Berkeley, « Être, c'est être perçu »
Extrait du document
«
Indications générales
George Berkeley (1685-1753), évêque de Cloyne, a proposé une théorie métaphysique provocante et originale appelée
l'« immatérialisme ».
Partant de l'empirisme, Berkeley considère toute notion abstraite comme une illusion: seules
existent les choses singulières; mais celles-ci ne sont connues par nous qu'en tant qu'images reliées à d'autres images.
Citation
«Je dis que la table sur laquelle j'écris existe, c'est-à-dire que je la vois et la touche; et si je n'étais pas dans mon
bureau, je dirais que cette table existe, ce par quoi j'entendrais que, si j'étais dans mon bureau je pourrais la
percevoir; ou bien que quelque autre esprit la perçoit actuellement.
[ ..] L'esse (être) de ces choses-là, c'est leur
percipi (être perçu); et il n'est pas possible qu'elles aient une existence quelconque en dehors des esprits ou des
choses pensantes qui les perçoivent».
(Les Principes de la connaissance humaine, 1710, § 3.)
Explication
Quoique d'apparence paradoxale, l'idée de Berkeley est d'après lui, une simple question de bon sens: notre rapport aux
choses est toujours un rapport de représentation.
Dire qu'une chose existe, c'est dire qu'on la perçoit, ou que l'on
pourrait la percevoir.
Berkeley : « Etre, c’est être perçu »
Cette formule de Berkeley peut sembler surprenante puisqu’elle consiste à n’accorder de réalité qu’à ce que nous
percevons.
Dire « Etre c’est être perçu », c’est affirmer que rien n’existe en dehors de l’esprit, que toute réalité est un
esprit qui perçoit.
Nous avons commencé par noter que la perception est cette activité de l’esprit qui rassemble, qui
collecte, or c’est justement la raison pour laquelle Berkeley ne va accorder de réalité qu’à ce qui est perçu.
En effet, il
est impossible de séparer, d’isoler une idée des sensations que nous éprouvons.
Par exemple, on ne peut pas parvenir à
se représenter l’étendue (ce qu'on se représente étendu dans l'espace) dépourvue de couleur, de même nous ne
pouvons pas nous représenter la matière indépendamment d’une certaine forme, d’une certaine étendue, d’une certaine
figure.
Tous les éléments qui composent notre univers, que l’on pense à la couleur, la saveur, l’étendue, le
mouvement…n’ont aucune existence en dehors de la perception que nous en avons.
L’étendue n’est ni grande ni
petite, le mouvement n’est ni lent, ni rapide, ils ne sont donc rien ; de même je ne puis former l’idée d’un corps étendu
qui est en mouvement sans lui donner aussi une couleur.
Quand nous pensons que la matière ou l’étendue existent
seules, nous nous laissons abuser par les mots, par le langage.
Berkeley va répondre à un problème (le problème de
Molyneux), qui a suscité de nombreux débats, et qui consistait à se demander si un aveugle né, recouvrant subitement
la vue, pourrait discerner visuellement le cube et la sphère qu’il sait déjà discerner par le toucher.
Or, ceci serait
possible si notre perception nous livrait l’étendue géométrique abstraite, mais une description des processus de la
vision montre qu’il n’en est rien, car nous éprouvons à tout instant l’incommunicabilité des idées visuelles et des idées
tactiles.
L’illusion selon laquelle il y aurait une idée commune à la vue et au toucher, une idée abstraite d’étendue vient
de l’emploi de mots.
Le langage nous fait croire, à tort, à l’existence d’entités abstraites, mais il n’y a pas de réalité en
dehors de la perception.
Mais alors, si la matière comme substrat, comme réalité indépendante, est une pure illusion,
qu’est-ce qui fait que les objets qui tombent sous nos sens demeurent là, même quand nous fermons les yeux, même
quand nous ne sommes plus là ? Berkeley va alors faire appel à l’existence de Dieu, c’est-à-dire un esprit qui soutient
le tout, et qui permet de penser l’unité du monde.
Exemple d'utilisation
Le texte de Berkeley est exemplaire pour toute réflexion sur les rapports entre la conscience et le réel.
C'est le
problème de la distance infranchissable entre les deux qu'il cherche précisément à résoudre.
En effet, si l'on pose,
comme Descartes, que le corps et l'esprit sont deux réalités distinctes, on a ensuite beaucoup de mal à résoudre la
question de la possibilité de la connaissance.
Car comment l'esprit peut-il franchir la distance qui le sépare du corps?
Une telle difficulté favorise le scepticisme.
D'où l'idée de Berkeley que «la matière» n'existe pas: c'est une abstraction,
un simple mot qui nous fait croire qu'il est le signe de quelque chose de réel, d'une substance matérielle; alors qu'en
fait, il n'y a pas de substance matérielle: il n'y a que des perceptions.
L'esprit n'a donc pas de distance à franchir pour
connaître le monde, puisqu'ils sont de même nature.
SUJET TYPE: La perception permet-elle la connaissance?
Contresens à ne pas commettre
Lorsque Berkeley dit que la matière n'existe pas, il ne dit pas que tout n'est qu'illusion.
Au contraire, c'est pour
combattre le scepticisme et l'incrédulité religieuse des matérialistes que Berkeley écrit.
Ce n'est pas parce que les
choses sont des idées qu'elles ne sont pas réelles.
On peut très bien distinguer, en particulier, les perceptions qui sont
reliées entre elles de façon régulière, en produisant une correspondance entre la vue et le toucher, et les perceptions
déréglées qui sont celles de l'imagination et du rêve..
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