Comment comprendre la formule: "Fais ce que dois, advienne que pourra" ?
Extrait du document
«
Cette formule rappelle immédiatement l'idée Kantienne de l'impératif catégorique.
Premier rapprochement à
faire, mais aussi précision à établir : le point commun est bien l'idée que le devoir s'impose absolument; mais
Kant insiste autant et plus sur cette autre idée que la notion de devoir se suffit à elle-même, idée que la
formule proposée n'implique pas.
La formule est par contre très voisine de celle de Corneille : « Faites votre
devoir, et laissez faire aux dieux », et ce nouveau rapprochement fait ressortir l'idée qu'il y a lieu de négliger
les conséquences lointaines, pour songer uniquement à l'impératif présent : se soumettre à des décrets qui
nous dépassent, c.-à-d., plus ou moins nettement, fatalisme.
Mais pour que l'application de cette idée soit
possible, il faut admettre que nous connaîtrions sans équivoque ce qu'est notre devoir.
On arrive ainsi à la
discussion centrale : le devoir se définit-il sans un contenu, donc sans des finalités, et « ce qui adviendra »,
ne devient-il pas l'élément essentiel de cette définition ? On aura alors le moyen de situer l'idée, et de
déterminer ce qui doit en être retenu.
Plan.
— Introduction.
— Le devoir se présente comme un commandement qui s'impose, une autorité devant
laquelle notre volonté s'incline.
Il s'agit donc pour une interprétation littérale, de réaliser l'ordre, sans
l'hésitation que pourrait introduire une considération trop attentive des circonstances.
« Fais ce que dois,
advienne que pourra.
»
I.
— On songe aussitôt à l'idée kantienne de l'impératif sans condition, valeur absolue, qui ne se subordonne
pas.
Il faut dire que de part et d'autre, l'idée du devoir se trouve placée assez haut pour qu'elle soit à la fois
un idéal, et un soutien pour une obéissance qui exige beaucoup de nous.
En quoi l'idée n'est pas discutable, le
devoir se donnant comme une valeur qui s'impose de préférence au reste.
Mais la pensée populaire n'a rien du
formalisme kantien.
Chez Kant se pose l'idée de devoir, qui commande en tant qu'elle est la notion abstraite de
l'impératif.
A cet abstrait s'oppose la forme concrète du « ce que » dois ; on ne songe pas tant au
commandement qu'à la finalité imposée.
II — Faut-il donc dire que les conséquences jugeront de la décision à prendre ? La formule proposée s'y refuse,
et par là écarte à la fois l'hésitation et les remords.
Si donc on la rapproche de la formule de Corneille, c'est
l'affirmation que nous n'avons pas à suivre les conséquences, parce qu'elles sont hors de notre portée :
fatalisme.
Attitude qui a sa grandeur si l'on sait en accepter toutes les responsabilités.
Mais renonciation a-telle dans tous les cas un sens réel ? Faire « ce que » l'on doit, cela suppose un devoir défini, un ordre dont on
sache la signification.
1° Une telle situation peut se trouver : cas simples d'une consigne à exécuter ; cas des devoirs journaliers ; ou
encore dans certains conflits de devoirs, mêmes les plus tragiques, cas d'un devoir précis s'opposant à des
devoirs mal déterminés, ou d'un devoir que les circonstances rendent impérieux, donc qu'il faudra accomplir,
même « la mort dans l'âme » (cas des Horaces); cas enfin où seule l'audace peut aboutir (« tenter l'impossible
»).
2° Mais beaucoup plus généralement, définir son devoir, c'est déterminer la valeur des conséquences; le devoir
ne s'énonce qu'en raison de « ce qui adviendra ».
3° Pourtant il faut, dans ces conséquences, faire deux parts; ce qui adviendra pour autrui, et cela justement
entrera dans la détermination du devoir — ce qui adviendra pour nous, et sur ce point la formule exprime la
résignation ou l'abnégation nécessaire.
Conclusions.
— Ainsi, la formule proposée apparaît en un double sens comme une maxime de grandeur morale,
parce que dans tout conflit, elle met le devoir au-dessus de tout le reste, en nous invitant à ne pas hésiter,
parce qu'aussi elle nous demande d'accepter toute conséquence pour nous du devoir accompli.
Elle garde
encore une valeur pratique, comme soutien de l'action; — comme impératif d'action immédiate, les risques
d'une solution devant être préférés à l'inertie, dans les cas d'indétermination; — comme enfin un moyen
d'écarter les remords prématurés, si nous n'avons pas les moyens de déterminer tout le devoir.
Mais elle ne
doit pas devenir la paresse d'une pensée qui s'en remet à quelque commandement extérieur ou à l'inspiration,
car l'effort pour prévoir ce qui adviendra et déterminer le « ce que dois », c'est le premier et le plus général de
nos devoirs..
»
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