Comment comprendre "l'existence précède l'essence" ?
Extrait du document
«
L'essentialisme est une position qui affirme l'existence d'une nature humaine (nature prise au sens d'essence).
Ainsi, pour le
spiritualisme chrétien classique, toute existence présuppose une essence.
La Nature, l'homme ne peuvent se comprendre que
lorsqu'on remonte à un être transcendant.
Dieu a pensé l'homme à la manière d'un ébéniste qui conçoit la table avant de la
construire et cette pensée divine de l'homme, c'est la nature ou l'essence humaine.
La création, c'est l'existence donnée à cette
pensée.
L'essence, chez l'homme, est donc préalable à l'existence.
En Dieu seul, l'existence est inséparable de l'existence.
Il est
dans la nature de Dieu d'exister.
Dieu est sa propre cause.
Il est celui qui a créé et qui donc explique, fonde et justifie l'homme et
le monde.
Cette idée que l'essence précède l'existence ou que l'homme avant de naître a une nature ou une essence toute fixée n'est
pas l'apanage exclusif des spiritualistes chrétiens.
On la retrouve, dit Sartre, chez les philosophes athées du XVIII ième siècle :
« Dans l'athéisme des philosophes, la notion d e Dieu est supprimée, mais non pas pour autant l'idée que l'essence précède
l'existence.
Cette idée nous la retrouvons un peu partout : chez Diderot, chez Voltaire et même chez Kant.
» Pour les philosophes,
dit Sartre, « l'homme est possesseur d'une nature humaine ; cette nature humaine, qui est le concept humain, se retrouve chez
tous les hommes, ce qui signifie que chaque homme est un exemple particulier du concept universel, l'homme.
»
(« L'existentialisme est un humanisme.
»)
« Dostoïevsky avait écrit : « Si Dieu n'existait pas, tout serait permis ».
C'est là le point de départ
de l'existentialisme […].
Autrement dit, il n'y a pas de déterminisme, l'homme est libre, l'homme
est libéré.
Si, d'autre part, Dieu n'existe pas, nous ne trouvons pas en face de nous des valeurs ou
des ordres qui légitimeront notre conduite.
Ainsi, nous n'avons ni devant nous, ni derrière nous,
dans le domaine lumineux des valeurs, des justifications ou des excuses.
Nous sommes seuls,
sans excuse.
C'est ce que j'exprimerai en disant que l'homme est condamné à être libre.
»
SARTRE.
Dans « L'existentialisme est un humanisme », tirant les conséquences « morales » du principe existentialiste : « L'existence précède
l'essence », Sartre en conclut que nous sommes radicalement libres, et par suite radicalement responsables.
Si « nous sommes
condamnés à être libres », c'est que nous devons assumer une liberté que nous n'avons pas choisie, mais qui nous définit.
La philosophie de Sartre est un philosophie de la liberté, dont les prémisses reposent sur la fameuse formule : « L'existence précède
l'essence ».
La conséquence la plus immédiate de ce principe est que « l'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait ».
Nous sommes tout entier
liberté, libres –dans les limites de notre condition, de notre situation- de nous faire.
Aucune nature humaine, aucun destin ne dicte notre
conduite.
La liberté est ici l'absence de norme qui préexisterait à notre action.
Or, cette conscience de notre liberté ou de notre totale responsabilité peut provoquer soit l'angoisse qui s'empare de nous face à cette
responsabilité, soit toutes les conduites de « mauvaise foi » qui visent à nous dissimuler cette liberté, à nous démettre de nos
responsabilités en accusant le destin, les circonstances, ou la pression d'autrui.
C'est pourquoi « nous sommes condamnés à être libres.
»
Bien saisir la conception sartrienne de la liberté, de l'angoisse et de la mauvaise foi, présuppose que l'on ait saisi ce que signifiait :
« L'existence précède l'essence ».
Tout objet fabriqué a d'abord été conçu.
Pour reprendre l'exemple de Sartre, un coupe-papier est un objet fabriqué par un artisan, selon
une idée préalable dont il déduit la façon de fabriquer l'objet.
