Comment comprendre la formule: Dieu est mort ?
Extrait du document
«
Comment démarrer votre dissertation et trouver le plan.
1.
Attention! Voici le sujet piège par excellence: le premier mouvement conduit à se précipiter sur les preuves de l'existence de Dieu.
Mais
il ne s'agit pas de cela.
Cette formule fait référence à une évolution historique des idées dans le devenir humain.
Ceci rend le sujet très difficile car il utilise des matériaux issus certes du cours mais dispersés à travers toutes sortes de notions (la
religion bien sûr, la conscience sous l'aspect de la conscience malheureuse, le nihilisme nietzschéen).
2.
L'analyse même de la formule fait surgir immédiatement une contradiction majeure : comment Dieu, principe hors du temps, ne
pouvant exister que dans le mode de l'éternité, peut-il subir la mort?
Le problème est de tenter de lever cette contradiction en donnant un sens cohérent à la formule.
3.
L'analyse du mot « Dieu » et de toutes les valeurs qui gravitent autour de lui conduit, sur la base d'une réflexion sémantique, à
examiner les différentes acceptions possibles de la formule :
— Sens « athée » brutal : Dieu n'existe pas.
— Sens « pascalien » du « Dieu caché ».
— Sens « nietzschéen » de la négation de toutes les valeurs humaines liées à Dieu.
Vous avez donc ici un plan très particulier par analyse successive de notions.
Introduction
Cette formule se présente à nous de manière tout à fait paradoxale et c'est ce paradoxe qui pose problème.
En effet, Dieu — conçu
comme principe éternel constituant l'origine du monde et la fin de l'univers, comme substance infinie, immuable, indépendante — ne peut
connaître et expérimenter la mort, c'est-à-dire la cessation de l'existence, puisqu'il représente précisément une substance parfaite, ne
pouvant exister que selon le mode de l'éternité, en dehors du temps.
Il exclut, par conséquent, toute idée de mort.
Si tel est le paradoxe de ces mots courants et si un Dieu éternel et immuable ne saurait mourir, le problème qui se pose est donc le
suivant : comment la formule « Dieu est mort » peut-elle cesser de se présenter de manière contradictoire ? Il s'agit d'arriver à trouver un
sens cohérent et une signification à des mots énigmatiques et paradoxaux.
1.
Dieu conçu comme illusion : l'athéisme théorique
La formule « Dieu est mort » peut, tout d'abord, sembler représenter la simple formulation d'une conception athée.
Dieu, réalisé
transcendante par rapport au monde, conçue comme son principe d'organisation même, est alors nié.
« Dieu est mort » signifie : aucun
principe n'est plus requis comme fondement du monde.
La notion de Dieu est alors élucidée en tant qu'illusion longtemps enracinée dans
les désirs des hommes et appelée à un dépérissement.
Il n'y a plus de raison de conserver cette hypothèse inutile et superflue.
Dieu est alors déchiffré comme le produit des impuissances et des inhumanités humaines, c'est une idée non point tant fausse
qu'illusoire.
Le « Dieu est mort » représenterait, en somme, la prise de conscience de l'athée se délivrant de ses fantômes, de ses désirs
infantiles et de ses impuissances.
Dieu, hypothèse encombrante et inutile, est alors nié.
Cette compréhension de la formule « Dieu est mort » ne nous paraît guère satisfaisante.
Elle est statique, rigide, elle ne concerne que des
individus dans une société donnée.
A la limite, elle pose seulement Dieu comme idée, non point comme transcendance vivante.
Elle ne
répond nullement au problème posé, dans la mesure où nous arrivons seulement "à affirmer ceci : l'idée de Dieu est purement illusoire —
Dieu n'existe pas.
Mais, en bonne logique, l'athéisme n'affirme pas vraiment que Dieu est mort.
Tournons-nous donc vers une seconde
interprétation, plus vivante, qui rende compte de ce mot de mort qui est inscrit dans notre champ d e recherche et qui pose ici
véritablement problème.
2.
Dieu est mort : un processus historique
La formule « Dieu est mort » reprend un sens beaucoup plus vivant et beaucoup plus vrai si elle dépasse le contenu d'une conscience
individuelle et d'une idée personnelle pour être saisie comme un processus historique qui a frappé les chrétiens eux-mêmes, à
commencer par Pascal, à l'intérieur d'un certain devenir.
Car la foi de Pascal ne s'enracine pas dans une présence, celle d'un Dieu
immanent à l'univers et l'éclairant, mais elle se comprend, au contraire, par référence à un Dieu caché,
dissimulé.
Avec l'idée d'un processus historique où Dieu est mort, quelque chose de plus vrai semble
apparaître dans une formule qui, tout à l'heure, ne prenait qu'un sens étroit ou énigmatique.
Quelqu'un
est mort.
Que s'est-il passé et qui était réellement ce quelqu'un ? Ce quelqu'un, ce ne peut être que le
principe spirituel donné dans le monde, non point le transcendant séparé, mais le suprasensible
organisant notre univers.
« Dieu est mort » signifie alors : le suprasensible (Dieu) ne représente plus un
principe organisateur et une
norme dans lesquels l'homme pourrait s'enraciner.
Ce qui ne signifie nullement que la foi individuelle
soit impossible, mais seulement que le Transcendant s'est éloigné, que l'Absolu n'est plus le
fondement du monde moderne.
Ici, la formule « Dieu est mort », conçue maintenant comme le passage
historique vers l'absence de fondement par Dieu, reprend un sens.
Elle signifie que, par exemple, au
Moyen Age, toutes les formes de vie et d'art se comprenaient par référence à un univers qui manifestait
la présence de Dieu.
La cathédrale gothique, le monastère, la mort, la vie quotidienne en son entier
étaient pleins de Dieu, qui fournissait la norme et la valeur de toute l'existence humaine.
Quand le rêve
d'une civilisation tout entière tournait autour de l'au-delà et de l'absolu, on peut dire que Dieu était
présent, qu'il existait, lumière et sens éclairant tout le réel.
Mais Dieu, depuis cette époque, s'est
éloigné.
Il ne nous apporte plus le critère et l'appui dans l'élaboration d'un monde.
Ici, le « Dieu caché
», Deus absconditus, retiré de notre univers, éclaire le sens de la formule.
La dissimulation de l'Absolu,
de Dieu est le trait majeur de l'existence
moderne.
Voici donc une deuxième signification, plus historique et plus riche de la formule envisagée.
Au lieu de
considérer Dieu comme le Transcendant pur, on en fait maintenant un principe spirituel se manifestant historiquement dans le monde, un
dynamisme historique, un mouvement dans notre univers.
Or, il faut bien reconnaître que notre temps est celui de l'éloignement de ce
principe spirituel et que les consciences modernes sont des « consciences malheureuses ».
L'homme contemporain est déchiré, il vit
pleinement le « malheur de la conscience », car notre monde est vide, creux, « terre à terre », réduit à sa pure immanence.
Dire que «
Dieu est mort », c'est donc affirmer que le principe spirituel s'est éloigné dans le temps : Dieu s'est « caché » et seule la foi peut lui
conférer encore une existence..
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