Ce qui est naturel est-il normal ?
Extrait du document
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ANALYSE DU SUJET
L'adjectif «normal» pouvait poser quelques difficultés au candidat.
Quand nous disons d'une chose qu'elle est
«normale» ou que ce qui arrive est «normal», nous tenons un discours justificateur: la chose ou l'événement sont
tels qu'ils doivent être.
«C'est normal» veut dire qu'il n'y a pas lieu d'être surpris ni étonné, encore mois indigné: on
ne pouvait que s'attendre à ce que cela soit ainsi.
La notion de normalité a donc une valeur normative comme le
confirment, dans la langue de tous les jours, de nombreuses expressions («c'est anormal ! », «être anormal »...).
Mais si on veut ramener la notion de «normalité» à sa définition la plus stricte, il faut écarter le jugement de
valeur qu'elle enveloppe et s'en tenir à l'idée d'ordre et de régularité.
Une norme désigne en effet non pas un
commandement, ni une loi, mais une fréquence statistique (les coutumes d'un peuple sont des normes) ou bien un
ensemble de conditions régulières garantissant l'usage optimal d'un objet ou la santé d'un organisme (normes
d'utilisation, normes d'hygiène...).
La normalité correspond alors à un fait, voire à une nécessité.
La notion de norme est étroitement liée à celle de nature.
En sa signification originelle, la nature exprime en effet
l'idée d'un ordre au sein du devenir: la nature a longtemps été associée à la notion de cyclicité, de périodicité, en un
mot à l'éternel retour du Même.
Plus exactement, elle renvoie étymologiquement au domaine de la vie (du latin
nascior, «naître») dans la mesure où les êtres vivants manifestent, de générations en générations, de nombreuses
caractéristiques communes: chaque vie individuelle passe par les mêmes étapes (enfance, maturité, vieillesse) et,
au sein des membres d'une même espèce, on retrouve, au-delà des petites différences individuelles, des grandes
constantes morphologiques, anatomiques et physiologiques.
La nature n'est autre qu'un ordre dans le domaine des
phénomènes spontanés de la vie.
À ce titre, elle se confond avec l'idée de norme, envisagée dans son sens strict
d'ordre et de régularité.
D'ailleurs, les expressions «c'est normal ! » ou «c'est naturel I» sont, dans la langue usuelle,
équivalentes.
Le sujet invite donc à mettre en question le lien étroit que les notions de «norme» et de «nature» ont
originellement noué.
Il s'agissait donc, pour problématiser la question, de se demander à quelles conditions il était
possible de penser la nature sans la confondre avec une normalité.
La nature peut-elle être autre chose qu'une
norme? Peut-il y avoir une anormalité naturelle? Pour cela, il fallait se tourner vers tes phénomènes qui, dans la
sphère de la nature, semblent procéder d'une créativité, d'une puissance d'innovation irréductible à une quelconque
norme.
La nature peut-elle surprendre ou bien, quand on la connaît suffisamment, est-elle toujours conforme à ellemême?
La culture se définit par un certain rapport avec la nature.
C'est tout d'abord celle-ci qui est mise en valeur (dans
le travail de la terre, par exemple : agriculture).
Ce qui pourrait nous conduire à penser que la nature n'a pas de
valeur par elle-même : elle n'acquiert une valeur que par la culture.
La nature se contente d'« être ce qu'elle est.
C'est par la culture qu'elle devient >' une valeur possible, valeur de modèle à suivre, à respecter ou à transformer et
à nier.
La culture est toujours un regard à la fois particulier et collectif posé sur la nature.
Hegel disait ainsi, à
propos de la nature, que l'esprit de la nature est un esprit caché.
Il ne se produit pas sous la forme même de l'esprit
; il est seulement esprit pour l'esprit qui le connaît : il est esprit en lui-même, mais non pour soi-même.
(Logique de
léna.) C'est seulement par la culture que le monde, dans sa totalité, devient signifiant et symbolique.
La « mise en
valeur n'est donc pas seulement à envisager comme une action pratique et technique.
Elle relève encore du
langage, comme signe culturel par excellence (Lévi-Strauss).
Le langage permet le passage du monde au concept.
Cette mise en mots est une manière toujours renouvelée, au sein des différentes cultures, de valoriser les choses et
les êtres.
Mis en valeurs, ils ne se contentent plus seulement d'être, mais signifient quelque chose pour une
conscience.
C'est à partir de cette donation de sens que la nature devient éventuellement un idéal culturel (le
naturisme par exemple, est une mise en valeur culturelle et sociale de la nature).
Lorsqu'on affirme qu'il « faut être naturel », cela signifie qu'il ne faut pas s'embarrasser de précautions dont
personne n'est vraiment dupe : il faut «être soi-même».
Mais d'un autre côté, on se réclame souvent du naturel
pour excuser une conduite contraire aux règles de bienséance : il s'est mis en colère parce que « c'est sa nature ».
Est-ce donc parce qu'on recourt au naturel fréquemment qu'on doit en faire le critère du vrai et du bien? Est-ce
parce qu'il est normal qu'il doit devenir normatif et le cas échéant, à quelles conditions?
1.
Ce qui est naturel est normal
Si on définit le naturel comme ce qui relève de l'instinct, alors il serait mensonger d'affirmer que sa présence en
l'homme est anormale.
Car avant d'être raisonnable, l'homme est un animal, capable de ressentir.
Un certain
refoulement de ses pulsions est bien sûr nécessaire pour vivre en harmonie avec lui-même et avec ses semblables.
Mais, comme l'explique Freud, la négation de notre naturalité peut induire des comportements déviants.
Ainsi, c'est
parce qu'il s'est montré incapable de donner une satisfaction, au moins substitutive, à ses pulsions naturelles, que le
névrosé est passé du côté des malades mentaux, des «anormaux».
e On pourrait alors penser, comme Calliclès, que
le naturel doit devenir normatif et s'exprimer, sous peine de rendre l'individu maladif « le beau et le juste selon la
nature, c'est d'entretenir en soi-même les plus fortes passions au lieu de les réprimer » (Gorgias, Platon).
En règle générale, la loi et la nature se contredisent.
D'un point de vue naturel, le plus grand des maux est de subir
l'injustice et non pas de la commettre.
Pour la loi, il ne faut pas commettre l'injustice.
Les lois sont ainsi établies par
les faibles - et pour eux - en vue de se protéger des débordements de force des plus puissants.
C'est du point de.
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