Comment la machine peut-elle être à la fois œuvre humaine et source d'aliénation pour l'homme ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet
La question « comment » porte au sens strict sur un moyen – ici elle signifie plutôt « comment expliquer que la
machine puisse être » ; elle exprime donc un étonnement quant à un fait que le sujet met en question, ce fait étant
l'ambiguïté du rôle que la machine joue à l'égard de l'homme.
L'interrogation « peut-elle » interroge deux types de capacités : une capacité de fait – au sens d'une capacité
physique par exemple : je ne peux pas voler dans les airs sans aide extérieure – et une capacité de droit – je ne
peux pas faire telle ou telle chose car une instance me l'interdit, que cette instance soit un gouvernement, une
tierce personne ou encore moi-même.
Une machine est un système technique complexe assigné à une certaine tâche ; par la construction de machines
l'homme se libère de certains travaux.
Le sujet met en question une ambivalence du rôle de la machine : elle serait en effet « à la fois » oeuvre humaine et
source d'aliénation pour l'homme.
L'expression « oeuvre humaine », d'abord, rapporte très clairement la machine à
l'homme : sans l'homme, la machine n'existerait pas, la machine est pure création de l'homme, en ce sens on pourrait
supposer qu'elle n'a aucune existence ou aucune autonomie en dehors de son usage par l'homme.
L'ambivalence
apparaît lorsque l'on pose que la machine est « source d'aliénation » pour l'homme.
Aliéner, c'est rendre autre dans
un sens péjoratif, l'aliénation est nécessairement nuisible, elle correspond à une perte d'identité ou à une perte de
pouvoir, à un affaiblissement.
Autrement dit, l'homme se trouverait aliéné par une chose dont il est supposé avoir la
parfaite maîtrise.
Un travail sur le statut de la machine permettra d'éclaircir et d'expliquer ce paradoxe : quels sont les effets de la
machine sur l'homme ? Quelles sont par exemple les conséquences de l'allègement du travail qu'elle rend possible ?
Une machine n'a pas de pensée autonome, elle n'est pas capable de travailler autrement que de la manière que
l'homme lui impose, elle ne peut donc progresser par elle-même : constitue-t-elle alors une promesse de progrès à
long terme ? L'homme n'en serait-il pas trop dépendant, au point de n'être finalement plus capable de progresser,
parce qu'il se reposerait trop sur les machines ? Ces reproches faits aux machines sont courants ; il faudra les
interroger sous l'angle particulier de l'aliénation de l'homme et du paradoxe de la coexistence de cette aliénation
avec la soumission totale des machines à la technique humaine.
Eléments pour le développement
* La machine et l'idée
Alain, Système des Beaux-Arts
« Il reste à dire en quoi l'artiste diffère de l'artisan.
Toutes les fois que l'idée précède et règle l'exécution, c'est
industrie.
Et encore est-il vrai que l'oeuvre souvent, même dans l'industrie, redresse l'idée en ce sens que l'artisan
trouve mieux qu'il n'avait pensé dès qu'il essaie ; en cela il est artiste, mais par éclairs.
Toujours est-il que la
représentation d'une idée dans une chose, je dis même d'une idée bien définie comme le dessin d'une maison, est
une oeuvre mécanique seulement, en ce sens qu'une machine bien réglée d'abord ferait l'oeuvre à mille exemplaires.
Pensons maintenant au travail du peintre de portrait ; il est clair qu'il ne peut avoir le projet de toutes les couleurs
qu'il emploiera à l'oeuvre qu'il commence ; l'idée lui vient à mesure qu'il fait ; il serait même rigoureux de dire que
l'idée lui vient ensuite, comme au spectateur, et qu'il est spectateur aussi de son oeuvre en train de naître.
Et c'est
là le propre de l'artiste.
Il faut que le génie ait la grâce de la nature et s'étonne lui-même.
Un beau vers n'est pas d'abord en projet, et ensuite fait ; mais il se montre beau au poète ; et la belle statue se
montre belle au sculpteur à mesure qu'il la fait ; et le portrait naît sous le pinceau.
(...) Ainsi la règle du Beau
n'apparaît que dans l'oeuvre et y reste prise, en sorte qu'elle ne peut servir jamais, d'aucune manière, à faire une
autre oeuvre.
»
Une première piste pour répondre au sujet serait d'envisager l'aspect systématique, automatique, de la machine, qui,
sitôt qu'elle est conçue, n'a plus besoin de la pensée pour fonctionner : l'homme intervient donc au début pour créer
la machine, puis la machine le dispense ensuite de tâches, ce qui présente peut-être le risque de mettre en congé
la pensée de l'homme et de le menacer d'aliénation.
* La machine et la société humaine
Marx, Travail salarié et capital
« En produisant, les hommes ne sont pas seulement en rapport avec la nature.
Ils ne produisent que s'ils collaborent
d'une certaine façon et font échange de leurs activités.
Pour produire, ils établissent entre eux des liens et des
rapports bien déterminés : leur contact avec la nature, autrement dit la production, s'effectue uniquement dans le
cadre de ces liens et de ces rapports sociaux.
Ces rapports sociaux qui lient les producteurs les uns aux autres, les conditions dans lesquelles ils échangent leurs
activités et participent à l'ensemble de la production, diffèrent naturellement suivant le caractère des moyens de
production.
Avec l'invention d'un nouvel engin de guerre, l'arme à feu, toute l'organisation interne de l'armée s'est.
»
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