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Bergson: Nautre et société, l'élan vital

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« Nos sentiments et nos pensées se succèdent, poussés les uns par les autres ; ils se compénètrent, et composent la vie psychologique.

Pour en préciser les contours, Bergson forge la notion de durée.

La durée est mouvement ; mais qu'estce qui fait qu'elle se meut ? Qu'est-ce que cela qui, se mouvant au fond de moi, s'épanouit en pensée ; qui, me poussant et me retenant alternativement, éclate en désir ? Cette force, Bergson l'appelle élan vital.

C'est élargir la recherche : l'élan vital meut la fourmi comme l'homme, et son énergie créatrice déborde en l'infinité des espèces qui se succèdent ou coexistent ; c'est sur lui que reposent les sociétés humaines.

L'histoire enfin n'est-elle pas le cours des progrès de ce seul et même élan vital ? 1.

L'individu vivant A.

Élan vital et science de la vie L'intelligence cherche à se retourner sur l'élan qui l'a créée pour le comprendre ; elle ne peut pour cela que le réduire indûment à du prévisible et du déjà connu : elle mécanise la vie.

Mais c'est au-delà de l'intelligence, dans une métaphysique de l'intuition, que la vie, qui est mouvement, se laisse connaître. L'intelligence distingue des corps dans la matière inerte.

La nature elle-même tend à isoler la vie en systèmes distincts : les individus vivants, composés de parties hétérogènes et animés de fonctions diverses.

Le système naturel n'est jamais totalement clos : l'individu est lié à l'univers pour subsister, agir et se reproduire.

Le vivant ne peut que tendre à l'individualité, sans jamais l'atteindre : il doit se reproduire, c'est-à-dire se diviser en deux.

Le vivant est plus animé de tendances mouvantes que composé d'états stables. Chaque individu est la concrétion de l'élan vital, cette unique force créatrice, riche et imprévisible, qui se divise dans sa poussée ; chaque espèce est le résultat d'une direction qui s'est solidifiée dans un échec.

En effet, le pouvoir créateur perd sa créativité dans la routine de l'instinct ; l'élan vital n'a de succès que dans la création d'un être créateur.

Au bout de ce progrès par tentatives qu'est l'histoire de la vie, se tient donc l'homme. B.

Les problèmes d'une science de la vie Le mécanisme (cf.

fiche 48) est inapte à saisir la vie, parce qu'elle est imprévisibilité.

Pour lui, tout étant donné au début, ce qui en résulte est nécessaire.

Le finalisme n'est qu'un mécanisme inversé : tout serait donné dans un projet de la nature, qu'elle s'applique à réaliser comme une fin à atteindre.

Bergson renvoie donc dos à dos mécanisme et finalisme comme le résultat de la compréhension de la vie par l'intelligence, qui en est pourtant le produit. Comment rendre compte de l'évolution de la vie ? Ce n'est pas l'adaptation, c'est-à-dire le pur mécanisme d'influence de milieux extérieurs différents, qui distingue les espèces, mais la poussée interne d'une force vitale : l'obstacle ne crée pas la force de le surmonter, c'est au contraire cette force qui crée de quoi surmonter l'obstacle ; sa solution est toujours imprévisible et multiple. Ce qui fait la parenté des espèces, c'est l'élan vital ; ce qui fait leur différence, c'est la multiplicité des façons de passer un même obstacle : la matière brute, récalcitrante et sans vie.

L'histoire des espèces d'êtres vivants est celle de la lutte de l'élan vital pour se couler dans la matière qui lui résiste. L'élan vital, parce qu'il est créateur, n'est pas un principe unique, monobloc, et par conséquent invariable ; il est un, mais comprend en lui la multiplicité confuse de tendances indifférenciées.

Toutes les espèces ont en commun ce fonds de tendances ; chacune se particularise moins par la possession exclusive de certains caractères que par l'accent qu'elle y porte.

Ainsi, l'homme n'est pas dépourvu d'instinct, la fourmi n'est pas dépourvue d'intelligence ; mais ce qui prédomine chez le premier, c'est l'intelligence, et chez la seconde, c'est l'instinct. C.

Torpeur, instinct, intelligence L'élan vital comporte trois tendances générales qui s'opposent et coexistent en chaque espèce : l'élan vital a mis l'accent sur la torpeur pour faire les plantes, sur l'instinct et l'intelligence pour faire les animaux et l'homme.

Aucune n'est plus évoluée que les autres ; elles diffèrent en nature, non pas en degré ; la réflexion les distingue, la réalité les mêle. Invention et fabrication d'instruments caractérisent l'intelligence ; l'utilisation instrumentale du corps caractérise l'instinct.

L'intelligence, plus consciente, est donc toujours créative, l'instinct, plus inconscient, invariable ; elle est la faculté de rapporter les choses les unes aux autres, il est la faculté de connaître quelques-unes d'entre elles.

C'est dire que l'intelligence est la faculté des relations, l'instinct, celle des éléments : l'intelligence connaît par mise en relation, c'est-à-dire médiatement, l'instinct, par fusion, c'est-à-dire immédiatement.

C'est l'intelligence qui fait le lien entre silex et étincelle : par elle, nous nous servons du feu ; c'est l'instinct qui nous fait savoir l'usage de nos mains ; par lui, nous les maîtrisons.

Intelligence et instinct sont les deux principes des sociétés animales et humaines.. »

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