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Calculer est-ce penser?

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« Ici on vous interroge sur une identité entre penser et calculer.

Calculer, c'est avant tout pratiquer une action arithmétique au moyen de nombres et d'opérateurs.

Mais calculer, c'est aussi estimer un effet probable, se protéger dans un avenir plus ou moins proche pour examiner les conséquences possibles de nos actions.

D'où plusieurs difficultés : peut-on tout ramener à des nombres et à des unités ? faut-il n'agir qu'en vue d'une conséquence définie et déterminée que l'on cherche à provoquer ? Or penser, c'est peut-être se placer et en dehors de l'unité (pour penser ce qui est particulier, singulier et qui ne peut pas se prêter à des opérations mathématiques) et en dehors du seul souci de l'efficacité technique.

Ainsi réduire la pensée au calcul, n'est-ce pas appauvrir la pensée ? Mais en même temps, penser, c'est aussi abstraire, faire intervenir le général, surtout lorsque la raison (de " ratio " qui signifie justement calcul) se sert du langage et des concepts.

Il faut donc voir que le calcul est un mode particulier de la pensée mais qui ne l'épuise pas, car bon nombre de nos pensées ne sont pas calculées.

A vous de montrer lesquelles. [Pythagore disait: «Tout est nombre».

Platon avait écrit au fronton de son académie: «Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre».

Il faut apprendre à calculer pour apprendre à penser.] Toute pensée est une combinaison de notions Ce constat amène Leibniz à dire que si nous pouvions arriver à dresser une table systématique des notions simples et élémentaires, nous pourrions concevoir des procédés de calcul permettant de découvrir toutes les combinaisons possibles.

Une telle méthode de calcul permettrait donc de découvrir toutes les pensées possibles, parce que calculer c'est penser. La pensée est un calcul spontané, le calcul est une pensée méthodique Il faut faire de la pensée un calcul conscient, aussi rigoureux que le calcul mathématique, seul capable de mettre en ordre la pensée.

C'est le projet leibnizien d'une «caractéristique universelle» qui, en recherchant les éléments simples de toutes les pensées, permettrait de rendre lisible dans l'écriture même la rigueur d'un raisonnement. Le calcul sur les signes peut remplacer le raisonnement sur les idées Cette idée de Leibniz n'est pas sans évoquer certains aspects de la méthode structurale, utilisée par des penseurs modernes comme Jacques Lacan, Michel Foucault ou Jacques Derrida.

Elle fait penser aussi au traitement informatique des données, grâce auquel le chercheur contemporain dégage des significations. L'essentiel, dans une démonstration, n'est pas l'évidence de son fondement mais sa cohérence formelle. «Démontrer n'est pas autre chose que résoudre les termes d'une proposition et substituer au terme défini sa définition ou une de ses parties pour dégager une sorte d'équation.» Leibniz, De la liberté (1707). • En définissant la démonstration comme une suite de substitutions, Leibniz met de côté la question du fondement de la démonstration.

Une démonstration n'est pas, pour lui, un discours bien fondé, c'est d'abord une suite de propositions non-contradictoires.

Le fait que les définitions puissent être approfondies à l'infini n'est donc plus un problème pour le caractère démonstratif du discours. • À partir de là, «démontrer» une proposition ne signifie plus «prouver la vérité» de cette proposition, mais montrer qu'elle est cohérente par rapport aux hypothèses sur lesquels elle repose.

L'idée d'une démonstration qui produirait une «vérité absolue» fait place à la construction d'un modèle «hypothético-déductif».

Celui-ci est un mode de raisonnement dans lequel on examine quelles sont les conséquences des hypothèses que l'on se donne.

Par-delà les mathématiques, il peut s'appliquer à toutes sortes d'objets.. »

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