Comment distinguons-nous notre corps des corps étrangers ?
Extrait du document
«
APPROCHE: Deux moyens nous permettent de faire cette distinction :
1° La coenesthésie.
On sait que ce nom désigne l'ensemble de toutes nos sensations organiques à chaque moment
de notre vie, en admettant qu'aucune d'elles n'ait une intensité exceptionnelle, de nature à rompre l'équilibre et à
occuper toute la conscience au détriment des autres.
Cet ensemble forme comme une résultante dont nous
constatons la présence constante en nous, une sorte de bruit intérieur sourd et confus qui accompagne toute notre
vie.
Or la coenesthésie présente, par rapport aux autres sensations, celles des sens, proprement dites, cette
différence remarquable, qu'elle nous est donnée comme intérieure, ayant son siège dans une région de l'espace qui
nous apparaît comme appartenant directement au moi, et que nous distinguons ainsi des corps étrangers, en
l'appelant notre corps.
2° La double sensation tactile.
Quand je touche un point de mon corps, par exemple.
Quand je pose le doigt sur ma
jambe, j'éprouve deux sensations simultanées : mon doigt sent ma jambe et ma jambe sent mon doigt.
De tous les
corps, mon corps est le seul qui donne lieu à cette dualité d'impressions.
Introduction
La question ici posée ne manque pas de surprendre : tout porte à penser que la reconnaissance de mon propre
corps par rapport à tout autre est l'affaire d'une évidence immédiate.
Descartes se demande, d'ailleurs (Cf.
Méditations métaphysiques, première méditation) : « Et comment est-ce que je pourrais nier que ces mains et ce
corps-ci soient à moi ? Si ce n'est peut-être que je me compare à ces insensés...
».
La réalité tangible de ce corps
m'appartenant ne semble pas devoir souffrir de quelque doute que ce soit.
L'évidence de cette reconnaissance
semble alors devoir échapper à toute volonté de questionnement philosophique.
Cependant la psychanalyse, et plus
particulièrement Lacan, attire notre attention sur le fait que le nouveau-né ne fait pas cette distinction préalable.
Le monde, tout être ainsi que toute chose qui le compose (et sa mère en premier lieu) ne sont pas séparés de lui : il
est la totalité, le monde !
Mais alors, comment parvenons-nous à dépasser ce stade totalisant pour enfin distinguer notre corps des autres
corps ?
Vouloir répondre à cette question, c'est, semble-t-il, s'interroger sur l'acte fondateur d'une conscience de sa
corporéité propre.
Si la sensation apparaît comme nécessité fondatrice de cette distinction de son individualité d'avec
l'extériorité, en est-elle la condition suffisante ?
I.
De la sensation corporelle au sentiment de soi
Une expérience toute ordinaire peut-être génératrice de cette double reconnaissance simultanée de mon corps
confronté à ceux, étrangers, du monde : se cogner contre quelque chose.
La sensation de choc (douleur),
ressentie, me donne en effet la double confirmation que c'est bien ma jambe qui est venue buter contre le coin de la
table.
La sensation (par le biais des sens) est ce moyen de reconnaissance double.
Descartes déclare (Idem) :
« Tout ce que j'ai reçu jusqu'à présent pour le plus vrai et assuré, je l'ai appris des sens, ou par les sens...
»
C'est donc par le biais des sensations que naît une conscience de sa corporéité propre face à une extériorité.
Ajoutons que c'est selon trois modalités qu'une telle prise de conscience est possible : tout d'abord, « la sensation
tactile », avec l'exemple donné précédemment.
En outre, la « double sensation tactile.
Quand je touche un point de
mon corps, par exemple.
Quand je pose le doigt sur ma jambe, j'éprouve deux sensations simultanées : mon doigt
sent ma jambe et ma jambe sent mon doigt.
De tous les corps, mon corps est le seul qui donne lieu à cette dualité
d'impressions.
Enfin, une troisième reconnaissance : la « coenesthésie ».
Ce nom désigne l'ensemble de toutes nos
sensations organiques à chaque moment de notre vie, en admettant qu'aucune d'elles n'ait une intensité
exceptionnelle, de nature à rompre l'équilibre et à occuper toute la conscience au détriment des autres.
Cet
ensemble forme comme une résultante dont nous constatons la présence constante en nous, une sorte de bruit
intérieur sourd et confus qui accompagne toute notre vie.
Or la coenesthésie présente, par rapport aux autres
sensations, celles des sens, proprement dites, cette différence remarquable, qu'elle nous est donnée comme
intérieure, ayant son siège dans une région de l'espace qui nous apparaît comme appartenant directement au moi,
et que nous distinguons ainsi des corps étrangers, en l'appelant notre corps.
Platon considérait négativement le corps.
Mais celle-ci permet, étonnamment, de prendre acte de soi, comme âme
assujettie au corps dans lequel elle se trouve et tente de s'exprimer.
Le corps est le « clou », le « tombeau », la
« prison » de l'âme, nous dit Platon (Cf.
Gorgias, 493 a, ou Platon joue sur les mots grecs « soma » - « âme » - et
« sema », qui signifie « clou »).
Cette union de l'âme et du corps, véritable processus de chute d'une âme pure dans
un corps fini et dégénérescent, est donc une double reconnaissance d'un moi corporel face au monde sensible
extérieur, face à tous les corps étrangers y prenant également place.
Mais si la sensation, qu'elle soit douloureuse ou agréable, est révélatrice d'une prise directe de conscience double du
moi comme corps et de l'extériorité-altérité comme corps étrangers, est-elle pour autant la condition suffisante de
cette reconnaissance ?.
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