Bergson: Intelligence et finalité vitale
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Spiritualiste non dogmatique, Bergson, dans l'Evolution créatrice, tente d'expliquer la signification de la vie.
1.
Vie et esprit
Bergson admet que la vie n'est pas, dans son essence, étrangère à l'esprit (ou Dieu), mais qu'elle n'est au fond rien
d'autre qu'une sorte d'élan de l'esprit à travers la matière : l'élan vital.
L'Esprit originel n'a pu se concrétiser qu'en se
« dilatant», en quelque sorte, dans l'espace, en affrontant la matière qu'il laisse, comme un dépôt, le long de sa
course.
A travers le développement des espèces vivantes et l'emprise croissante de celles-ci sur la matière, l'Esprit
poursuit, sous forme d' « élan », une sorte de remontée vers lui-même, après avoir sur le plan de la vie, abouti à
l'homme, terme ultime de l'évolution.
Cette perspective métaphysique (animée d'ailleurs par une sorte de lyrisme
presque mystique, évoque — assez lointainement — un hégélianisme qui serait non dialectique et où la vie
remplacerait l'Histoire (BERGSON a subi l'influence de SCHELLING, célèbre philosophe post-kantiene, beaucoup plus
que celle de HEGEL).
On retrouvera, dès lors, aisément l'intelligence comme un des aspects et des sentiments de l'évolution vitale puisque
la vie elle-même est de la nature de l'Esprit dont l'intelligence est un aspect (mais non le seul ni peut-être le plus
important).
2.
Les deux directions de l'élan vital : l'instinct et l'intelligence.
L'élan vital, comme énergie spirituelle lancée à travers la matière a divergé en deux rameaux « phylétiques» (c'està-dire concernant les espèces vivantes).
Ainsi se sont développées « deux formes de progrès du système nerveux
sensori-moteur », qui ont donné naissance à « deux méthodes différentes d'action sur la matière inerte».
L'un de
ces rameaux aboutit, avec les insectes, à la perfection de la méthode de l'instinct qui est « une faculté d'utiliser et
même de construire des instruments organisés » (le corps, les membres de l'animal) ; l'autre aboutit, avec l'Homme,
à l'Intelligence, qui, sous la forme achevée « est la faculté de fabriquer et d'employer des instruments inorganisés ».
L'instinct (que BERGSON oppose d'ailleurs sans doute trop strictement à l'intelligence, en s'appuyant surtout sur les
travaux de T.-H.
FABRE) est une connaissance intime de la vie, mais, étroitement spécialisée, dépourvue de
conscience, non susceptible de progrès, de perfectibilité.
L'intelligence, elle, est un instrument bon en toute
rencontre, susceptible d'un essor indéfini, vouée à l'utilisation de la matière, à la connaissance du monde solide et
géométrique, mais vouée par là même à une méconnaissance profonde de la vie.
L'instinct permettait un succès immédiat mais limité.
L'intelligence, moins bien adaptée à la vie, comportait des
risques d'échec, mais, en cas de succès, la possibilité d'un progrès illimité.
Remarques critiques.
BERGSON redonne à l'intelligence une signification que le matérialisme laisse perdre.
Mais cela ne va pas sans poser
des problèmes : outre qu'il s'agit d'une « métaphysique de la vie » avec tout ce que ce genre de spéculation peut
comporter d'arbitraire et de« roman métaphysique», il peut sembler que Bergson minimise quelque peu le sens de
l'intelligence, lorsqu'il en fait une faculté toujours subordonnée à l'utilitaire (aptitude à construire des outils), et qui,
lorsqu'elle cherche à connaître, manque toujours la réalité concrète.
Il n'est pas sûr que « l'intuition » qu'il lui oppose
puisse avoir la moindre valeur en dehors des aspects intellectuels qu'elle est susceptible de comporter et dont
l'analyse intellectuelle doit être l'explicitation.
Au fond, le bergsonisme ne rend compte de l'intelligence qu'en la
subordonnant à la vie et à cette mystérieuse réalité d'où vient la vie et qui est l'Esprit : les métaphysiques de la vie
sont presque inévitablement hostiles à l'intelligence qu'elles tendent à reléguer..
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