Chapitre 6 - Philosophie morale et politique (mars 2023)
Publié le 04/05/2023
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Chapitre 6 - Philosophie morale et politique (mars 2023)
A - La politique
b) L’Etat
INTRODUCTION :
Le terme “État” désigne l’ensemble des institutions légales qui doivent assurer le bon fonctionnement
d’une société.
Il peut se confondre avec le pouvoir personnel d’un homme (le Prince, le Léviathan, le tyran)
ou avec une administration, une bureaucratie anonyme, où plus personne ne détient de pouvoir en nom
propre.
Ambiguïté de l’État : il est à la fois issu de la société, et n’est pas la société.
D’où un débat classique :
lequel doit être au service de l’autre ? Est-ce à l’État de se subordonner aux intérêts de la société, ou l’État
issu de la société acquiert-il son autonomie jusqu’à se subordonner la société, à pouvoir la réorganiser selon
ses besoins ?
Le problème de l’État a beaucoup évolué au fil de l’histoire.
Par exemple “tyrannie” désignait en Grèce
un pouvoir personnel, sans connotation péjorative (il y avait de bons tyrans) ; pour certains, la seule différence
d’avec une démocratie, c’était qu’on y perdait moins de temps en discussions ! Le tyran, pour la philosophie
politique moderne (Hobbes et Machiavel principalement), c’est quelqu’un qui assume une fonction
indispensable : il assume tout le pouvoir dans une société pour empêcher les hommes de se battre.
1 - LA POSITION ANTIQUE DU PROBLÈME DE L’ÉTAT
La grande question des philosophies politiques de l’antiquité consistait à demander quel est le meilleur des
régimes politiques, et à faire en ce sens une sorte de typologie.
A.
la République de PLATON
Lorsqu’on pose à Platon la question : “Qu’est-ce que la justice ? ”, il répond par “un vaste détour”.
La justice
est la même en l’homme (compris comme l’individu) et en la cité.
Mais elle est plus visible dans la cité.
Si l’on
veut savoir ce que c’est que la justice, il faut commencer par construire en imagination une cité modèle,
absolument juste.
C’est à partir de l’idée, du paradigme qu’on pourra comprendre et juger les différents
régimes existants.
Cette cité parfaite a donc, au départ, valeur d’hypothèse : elle permet la recherche.
La question : Quel est le meilleur régime politique possible ? devient donc : Quel est le régime le plus juste ?
1) la naissance de la société :
Il faut commencer par savoir pourquoi les hommes se sont assemblés en sociétés (La République,
livre 2).
Ce ne peut être que le besoin qui les a poussés à se rassembler en une communauté.
Chaque homme,
isolément, ne peut pas produire tout ce dont il a besoin.
Par contre, en s’y mettant à plusieurs, ils peuvent se
partager les tâches.
L’origine de la société est donc l’avantage que présente la division sociale du travail :
chacun, en se spécialisant dans une tâche, pourra devenir spécialiste en la matière et faire profiter tout le
monde de son savoir-faire.
C’est ainsi que les techniques de production peuvent progresser, et c’est aussi
l’origine du luxe.
C’est donc dans la recherche de leur intérêt que les hommes se sont réunis en cités.
Mais c’est aussi
la recherche de leur intérêt qui risque en permanence de faire éclater cette communauté.
En effet, on peut
estimer ne pas trouver son avantage dans la répartition des richesses ou des honneurs, revendiquer, au nom
de son sentiment naturel de justice “une plus grosse part du gâteau”.
Et c’est là l’origine de toutes les crises
qui peuvent secouer une cité.
La politique n’est souvent que l’art de défendre ses intérêts ou ceux d’un groupe.
C’est particulièrement visible dans l’exemple de la tyrannie : le tyran, dans la plupart des cas, se sert du
pouvoir pour satisfaire ses désirs.
Les conséquences sont les suivantes :
a) c’est le problème qu’ont à résoudre toutes les communautés humaines : non pas tant attribuer à chacun
son dû (comment mesurer ce dû ?), mais faire en sorte que chacun estime avoir ce à quoi il a droit, pour éviter
les conflits.
b) c’est ce qui explique la fragilité des choses politiques : dans chaque cité, le pouvoir passe de mains en
mains, et la cité passe par une succession de régimes politiques.
L’origine de la cité est donc le besoin ; mais ce qui risque de la détruire, c’est le désir, l’injustice qu’elle
engendre.
