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Comment comprendre l'expression : « faire son possible » ?

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« Comment cela peut arriver parfois, je me retrouve dans une situation un peu embêtante.

Je téléphone à un ami, qui j'espère pourra me venir en aide: je lui explique mon problème, puis, après m'avoir longuement écouté, il me laisse avec cette phrase avant de raccrocher: « je vais faire mon possible ».

Par ces derniers mots, il ne m'invite donc pas à me concentrer sur son intention ( il n'a pas raccrocher avec la phrase « tu sais, c'est l'intention qui compte »): il propose de me venir en aide, c'est donc déjà qu'il a de bonnes intentions à mon égard.

Il ne m'invite pas non plus à examiner la qualité de son aide à partir du résultat qu'il va obtenir (il m'aurait sinon dit « c'est comme si c'était fait! »).

Non, ce qu'il me demande d'observer, c'est la quantité d'énergie qu'il va mettre dans son action pour me secourir: il place son aide sous l'égide de la performance.

A partir de cela, changeons de situation tout en gardant cette idée.

Me voilà à présent face à mon chien dans la cuisine, songeur et salivant devant les morceaux de nourriture que je porte à ma bouche.

Etant d'une nature partageur, je lui propose un troc: une part de mon assiette contre sa posture assise et sa patte levée à ma demande.

Il s'exécute, et rattrape à la volée un morceau de choix.

Il a fait son possible pour obtenir son dû.

Mais admettons maintenant que je lui demande de résoudre, comme l'esclave dans le Ménon de Platon, la duplication de l'aire du carré contre mon restant de cuisse de poulet. Sauf peut-être dans de rares cas, il va continuer à me regarder en clignant des yeux sans cette fois-ci s'exécuter. Pourquoi? Je lui demande quelque chose qu'un chien ne peut pas faire, ma question dépasse les potentialités d'un chien.

Et l'on parle ici de tous les chiens: la capacité à venir à bout d'un problème de géométrie ne fait pas partie des capacités, des possibles qu'est capable d'exécuter un chien: cette potentialité ne peut être attribuée à son essence.

Faire son possible c'est donc actualiser, mettre à jour des choses qui sont potentiellement en nous.Un enfant est potentiellement un lecteur, il faut donc actualiser cette capacité en lui, et cela va donc lui demander une certaine énergie.

Nous y sommes: faire son possible, c'est générer une quantité d'énergie pour faire exister quelque chose qui n'est en nous qu'à l'état séminal, comme possibilité de notre essence.

Mais cela suppose que nous ayons une essence pré-établit où est inscrit à l'avance tout ce dont nous sommes capables: n'y a-t-il pas ici quelque chose de contraire à l'idée même de liberté? N'est-ce pas réducteur de dire à quelqu'un: voilà ce dont tu es capable en fonction de ton essence? I.

Aristote: Qu'est-ce que c'était? Lorsque aristote veut connaître l'essence de quelque chose, il demande « to ti esti », ce qui signifie en grec: qu'est ce que...

Par exemple, s'il se demande ce qu'est l'essence de l'homme, il tente de répondre à qu'est ce que l'homme, ce à quoi il répond volontiers: l'homme est animal rationnel.

Or, la condition primordiale pour être heureux dans la morale aristotélicienne, c'est de réaliser son essence.

Si je suis un homme, et que l'essence de l'homme c'est d'être animal rationnel, il me faut donc user de raison pour être heureux. Sommairement, nous dirions que pour être heureux, selon Aristote, il faut faire son possible, soit réaliser ce dont est potentiellement capable un homme. User de raison, c'est exprimer son essence, actualiser ce qui n'est qu'en puissance.

Si l'on prend la neige, en puissance selon Aristote, elle aurait pu être verte, bleue, rouge...

Mais elle s'est actualiser, comprenons elle est venue à l'existence avec la couleur blanche. Sauf que la neige ne réfléchit pas trop à la couleur qu'elle va choisir pour sortir.

L'homme, au contraire, peut choisir de réaliser ou non son essence. Pour Aristote, puis il la réalise, plus il est parfait.

C'est ce que le métaphysicien appelle l'entéléchie, soit la perfection de l'être qui réalise tous ses possibles.

On comprend que raisonner, c'est fatiguant, ça demande de l'énergie.

Plus je vais utiliser ma raison, plus je vais requérir de l'énergie.

Ainsi, celui qui fait son possible c'est celui dont l'existence génère le plus de puissance. Cependant, lorsque Aristote tente de saisir l'essence d'une entité cette fois-ci singulière, il est pour être honnête bien en peine avec son to ti esti.

Par exemple, à la question qu'est ce que Socrate?, il ne peut répondre par l'essence générique à laquelle ce dernier appartient.

En d'autres termes, pour définir ce qu'il appelle la socratéité, il ne peut répondre par: Socrate est un animal rationnel.

Tous les hommes sont cela, ça ne caractérise pas Socrate pris particulièrement.

L'essence de Socrate ne se résume pas à cela.

A vrai dire, nous n'en connaissons rien de cette essence tant qe Socrate est en vie.

En effet, durant sa vie, Socrate est un pouvoir-être-autre perpétuel, entendons qu'il peut changer à tout instant.

Plus simplement, je ne puis définir mon ami en disant « il est ceci, il est cela » précisément parce qu'il peut changer à tout instant.

Dire, de son vivant, que Socrate est un sage, c'est bien s'avancer sur une des caractéristique de son essence, précisément parce qu'il peut être autre chose d'un moment à l'autre.

Seule la mort à une fonction révélatrice de l'essence, en ce sens que, c'est seulement une fois qu'une personne est morte que son essence est scellée: plus rien ne pourra être changé, il est pour ainsi dire figé dans une définition.

Sartre ne dit rien d'autre lorsqu'il dit que l'existence précède l'essence.

Mais une fois mort, la personne que nous tentons de définir est devenu un a été.

D'où, lorsque Aristote s'interroge sur la définition d'une essence particulière, l'utilisation non plus du to ti esti, mais de la formule to ti en einai, qui est la même chose mais mise à l'imparfait, non plus Qu'est ce que c'est, mais bien Qu'est ce que c'était.

Ainsi, Aristote nous rappelle que toute définition d'une essence particulière est déjà passé en ce sens que ce que je définis peut déjà changer.

Je définis par exemple mon ami comme quelqu'un qui était jusqu'au moment où je l'énonce, quelqu'un de gentil, du fait même que demain peut lui prendre l'envie de tuer son animal de compagnie.

En ce sens, on ignore le possible de quelqu'un. »

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