Comment distinguer l'homme cultivé de l'homme civilisé ?
Extrait du document
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Analyse du sujet
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Présupposé du sujet : il y a une distinction entre l'homme cultivé et l'homme civilisé.
Cette distinction repose sur la distinction "civilisation" et
"culture".
Le sujet demande donc de différencier ces deux notions, lesquelles sont alors pensées comme des propriété de l'homme et non comme des
institutions ou des évènements extérieurs à lui.
Homme cultivé : homme qui a de l'instruction, qui possède une "culture".
L'homme qui a développé un certain nombre de facultés spirituelles et
corporelles.
Homme qui est éduqué, plus particulièrement par un savoir.
Homme civilisé : homme distingué du "sauvage" ou du barbare, celui qui vit dans une cité, une société, qui est citoyen.
L'homme de l'état
social, par distinction de l'homme de la nature.
La question de l'homme civilisé pose donc la question du rapport de l'homme à la société, mais aussi
celle du rapport entre société civilisé et société sauvages.
Dans ce dernier contexte, on identifie la Civilisation à l'idée d'un développement rationnel
de la société et d'un progrès qui s'accomplit par les arts et techniques.
Une C ivilisation est alors un ensemble de phénomènes sociaux dont La
C ivilisation serait le couronnement.
Enfin, renvoie à l'idée d'une certaine courtoisie.
On peut être cultivé sans avoir les bonnes manières.
L'homme, en tant que tel et par essence, paraît être un animal social.
Donc, l'homme civilisé n'est que l'homme qui est homme, et non pas une
bête ou un Dieu.
A u contraire, l'homme peut être dépourvu de toute culture.
Mais alors, peut il entrer en une civilisation ?
La question est donc de savoir si on peut être cultivé sans être civilisé et civilisé sans être cultivé.
Problématique
Au premier abord, la distinction de l'homme cultivé et de l'homme civilisé paraît être affaire de rapport : la culture renvoie en effet en une première
analyse à l'instruction, au savoir, et l'homme cultivé est celui qui connaît.
De manière différente, l'homme civilisé renvoie à l'idée d'un homme qui développe
un certain type de rapport aux autres, la question de la civilisation renvoyant donc plus à la question du rapport entre les hommes (la société, les bonnes
manières) qu'à un rapport à soi-même (la culture comme développement de ses facultés intellectuelles et morales).
De ce point de vue, si la culture peut
être mise au service de la civilité, son développement et s e s connaissances au service de la société, elle n'y conduit pas nécessairement.
Et
réciproquement, on peut envisager des civilisations ignorantes, sans art, sans technique, sans savoir, ou des rapports sociaux fondés hors de l'idée d'un
développement des individus.
De ce point de vue, la civilité, et partant une civilisation, peut venir contredire (et ceci à tort ou à raison) la culture.
D'un autre côté, on ne voit pas comment on pourrait entrer en rapport avec autrui, c'est-à-dire se civiliser, sans aucune instruction, donc sans
culture.
Sous ce jour, il apparaît que la culture est condition de la civilisation.
La notion de civilisation suppose en effet l'idée d'une transmition de coutumes
et de règles de vie.
Mais de même, si l'homme est un animal social, comment pourrait-il développer sa culture hors de toute société, c'est-à-dire sans
devenir un homme civil ?
Le problème est donc le suivant : d'un côté il paraît facile de distinguer l'homme cultivé de l'homme civilisé, comme on distingue l'homme qui a du
savoir et l'homme qui a des manières.
Mais de l'autre on ne voit pas comment il serait possible d'avoir du savoir sans avoir des manières, ou des manières
sans avoir du savoir.
Plan
1.
On peut distinguer l'homme civilisé et l'homme cultivé sur la base d'une distinction entre l'individu et la société :
- L'homme civilisé renvoie au rapport à la société.
Il est celui qui a intégré les normes comportementales en vigueur dans sa civilisation.
C 'est l'homme
social, que l'on peut alors distinguer du sauvage, seul.
On peut ici se référer à la fiction rousseauiste du bon sauvage, craintif.
L'idée de civilité apporte donc
à l'homme civilisé ce qui manque à l'homme à l'état naturel, une liberté de citoyen et la distinction du bien et du mal (Le Contrat social).
L'homme civilisé est
donc l'homme pourvu d'une certaine moralité et qui s'inscrit dans certains rapports juridiques : le vote, les contrats etc.
L'homme civilisé, c'est donc
l'homme bon au sens social du terme, l'homme de justice.
