Bergson: généralités et symboles
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«
PRESENTATION DE "ESSAI SUR LES DONNEES IMMEDIATES DE LA CONSCIENCE" DE BERGSON
Cet essai est la thèse de doctorat de Bergson (1859-1941), élève de l'École normale supérieure puis
professeur de philosophie.
Il y défend, contre le scientisme et le positivisme, courants de pensée dominants
au XIXe siècle, la possibilité et la prééminence d'une intuition métaphysique de la durée et de la liberté.
Il y
montre que la science expérimentale confond la durée, qui est la dimension propre de la conscience, avec
l'espace, qui est la dimension dans laquelle se déroulent les phénomènes physiques.
Le besoin de séparer et
de distinguer les phénomènes les uns des autres pour la commodité de la vie sociale conduit les hommes à
ignorer leur vie psychique profonde et personnelle au profit d'une représentation simplifiée et impersonnelle
de leur expérience, transmise par le langage et la société.
Nous nous mouvons parmi des généralités et des symboles...
Henri Bergson (1859-1941) a mené la carrière d'un grand universitaire
français : agrégé de philosophie en 1881, il enseigne dans divers lycées
(en particulier Louis-le-Grand et Henri-IV à Paris) puis à l'École normale
supérieure, enfin au Collège de France.
Il entre à l'Académie française en
1914 et reçoit le prix Nobel de littérature en 1927.
Le réel est une « croissance perpétuelle », « une création qui se poursuit
sans fin », un jaillissement ininterrompu de formes nouvelles.
La
conscience est un flux d'éléments qui fusionnent les uns avec les autres.
Or, cette réalité absolue nous échappe.
Pourquoi ? Parce que « nous
nous exprimons nécessairement par des mots et nous pensons le plus
souvent dans l'espace » (Essai sur les données immédiates de la
conscience, 1888).
Espace et langage, cela signifie le passage du
continu au discontinu.
Dans ce passage, nous n'avons plus affaire, en fin
de compte, qu'à une multiplicité d'éléments extérieurs les uns aux autres
et susceptibles de réagir mécaniquement les uns sur les autres.
Au
souple, au continuellement changeant, au vivant se substituent le raide,
le tout fait, le mécanique.
Le résultat, c'est, comme Bergson le souligne
dans Le Rire (1900), que nous vivons « extérieurement aux choses,
extérieurement aussi à nous-même », en d'autres termes : « Nous nous
mouvons parmi des généralités et des symboles, comme en un champ
clos où notre force se mesure utilement avec d'autres forces.
»
Les hommes sont tout d'abord tournés vers l'action.
Ce qui importe, pour eux, c'est la transformation du
monde en vue de subvenir à leurs besoins.
Ils regardent et ils croient voir, ils écoutent et ils croient
entendre, ils s'étudient et ils croient se connaître.
Mais ce qu'ils voient et entendent du monde extérieur,
c'est simplement ce que leurs sens en extraient pour éclairer leur conduite.
Ce qu'ils connaissent d'euxmêmes, c'est simplement « ce qui affleure à la surface, ce qui prend part à l'action ».
Autrement dit, nous
appréhendons les choses et notre vie intérieure « dans le rapport qu'elles ont à nos besoins ».
Que voyons-nous généralement des choses, sinon quelques traits qui facilitent leur reconnaissance pratique
? Les choses n'ont-elles pas été classées en fonction du parti que nous pouvons en tirer ? N'est-ce pas
cette classification que nous apercevons, beaucoup plus que leur individualité ?
« Nous faisons une différence entre la chèvre et le mouton; mais distinguons-nous une chèvre d'une chèvre,
un mouton d'un mouton ? L'individualité des choses et des êtres nous échappe toutes les fois qu'il ne nous
est pas matériellement utile de les apercevoir.
»
Cette tendance issue des besoins à ne pas voir les choses dans leur singularité, dans leur originalité de
formes et de couleurs, est renforcée par le langage.
Ce dernier, qui a pour fonction pratique d'assurer une
communication entre les hommes, a un caractère général : « Les mots (à l'exception des noms propres)
désignent tous des genres.
Le mot qui ne note de la chose que sa fonction la plus commune et son aspect
banal, s'insinue entre elle et nous.
»
Le langage banalise donc la réalité extérieure, car les mots ne retiennent des choses que ce qu'elles ont de
commun avec bien d'autres appartenant à la même catégorie.
Ce dont j'ai connaissance dans le langage, ce
n'est pas cette rose qui est dans mon jardin mais la rose en général, qui n'est ni ma fleur ni aucune fleur
existante, mais une idée de la rose, le sens du mot rose.
Ainsi le mot « rose » confond toutes les roses
ensemble et ne retient de celles-ci que ce qu'elles ont en commun, donc ce qui est le plus banal.
Ce ne sont pas seulement les choses extérieures, ce sont aussi nos sensations, nos sentiments qui « se
dérobent à nous dans ce qu'ils ont d'intime, de personnel, d'originalement vécu » :
« Quand nous éprouvons de l'amour ou de la haine, quand nous nous sentons joyeux ou tristes, est-ce bien
notre sentiment lui-même qui arrive à notre conscience avec les mille nuances fugitives et les mille
résonances profondes qui en font quelque chose d'absolument nôtre ? »
En transformant nos états d'âme en abstractions, le langage concentre notre attention sur ce qu'ils ont de
commun avec bien d'autres états du même genre.
Il nous fait perdre de vue leur originalité :
« Le mot brutal, qui emmagasine ce qu'il y a de stable, de commun et par conséquent d'impersonnel dans les
impressions de l'humanité, écrase ou tout au moins recouvre les impressions délicates et fugitives de notre
conscience individuelle.
»
Non seulement le langage banalise, objective, impersonnalise la réalité (qu'il s'agisse de la réalité extérieure
ou de notre vie intérieure), mais encore il découpe, spatialise, fige celle-ci.
Qu'est-ce que le langage, en.
»
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