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Chacun a-t-il le droit de penser ce qu'il veut ?

Extrait du document

« Introduction Un constat.

Descartes, dans sa Quatrième Méditation, a souligné que nous sommes doués d'une volonté infinie qui nous donne le pouvoir de douter de tout, y compris de refuser la vérité, sans «qu'aucune force nous y contraigne». En ce sens, chacun a bien en effet le pouvoir de penser ce qu'il veut. Le problème.

Cependant, ce pouvoir de penser confère-t-il à chacun le droit de penser ce qu'il veut? Et si le droit de penser était reconnu inaliénable, cela signifierait-il pour autant que chacun ait également le droit d'exprimer ce qu'il peut librement penser ? Mais si ce dernier droit était dénié, si, tout en reconnaissant qu'on ne saurait contraindre un individu à penser autrement qu'il ne pense, on l'empêche de s'exprimer, ou encore de s'informer, le pouvoir même de penser ne serait-il pas limité de fait ? Telles sont toutes les questions qu'il nous faut examiner. 1.

Un droit inaliénable Spinoza observe avec justesse qu' «il ne se peut faire que l'âme d'un homme appartienne entièrement à un autre ; personne en effet ne peut transférer à un autre, ni être contraint d'abandonner son droit naturel ou sa faculté de faire de sa raison un libre usage et de juger de toutes choses» (Traité théologico-politique, XX). Il semble en effet impossible de retirer à quiconque le droit naturel qu'il a de penser ce qu'il veut.

Même un Etat ne peut faire en sorte que ses sujets admettent comme vrai et rejettent comme faux ce que la Puissance souveraine aurait décidé tel : on peut régenter les paroles et les actes, non les esprits.

«Si considérable que soit donc le droit dont une souveraine Puissance dispose en tous domaines, écrit Spinoza, si fermement que lui soit reconnu son rôle d'interprète, et du droit humain et du culte le plus fervent, jamais cependant les sujets ne pourront être empêchés de porter des jugements de tout ordre, à leur grè, ni de ressentir tel ou tel sentiment à titre individuel» (Ibid.). Prétendre retirer à une personne le droit qu'elle a naturellement de penser ce qu'elle veut, en usant, par exemple, de violence, est une entreprise vaine, puisque la personne elle-même, observe Spinoza, le voudrait-elle, ne peut se dessaisir de ce droit. 2.

Du droit de penser au droit de s'exprimer a) Une liberté d'expression nécessaire D'ailleurs, il saurait être dans le véritable intérêt de l'Etat de refuser aux citoyens, s'il était possible, le droit de penser ce qu'ils veulent.

Le but de l'Etat en effet n'est pas « la domination, ni la répression des hommes, ni leur soumission au joug d'un autre» : assurer à chacun la sécurité, voilà son but.

C'est à cette fin que les hommes ont, par un contrat social, décidé de transférer leur droit naturel à la Puissance souverain.

En conséquence la charge de l'Etat, c'est «de veiller au bien commun et de tout diriger selon l'injonction de la Raison» (id., XVI).

Or il est déraisonnable de vouloir empêcher les hommes de penser et d'exercer leur raison. Bien plus, l'Etat, qui ne peut empêcher personne de penser ce qu'il veut, ne doit pas non plus refuser aux citoyens la liberté de dire et d'exprimer ce qu'ils pensent.

Le droit de penser ce qu'on veut doit s'accompagner du droit de s'exprimer librement. b) Les limites de la liberté d'expression Cependant, si, pour reprendre les mots de Spinoza, «les exigences de la vie en société n'interdisent à personne de penser, de juger, et par suite, de s'exprimer spontanément», il serait néanmoins très pernicieux «de leur accorder entièrement» la liberté d'expression, car liberté n'est pas licence.

La loi, en effet, ne peut tolérer que s'exprime une idée qui risquerait de nuire à la liberté d'autrui et de troubler la paix civile.

Par exemple, on n'empêchera jamais, par quelque moyen que ce soit, un citoyen d'avoir des idées racistes : la loi, en revanche, pourra l'empêcher d'exprimer cette opinion publiquement.

Ainsi se trouve-t-on confronté au difficile problème des limites de la liberté d'expression, lequel pose celui de la légitimité du droit. 3.

Le conflit de la loi et du droit d'expression a) Le droit idéal garantit et délimite la liberté d'expression La valeur et l'autorité du droit positif variera en effet selon qu'on considère qu'il existe ou non un droit en soi, un droit idéal et universel, naturel ou divin, qui donne leur légitimité aux différents droits positifs des nations dans la mesure où ils s'accordent avec lui. Si l'on admet un tel droit idéal et si l'on considère qu'il garantit à tous les hommes la liberté d'expression en même temps qu'il fixe ses bornes, il est légitime de s'exprimer, dans les éventuelles limites définies par ce droit, même lorsque les lois positives l'interdisent, puisque le droit idéal est posé comme supérieur à celui des Etats. b) Il n'existe d'autre droit que celui définit par les lois positives Chacun est tenu de respecter le droit En revanche, comme l'ont fait Epicure, Hobbes ou Spinoza, on peut refuser l'existence d'un tel droit idéal et ramener tout le droit au droit positif, en considérant qu'il n'existe aucun droit en dehors de ce droit, fondé sur le contrat social.

Certes, on parle parfois, comme nous l'avons fait plus haut à propos du droit de penser, d'un «droit naturel» ;. »

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