Aucun objet technique n'est produit sans que son utilité n'ait d'abord été
définie, sans que sa nature ou son essence (« c'est-à-dire l'ensemble des recettes et des qualités qui permettent de le produire et de le
définir ») ne soit posée.
Autrement dit, ici, l'essence précède l'existence.
Chaque coupe-papier existant n'est qu'un exemplaire du concept ou de l'essence de
coupe-papier.
Dans la conception traditionnelle, l'homme est créé par Dieu, il est produit selon une définition de la nature humaine.
Ainsi chaque
homme existant n'est qu'une réplique ou une version d'une nature humaine, d'une essence unique, présente dans l'esprit divin.
Sartre
conclut que dans cette vision traditionnelle, à laquelle il s'oppose avec vigueur, puisque l'essence précède l'existence : « L'homme des
bois, l'homme de la nature, comme le bourgeois sont astreints à la même définition et possèdent les mêmes qualités de base.
»
Or, poursuit Sartre, si l'on est athée, et athée de façon cohérente, il faut poser qu'il y a « au mois un être chez qui l'existence précède
l'essence, un être qui existe avant d'être défini par aucun concept, et cet être c'est l'homme.
»
L'homme existe d'abord et se définit ensuite.
Il n'est pas un exemplaire d'une norme ou d'une nature préexistante, il se fabrique luimême au cours de l'histoire.
La première signification de la liberté est cette capacité humaine à se définir par soi-même.
Un objet
technique, voire un objet naturel, une pierre, ne sont rien d'autre que ce que leur définition préalable nous dit qu'ils sont.
L'homme, à
l'inverse, parce qu'en lui « l'existence précède l'essence » a reçu cet étrange privilège de se fabriquer lui-même.
Mais « si vraiment l'existence précède l'essence, l'homme est responsable de ce qu'il est ».
Sur chacun de nous pèse la responsabilité
pleine et entière de nos actes et choix.
Nous ne pouvons nous retrancher derrière aucune « nature » qui nous définirait et limiterait notre
possibilité d'agir et de nous faire.
Pire : « Nous ne voulons pas dire que l'homme est responsable de tous les hommes ».
En effet, en
posant tel ou tel choix politique, affectif, etc.
j'en affirme la valeur, et la valeur pour la totalité de l'humanité.
Cette liberté, nous nous la masquons la plupart du temps, car elle est terriblement difficile à assumer.
Il vaut la peine de citer le passage
où Sartre résume et sa position philosophique et son athéisme, et décrit l'angoisse qui peut nous atteindre quand nous comprenons
notre liberté.
« Dostoïevsky avait écrit : « Si Dieu n'existait pas, tout serait permis ».
C'est là le point de départ de l'existentialisme […].
Autrement
dit, il n'y a pas de déterminisme, l'homme est libre, l'homme est libéré.
Si, d'autre part, Dieu n'existe pas, nous ne trouvons pas en face
de nous des valeurs ou des ordres qui légitimeront notre conduite.
Ainsi, nous n'avons ni devant nous, ni derrière nous, dans le domaine
lumineux des valeurs, des justifications ou des excuses.
Nous sommes seuls, sans excuse.
C'est ce que j'exprimerai en disant que
l'homme est condamné à être libre.
»
Etre condamné à la liberté signifie être totalement libre et par suite responsable, devant les autres et devant soi-même, d'une conduite
qui n'est guidée par aucune valeur prédonnée.
Nul Dieu, nulle Eglise, nul credo ne peuvent définir à l'avance notre conduite ni la justifier.
A chaque fois, dans chaque situation concrète, nous avons à nous engager, à choisir, à agir, sans qu'aucune ligne de conduite ne soit
fixée à l'avance..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- L’existence précède l’essence - Jean-Paul Sartre (1905-1980)
- Sartre: L'existence précède l'essence
- Jean-Paul SARTRE: L'existence précède l'essence
- L'existence précède-t-elle l'essence ?
- explication texte Louis LAVELLE: L’essence et l’existence