BHAGAVAD-GITA: La mort marque-t-elle le terme de l'existence ?
Extrait du document
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Sans doute la pensée de la mort peut-elle éclairer la question du sens de la vie.
La mort est la fin de la vie car elle en marque le terme,
mais peut-être aussi en un autre sens : en ce que l'existence ne peut se penser qu'en référence à la mort.
Sans être le but de la vie, ni
m ê m e nécessairement s a fin, la mort ne s e laisse pas éluder, pourtant elle est ce qui doit absolument être pris en considération.
Les
religions proposent souvent un au-delà de la mort, une autre vie.
La mort serait un nouveau début.
Est-ce seulement une façon de nier la
mort ? Le souvenir en est-il une autre ? Au-delà des questions de foi, comment comprendre d'où naît ce désir d'immortalité ? Peut-on éviter
les dissensions et les conflits entre les différents types d'explications d e ce qui reste avant tout un mystère ? A moins d e porter une
confiance aveugle à la science, pour qui le corps explique tout.
Pour l'homme l'existence ne peut se réduire au simple cycle biologique : alternance de la vie et de la mort, de la veille et du sommeil, de la
faim et de la réplétion, etc.
Il ne veut pas d'une existence vouée à la répétition ; l'existence ne se résume pas à la vie.
D'où l'importance
fondamentale d e l'action.
C'est par elle en effet q u e l'homme peut laisser u n e trace dans le temps, marquer un repère, faire époque,
engager un avenir différent et imprévisible, initier des processus par lesquels il se met en relation avec l'humanité présente et l'humanité à
venir.
Son souci d'immortalité l'amène parfois à confondre les actes posés, leur valeur et leurs conséquences, avec la simple gloire ou
célébrité, qui ont pour seul but de marquer les esprits.
L'introduction de valeurs morales ou intellectuelles lui permet alors de déterminer les
critères ou fondements de l'existence.
Il semble aller de soi que tout être vivant tende à persévérer dans l'être et soit attaché à la vie.
Mais il est plus difficile d'en assigner les
causes et d'en mesurer les suites.
Cela provient-il d'un attachement instinctif et inconditionnel ? Mais l'on ne comprendrait pas alors le désir
d e mort ; non seulement celle des autres, mais parfois la sienne.
O u bien faut-il considérer la valeur de la vie comme u n e donnée
rationnelle ? Pourrions-nous donc apprendre à mourir ? Ces hésitations témoignent à nouveau d'une tension, qui résulte de notre nature
double : être sensible et être doué de raison.
L'existence, tout comme la mort, est éminemment individuelle.
Mais si nous nous sentons
concerné au plus près par la singularité d e notre être, nous s o m m e s aussi un être social.
Membre d'une société qui elle aussi prétend
persévérer dans son être propre, en nous protégeant de nous-même, prenant le relais lorsque nos propres ressources nous abandonnent.
Elle nous oblige à élargir nos perspectives, au risque de nous aliéner.
Si l'existence est difficile, c'est peut-être parce qu'elle doit sans cesse résister à tout ce qui, en elle, l'éloigne d'elle-même, à une série de
tentations qui la distraient d'elle-même.
C'est autant celles qui veulent l'enfermer dans la réalisation de buts finis et déterminés, que celles
qui lui assignent une finalité externe et transcendante.
Autant les bruyantes revendications de l'originalité à tout prix que les facilités du
conformisme.
Autant les illusions d'une liberté déréglée et aveugle q u e la froide gestion technicienne des déterminismes.
Mais quelque
chose nous pousse à vivre, une pulsion incontrôlée, en dépit des problèmes et de l'absurdité apparente, celle de la mort, inéluctable, ou de
l'absence de sens.
Nous pallions communément cette absurdité en accordant au présent tous les espoirs permis par l'indétermination du
futur.
Par manque d'authenticité nous évitons de regarder en face notre propre existence et nous jouons la comédie tout en y croyant.
Or
l'existence, celle de la vie en général ou la nôtre propre, a-t-elle une raison d'être ? Et à défaut de trouver du sens à tout cela, peut-être
nous faut-il, comme Épicure entre autres l'enseignait, apprendre à vivre en saisissant l'instant présent.
