Comment et dans quel but les éléments traditionnels du conte sont-ils détournés? > Voltaire>Candide
Extrait du document
«
Le conte est un récit de fiction généralement assez bref qui relate les actions, les épreuves, les péripéties vécues
par un ou plusieurs personnages.
La plupart du temps, le conte avoue expressément son caractère de fictivité,
c'est-à-dire le fait que l'histoire narrée se déroule dans un temps lointain et indéfini, comme l'annonce presque
magiquement la formule célébrissime : « Il était une fois ».
Mais le temps n'est pas le seul aspect du conte qui soit
indéfini : il en va de même de l'espace, dont l'actualisation reste vague et le plus souvent chimérique, étrangère a
l'espace réel.
Enfin, nous noterons une dernière caractéristique importante du conte, qui est l'existence dans le
cadre de celui-ci d'invraisemblances de toutes sortes.
Dans le conte, tout s'avère possible: un personnage peut
dormir cent ans (comme « La belle au bois dormant ») les objets peuvent être doués de pouvoirs, les êtres faibles
peuvent triompher du Mal (comme le « Vaillant petit tailleur »).
Les lois qui régissent l'univers des contes ne sont
pas toujours les mêmes que celles qui régissent le monde réel, c'est pourquoi le conte appartient le plus souvent au
genre du merveilleux, dont Roger Caillois a montré qu'il se définissait par l'existence de règles et de lois étrangères
au monde réel, dont le fonctionnement apparait cependant normal et légitime.
Par éléments traditionnels, nous entendons les caractéristiques propres de quelque chose, dont l'adition permet de
définir ce qu'est cette chose parce qu'elles lui appartiennent généralement.
Candide, ou l'Optimisme est un conte philosophique écrit par Voltaire en janvier 1759.
Anonyme en 1759, Candide
est attribué à un certain « Monsieur le Docteur Ralph » en 1761, à la suite du remaniement du texte par l'auteur.
Dans ce texte célébrissime, maintes fois réédité du vivant de son auteur et bien plus encore depuis sa disparition,
au point qu'il s'agit de l'un des plus grands succès de la littérature francaise, Voltaire promène sur le monde le
regard d'un jeune innocent afin d'en montrer les absurdités et d'en critiquer les multiples travers.
Si Candide est bel et bien un conte, et, plus précisément, un conte philosophique, il est en effet incontestable que
les éléments traditionnels du conte sont détournés, c'est-à-dire repris mais modifié afin de changer le sens profond
de l'œuvre.
En effet, la question au centre de notre travail sera de déterminer dans quelle mesure les éléments
traditionnels du conte sont repris mais modifies par Voltaire dans Candide, de manière a faire de cette œuvre non un
simple conte, mais bien un conte philosophique ?
I.
Les éléments traditionnels du conte, détournés par l'ironie Voltairienne
a.
L'univers aristocratique tourné en dérision
Nous commencerons par dire qu'il est incontestable que les éléments du conte sont détournés dans Candide de
Voltaire.
L'un de ces éléments topiques est sans doute aucun l'univers aristocratique : les contes sont en effet
peuples de rois, reines, princes et princesses, agites par les problèmes de leurs rangs.
L'univers aristocratique est
donc un univers dans lequel les contes sont baignes, parce qu'il incarne sans doute aux yeux des lectures un
univers de rêve, bien souvent inaccessible.
Or, cet univers est précisément repris, mais tourné en dérision par
Voltaire dans Candide, comme nous pouvons le constater notamment dans cet extrait du chapitre I :
« Monsieur le baron était un des plus puissants seigneurs de la Westphalie, car son château avait une porte et des
fenêtres.
Sa grande salle même était ornée d'une tapisserie.
Tous les chiens de ses basses-cours composaient une
meute dans le besoin ; ses palefreniers étaient ses piqueurs; le vicaire du village était son grand aumônier.
Ils
l'appelaient tous monseigneur, et ils riaient quand il faisait des contes.
Madame la baronne, qui pesait environ trois cent cinquante livres, s'attirait par là une très grande considération,
et faisait les honneurs de la maison avec une dignité qui la rendait encore plus respectable.
Sa fille Cunégonde,
âgée de dix-sept ans, était haute en couleur, fraîche, grasse, appétissante.
Le fils du baron paraissait en tout
digne de son père.
Le précepteur Pangloss était l'oracle de la maison, et le petit Candide écoutait ses leçons avec
toute la bonne foi de son âge et de son caractère.
» (Candide, Chapitre I)
L'univers aristocratique des contes est ici tourné en dérision, ridiculisé par l'ironie Voltairienne, dans le but de
montrer l'absurdité des prétentions nobiliaires.
b.
L'absence de tout réalisme historique ou géographique
Une autre caractéristique traditionnelle des contes est l'absence de tout réalisme historique ou géographique.
En
effet, les contes sont le plus souvent situes dans des royaumes parfaitement imaginaires, et dans des époques.
»
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