Bergson et l'intelligence
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Notre intelligence, telle que l'évolution de la vie l'a modelée, a pour fonction
essentielle d'éclairer notre conduite, de préparer notre action sur les
choses, de prévoir, pour une situation donnée, les événements favorables
ou défavorables qui pourront s'ensuivre.
Elle isole donc instinctivement, dans une situation, ce qui ressemble au déjà
connu : elle cherche le même, afin de pouvoir appliquer son principe que "le
même produit le même".
En cela consiste la prévision de l'avenir par le sens
commun.
La science porte cette opération au plus haut degré possible d'exactitude et
de précision, mais elle n'en altère pas le caractère essentiel.
Comme la
connaissance usuelle, la science ne retient des choses que l'aspect
"répétition".
Si le tout est original, elle s'arrange pour l'analyser en éléments ou en
aspects qui soient "à peu près" la reproduction du passé.
Elle ne peut opérer que sur ce qui est censé se répéter, c'est-à-dire sur ce
qui est soustrait, par hypothèse, à l'action de la durée.
Ce qu'il y a
d'irréductible et d'irréversible dans les moments successifs d'une histoire lui
échappe.
Il faut, pour se représenter cette irréductibilité et cette irréversibilité,
rompre avec des habitudes scientifiques qui répondent aux exigences
fondamentales de la pensée, faire violence à l'esprit, remonter la pente
naturelle de l'intelligence.
Mais là est précisément le rôle de la philosophie.
H.
BERGSON.
I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ?
Ce texte de Bergson proposé au candidat se situe dans une réflexion sur le statut de la science.
Il a pour thème de dégager avec précision les raisons qui font de ce statut un statut relatif.
Son problème est le suivant : qu'est- ce qui, dans la nature du réel , est insaisissable pour la démarche scientifique, et
quelles restrictions ou limites en résulte-t-il quant à la nature de cette connaissance ?
La thèse qui répond à ce problème affirme le caractère "original", et donc unique, de toute donnée réelle soumise à
"l'action de la durée ".
La science, issue de notre intelligence, n'atteint que la surface, ou ce qui est toujours "le même" , dans le réel.
L'enjeu du texte est de cerner le sens qu'il faut donner à la relativité de la science : vraie dans son ordre, elle appelle
cependant nécessairement, comme son complément, la philosophie, seule apte à dépasser les fonctions limitées de
l'intelligence pour atteindre la durée profonde du réel.
II - UNE DEMARCHE POSSIBLE.
A - LES MOMENTS DU TEXTE.
Le texte procède selon trois moments :
Dans le premier, Bergson définit le fonctionnement général de l'intelligence.
Celle-ci "isole", c'est-à-dire prélève, dans le
réel, "le même".
Ce fonctionnement répond à une finalité humaine pragmatique : "l'action sur les choses".
Dans le deuxième moment du texte, la science est définie comme un simple prolongement, seulement plus élaboré, de
la "connaissance usuelle" que nous avons quotidiennement du monde grâce à notre intelligence.
Dans un dernier moment, le "rôle de la philosophie" est défini : échapper à la vision limitative de notre intelligence, afin
d'atteindre la profondeur du réel, la singularité irréductible que lui confère sa durée.
Ce renversement ne va pas sans une violence exercée à l'esprit..
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