La question de l'homme civilisé est donc celle de l'homme avec ses semblables et de ce que ce
rapport génère.
L'homme civilisé peut donc être ignorant (ex.
des salons décrits par P roust dans la Recherche ou par Balzac), ou n'avoir de savoir que relatif
à ce qui est nécessaire pour développer l'art de la conversation, art non pas d'instuire les autres mais de les divertir.
- Au contraire, l'homme cultivé peut être un barbare (ex.
de l'art nazi), c'est-à-dire peut admettre une négation de l'autre.
La culture est donc rapport à soimême : développement de ses facultés.
A ce titre, le fait d'être savant ne fait pas de nous un être social.
L'homme cultivé peut donc, en ce sens, se
comporter comme un barbare.
- Présupposé : néanmoins, ceci présuppose qu'on peut déterminer indépendamment l'homme qui serait tourné vers son semblable et l'homme qui serait
tourné vers lui-même, alors même que reconnaître son semblable, donc se civiliser, suppose de se reconnaître soi-même, donc de se cultiver, et que se
reconnaître soi-même, donc se cultiver, suppose le passage par son semblable, donc la civilisation.
2.
La dialectique de la culture et de la civilisation
- Il s'agit de montrer avec A ristote dans la Politique que l'homme est un animal social.
A ce titre, hors de la cité il est soit une bête soit un dieu.
Si alors la
culture s'oppose à la bêtise, on peut considérer que l'homme cultivé est plus proche du dieu que de la bête.
Néanmoins, le savoir suppose la médiation du
langage qui permet de partager des expériences et de généraliser.
La science suppose donc le langage, et celui-ci ne se développe qu'au sein des cités.
L'homme cultivé sans rapport sociaux n'est donc qu'une abstraction.
De ce point de vue, toute culture, tout développement individuel, suppose une
civilisation, c'est-à-dire une cité, antérieure aux individus qui la compose et qui est le premier objet naturel.
- Mais d'un autre côté, l'homme purement civilisé, sans culture, appaît réciproquement comme dénué de toute personnalité.
Le mondain n'est que le résultat
des interactions sociales, sans personnalité car il les a, formellement, toutes, selon les lieux et les circonstances.
Le civilisé n'est que cet homme de
l'homme dont parlait Rousseau, qui se distingue de l'homme de la nature (Emile) pur masque produit de son éducation, homme dénaturé dont les moi est un
pur artifice.
L'homme civilisé, de ce point de vue, sans culture, n'est plus personne.
- De ce point de vue, il paraît nécessaire de penser l'homme cultivé et l'homme civilisé dans l'unité de l'homme humain, ce qu'on peut tâcher de faire en
troisième partie par opposition à l'idée de barbarie.
3.
Les barbaries et l'humain
- On peut donc voir que, penser dans leur abstraction, l'homme cultivé et l'homme civilisé produisent deux types de barbarie, c'est-à-dire de types de
négation de l'humanité.
L'homme seulement cultivé peut nier l'humanité de son prochain, c'est-à-dire ne pas reconnaître en autrui un semblable.
C e peut
être alors la barbarie de celui qui se pose comme sur-homme ou qui se détermine par son opposition (le sacré).
C e qui est nié ici, c'est la nature sociale de
l'homme, et donc l'humanité nécessaire d'autrui comme condition de reconnaissance de sa propre humanité.
L'homme seulement cultivé pourrait alors
apparaître comme une première figure de l'inhumain.
- En miroir, l'homme civilisé, et sans culture, rejette comme barbare ce qui se distingue alors de sa civilisation.
L'homme civilisé dépourvu de culture est
nécessairement conduit à l'éthnocentrisme que dénonce Levy Strauss dans Race et histoire : chaque civilisation appelle l'autre "barbare".
Mais la barbarie
n'est-elle pas du côté de celui qui l'attribue à l'autre ? On le voit, la possibilité de reconnaître l'humanité de l'autre, au delà de la diversité des civilisations,
suppose de ne pas réduire son humanité à la société dans laquelle nous sommes.
Conclusion : l'homme civilisé et l'homme cultivé sont donc bien inhumains, dès lors qu'on les pense séparément.
Leur inhumanité provient du fait que la
culture permet d'opérer le dépassement, par l'individu, de la civilisation donnée à laquelle il appartient, et la civilisation permet de rencontrer en autrui un
autre homme, un semblabe par lequel je me constitue.
Distinguer l'homme cultivé et l'homme civilisé conduit donc, dans les deux cas, à l'inhumanité et à la
barbarie..
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