imaginer est beaucoup plus large et complexe que celle qui définit notre texte et Descartes
analyse ailleurs ce que nous appelons imagination reproductrice et imagination créatrice.
Ce dont il est question en ce début de la Sixième Méditation, c'est de l'imagination en tant que la faculté de connaître s'applique à notre corps
auquel elle est intimement conjointe.
Dans les Réponses aux cinquièmes objections, Descartes écrit à Gassendi : «Les facultés d'entendre et
d'imaginer ne sont pas seulement selon le plus et le moins, mais comme deux manières d'agir totalement différentes.» C'est ce qu'il établit sur
l'exemple de figures géométriques.
Par l'acte d'imaginer, je ne forme pas seulement l'idée du triangle comme une figure composée de trois lignes
qui comprennent ou enferment un espace, mais je me les rends présentes.
Toutefois, si je considère un polygone à de nombreux côtés, très vite le
pouvoir de l'imagination marque ses limites, alors que celui de l'entendement, de l'intellection pure ou conception, ne paraît pas en avoir.
Il peut
former une idée claire et distincte du polygone à mille côtés ou chiliogone aussi aisément que celle du triangle.
En revanche, s'il est dans la
nature de l'imagination de ne pouvoir s'appliquer à des choses corporelles sans s'en faire une image, elle sera la même pour le chiliogone ou le
myriogone ou polygone à dix mille côtés, ce qui revient à dire que l'image de l'un et de l'autre sera entièrement confuse.
Et, par conséquent, la
représentation imaginative ne pourra, à la différence de la conception, m'apporter la moindre connaissance sur ces figures..
»
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