BHAGAVAD-GITA: T'apitoyant sur ceux qui n'ont que faire d e pitié, tu parles le langage d e la Sagesse.
Mais les g e n s doctes ne
s'apitoient ni sur ceux qui sont [déjà] partis, ni sur ceux qui ne le sont pas [encore].
En vérité, jamais ne fut le temps où je n'étais point, ni toi, ni ces chefs de peuples ; et, plus tard, ne viendra pas celui où nous ne serons
pas.
De même que, dans un corps donné, enfance, jeunesse, vieillesse échoient [en succession] à une âme incorporée, de même acquiert-elle
[successivement] d'autres corps.
Le sage ne s'y trompe pas.
Fils de Kuntî, le contact avec les sensibles élémentaires procure les sensations de froid et de chaud, de plaisir et de douleur.
O Bhâratide
prends-le en patience : elles vont, viennent mais ne durent pas.
L'homme ferme qu'elles n'ébranlent pas, ô Taureau parmi les hommes, et qui supporte d'une âme égale douleur et plaisir, c'est un sage
prêt pour l'immortalité.
Le non-être n'accède pas à l'existence, l'être ne cesse pas d'exister.
La démarcation entre ces deux [domaines] est évidente pour ceux qui
ont l'intuition de la réalité.
Or, reconnais pour indestructible tout ce par quoi cet univers est issu.
Ce qui est immuable nul ne saurait en provoquer la destruction.
Ces corps ont une fin ; l'esprit qui s'y incarne est éternel, indestructible, incommensurable.
Voilà ce qu'on proclame.
C'est pourquoi combats,
fils de Bharata.
Celui qui le tient pour capable de tuer, celui qui le croit frappé à mort, aucun des deux ne possède la vraie connaissance : il ne tue pas ; il
n'est pas tué.
Jamais il ne naît ni ne meurt ; il n'a pas été, il ne sera pas à nouveau.
Lui qui est inné, nécessaire, éternel, primordial, on ne le tue pas
quand on tue le corps.
La monade spirituelle qui la reconnaît comme indestructible, nécessaire, innée, ô fils de Prthâ, comment et qui ferait-elle tuer ou tuerait-elle
?
À la façon d'un homme qui a rejeté des vêtements usagés et en prend d'autres, neufs, l'âme incarnée, rejetant son corps usé, voyage dans
d'autres qui sont neufs.
Les armes tranchantes ne la coupent point, le feu ne la brûle pas, l'eau ne la mouille pas, pas plus que le vent ne la dessèche.
Elle ne peut
être ni coupée, ni brûlée, ni mouillée, ni desséchée ; nécessaire, omniprésente, stable, inébranlable, elle est éternelle.
On la dit au-delà des apparences, des concepts et des altérations.
C'est pourquoi, toi qui sais cela, tu ne saurais t'apitoyer sur elle.
Et même si tu la croyais vouée à [re]naître et [re]mourir sans cesse, même alors, ô héros aux grands bras, tu ne saurais t'apitoyer sur elle.
En vérité, pour qui est né, la mort est certaine et certaine la renaissance pour qui est mort ; donc sur un sujet inéluctable, tu ne saurais
t'apitoyer.
Avez-vous compris l'essentiel ?
1 Comment s'exerce la sagesse de qui a compris qu'il était immortel ?
2 Qu'est-ce qui meurt ?
3 Si nous ne mourons pas, doit-on en conclure que le meurtre est un acte indifférent, sans importance, ou même qu'il est autorisé ?
Réponses:
1 - En pratiquant le détachement par rapport à tout ce qui relève du temporel, du sensible, de l'apparence des choses.
2 - Rien de ce qui, à proprement parler, existe.
Ce n'est donc que ce qui n'est pas vraiment qui disparaît et se dissipe.
3 - P a s du tout.
Ce serait d'abord un acte inutile.
Mais il faudrait surtout se demander quelle folie destructrice s'empare de celui qui tue,
quelle maladie peut ainsi le tenir éloigné de la vérité..
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