2) la succession des régimes :
Au livre VIII, Platon explique qu’il existe essentiellement quatre types de régimes :
- la timocratie : le régime politique qui met la guerre et l’honneur parmi les plus grandes valeurs de l’homme
- l’oligarchie (ou aristocratie), où seul un petit nombre gouverne, et lorsque le critère est la richesse, on parle
de ploutocratie
- la démocratie, où tous gouvernent
- la tyrannie, où un seul gouverne par la terreur
Quatre régimes distincts qui correspondent à quatre types d’hommes qu’on verra plus loin.
Retenons
surtout que ces quatre régimes se succèdent régulièrement les uns aux autres : par une loi nécessaire, “une
forme de gouvernement se transforme en une autre du fait même de ceux qui y détiennent l’autorité, par
l’apparition d’une division interne.
La cohésion sociale, au contraire, fût-ce dans un pays grand comme un
mouchoir de poche, rend impossible tout changement” (VIII 545).
C’est-à-dire que de toutes les réalités
sensibles, les régimes politiques sont les plus instables, ils fuient constamment, se succédant les uns aux
autres, car chaque régime contient déjà en lui sa contradiction interne qui va le faire disparaître.
Dans le régime timocratique, les individus, naturellement portés à rechercher les honneurs et à
valoriser, par-dessus tout, la valeur au combat, vont progressivement se désinvestir pour ne plus s’adonner
qu’à la recherche de la richesse.
Dorénavant, “l’honneur va à la richesse”.
C’est sa fortune qui va déterminer
si un individu aura accès à une charge politique ou non (système censitaire).
On est passé naturellement de
la timocratie à l’oligarchie.
Dans la cité oligarchique, il y aura deux cités qui se côtoieront sans se mélanger : celle des riches et
celle des pauvres.
Autre caractéristique : une police renforcée pour défendre la fortune des plus riches.
Faiblesse de cet État : il ne peut pas entrer en guerre avec un autre État sans armer les masses miséreuses,
ce à quoi il ne peut se résoudre (il risque de voir les plus pauvres retourner leurs armes contre les
gouvernants).
Incohérence de ce régime : donner le pouvoir sur un critère de fortune, c’est comme donner le
gouvernail au plus riche passager plutôt qu’au pilote expérimenté.
C’est l’opposition des riches et des pauvres qui va mener cet État à sa perte.
Les plus riches vont profiter de
leur situation pour accroître encore plus leur fortune au détriment des plus pauvres, les acculant à la révolte.
C’est le passage de l’oligarchie à la démocratie.
La démocratie ressemble à un “manteau d’arlequin”, un patchwork de pièces disparates aux couleurs
vives.
C’est la forme la plus tentante de régime politique, la plus large aussi, car ses caractéristiques sont que,
d’une part, on y exerce le pouvoir à tour de rôle (parfois désigné par un tirage au sort) de sorte que, à la
longue, personne ne se croit tenu d’obéir à celui qui exerce l’autorité ; d’autre part, c’est le régime qui contient
tous les autres.
Il faut comprendre que c’est le régime qui permet la plus grande divergence d’opinions, qui
autorise la création de groupes d’influence (timocratiques ou oligarchiques) ...
C’est le règne de la dispersion,
où chacun vaque à ses affaires et essaie de servir au mieux ses intérêts particuliers.
De sorte que la
conséquence du régime démocratique sur l’individu, c’est qu’il suscite et entretient en lui toutes sortes de
désirs.
Il est donc normal qu’à terme, il s’élève un individu qui va prétendre vouloir ramener un semblant
d’ordre pour s’emparer du pouvoir, mais afin d’être mieux à même de satisfaire ses propres désirs, au
détriment de ses sujets.
C’est le passage à la tyrannie, un pouvoir “fort” qui profite du désordre démocratique
pour s’imposer.
Et comment se ferait le retour de la tyrannie à la timocratie ? Des hommes courageux vont finir par mettre
un terme au gouvernement autoritaire d’un seul.
La boucle est bouclée.
On voit ainsi que la vie politique est le lieu d’une lutte permanente pour le pouvoir : un régime politique est
nécessairement instable, dans la mesure où il va lui-même causer sa perte.
3) la cité idéale :
A l’inverse, la cité idéale sera une forme stable de régime, réglée comme un automate.
Comment arriver à cette stabilité ? Platon énonce deux conditions essentielles (livres V à VII) :
- comme c’est l’intérêt personnel qui cause la perte d’un régime, il faut supprimer les causes
de l’intéressement.
A savoir : supprimer la propriété privée.
Si plus personne ne possède plus rien en
propre, il n’y aura plus rien pour susciter la convoitise.
Une conséquence extrême de ce principe, c’est
qu’il faudra aussi déclarer la communauté des femmes ! Non qu’elles soient un bien qu’on peut
posséder ou échanger, mais parce que la communauté des femmes va permettre de faire disparaître
la cellule familiale.....
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