Comment comprendre cette affirmation de Paul Klee: "l'art ne rend pas le visible: il rend visible" ?
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«
VOCABULAIRE:
Art: 1) Au sens ancien, tout savoir-faire humain, toute pratique produisant un résultat non naturel (artificiel).
2)
Au sens esthétique moderne, production ou création d'oeuvres destinées à plaire (beaux-arts), c'est-à-dire à
susciter par leur aspect, une appréciation esthétique positive.
Oeuvre d'art : ensemble organisé de signes et de matériaux manifestant un idéal de beauté.
Introduction
Au début de son Credo du créateur, Paul Klee affirme que « l'art ne rend pas le visible : il rend visible ».
Il oppose
par cette formule deux conceptions de l'art et de sa fonction.
L'art reproduit-il le visible, l'artiste imite-t-il la nature
pour donner à son oeuvre la plus grande ressemblance possible avec son modèle ? Contempler une oeuvre d'art,
est-ce alors, à travers elle, renouer avec la nature dont elle n'est qu'un reflet ? Mais dans ce cas, pourquoi ne pas
se tourner directement vers la nature en se passant de cet intermédiaire imparfait ? Ou bien au contraire l'art rend-il
visible ? Quel rôle l'art joue-t-il dans notre accès au réel ? En quoi l'art modifie-t-il notre perception du monde ? La
fonction de l'oeuvre d'art est-elle d'éduquer notre regard, de nous apprendre à voir ? L'art rend-il visible l'invisible ?
Est-il une manifestation du sacré ? Ou bien l'art rend-il visible le visible lui-même, nous dévoile-t-il la visibilité du
monde ?
I) L'art est-il une imitation de la réalité...
(Platon)
A/ Si l'artiste est un imitateur, l'art est producteur d'illusions.
(Platon)
Thèse - Dévalorisation de l'art au nom de la vérité.
Cette dévalorisation a pour
fondement la dévalorisation du monde sensible an nom de cette même vérité.
Et
valorisation ontologique du Beau, Idée ou Essence.
La critique platonicienne vise surtout les arts suivants : la poésie, la sculpture, la
peinture.
Dans la « République » (II), Platon n'est pas loin d'exiler de la Cité idéale les poètes
s'ils ne se soumettent pas à la vérité.
Il conteste donc l'autonomie de l'art et la liberté
de l'artiste.
Dans le « Phèdre » (248 d-c) Platon établit une hiérarchie des existences
humaines en fonction de leur degré de perfection c'est à dire de connaissance.
Il
distingue neuf degrés qui vont de la vie philosophique (premier degré) à la vie tyrannique
(dernier degré).
L'artiste imitateur occupe la 6e place, l'artisan et le laboureur la 7c, le
sophiste la 8e.
Pourquoi ? Pourquoi un tel voisinage du sophiste et de l'artiste ? Une telle condamnation
de l'art ?
1)
Parce que l'artiste comme le sophiste possède un savoir-faire qui est un savoir-tromper.
a) Poètes et peintres n'enfantent que des fictions.
Les poètes, Homère, Hésiode, ne sont que « faiseurs de
contes », en outre contes dangereux car ils véhiculent une fausse image des Dieux et des Héros.
Par exemple, les
Dieux sont jaloux, se font la guerre et les pires vilenies.
Or, « la bonté n'appartient-elle pas à ce qui est divinité? »
(Rep.379).
D'autre part, représenter les Dieux à l'image de l'homme, ne pas en faire des modèles de vertu, n'est-ce
pas encourager le mal? Les peintres et sculpteurs, quant à eux, illustrent les fictions inventées par les premier.
et
créditent le mensonge.
b) Pour plaire ces fictions doivent avoir l'apparence du vrai.
Le savoir-faire de l'artiste est donc bien semblable à
celui du sophiste puisqu'il permet de produire l'illusion du vrai, de présenter comme vrai ce qui ne l'est pas et n'en a
que l'apparence en utilisant les séductions du sensible (flatterie, plaisirs des sens ...
).
Par exemple le bon peintre
est celui qui est capable de représenter dans un espace à deux dimensions un objet qui, lui, occupe un espace à
trois dimensions.
Plus l'image produite par le peintre semble vraie, plus elle est en fait infidèle à son modèle tel qu'il
est.
L'exactitude de l'art repose sur la déformation du réel sensible (cf.
les règles de 1a perspective).
2) Parce que l'art n'est qu'imitation.
L'imitation de quoi ? Des apparences sensibles, de la réalité telle qu'elle se manifeste à nous par l'intermédiaire de
nos sens.
C'est dans la juste mesure où le poète ne s'élève pas au dessus des apparences sensibles qu'il représente
les Dieux à l'image des hommes.
L'art conforte les hommes dans leur erreur première : ce qui est, est ce qui
apparaît.
L'art n'est qu'illustration de l'opinion, représentation de la représentation subjective.
3) Parce que l'art n'est qu'imitation d'une imitation, un simulacre.
Dans La « République » (X 597b-598c - cf.
texte), Platon montre que le peintre est « l'auteur d'une production
éloignée de la nature de trois degrés ».
En effet, il y a trois degrés de réalité..
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