Bergson et le langage
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«
Thème 3939
Bergson et le langage
« Or, quelle est la fonction primitive du langage ? C'est d'établir une communication
en vue d'une coopération.
Le langage transmet des ordres ou des avertissements.
Il prescrit ou il décrit.
Dans le premier cas, c'est l'appel à l'action immédiate ; dans
le second, c'est le signalement de la chose ou de quelqu'une de ses propriétés, en
vue de l'action future.
Mais, dans un cas comme dans l'autre, la fonction est
industrielle, commerciale, militaire, toujours sociale.
Les choses que le langage
décrit ont été découpées dans le réel par la perception humaine en vue du travail
humain.
Les propriétés qu'il signale sont les appels de la chose à une activité
humaine.
Le mot sera donc le même, comme nous le disions, quand la démarche
suggérée sera la même, et notre esprit attribuera à des choses diverses la même
propriété, se les représentera de la même manière, les groupera enfin sous la même
idée, partout où la suggestion du même parti à tirer, de la même action à faire,
suscitera le même mot.
» BERGSON
Introduction
La philosophie considère souvent que le langage a pour fonction première
d'enseigner, autrement dit de transmettre une connaissance vraie.
Ainsi Platon,
dans le Cratyle, affirme-t-il par la voix de Socrate que « c'est pour instruire que
sont faits les noms ».
Contredisant cette thèse, Bergson montre que le langage est essentiellement lié à l'action et au travail humains, ceci à
double titre : il est un instrument d'incitation à l'action ; il a pour origine l'action elle-même et ses exigences.
Ces
thèses sur la fonction et la formation du langage permettent à Bergson de déterminer l'origine des idées générales.
Mais comment se définissent les liens du langage et de l'action ? Pourquoi la connaissance de ces liens permet-elle de
résoudre le problème des idées générales ? Telles sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre dans une
étude détaillée du texte de Bergson.
1.
Première thèse : le langage comme instrument d'action
Dans un premier moment du texte (I.
1-6), Bergson pose sa première thèse : le langage est essentiellement un
instrument d'action.
Cette thèse contredit, entre autres, l'idée selon laquelle le langage aurait pour fin première
d'enseigner.
A.
Le langage incite à l'action
La première question posée par l'auteur renseigne sur son projet : il veut connaître la « fonction primitive » du langage.
Le terme de « fonction » renvoie à l'idée d'une finalité, d'une utilité pour quelque chose.
Il s'agit donc de dire à quoi le
langage est utile.
Mais pourquoi cette fonction est-elle dite « primitive » ? Sans doute parce que Bergson cherche à
définir l'utilité première du langage, aux deux sens du mot « première » : l'utilité à la fois principale et la plus ancienne.
Quelle est cette utilité ? « C'est d'établir une communication en vue d'une coopération ».
En d'autres termes, le
langage transmet bien des informations ; il communique.
Mais il n'existe pas seulement pour transmettre ces
informations : il vise aussi et avant tout à instaurer une « coopération ».
Il a donc pour but de faire agir les hommes
au sein d'une société (nous reviendrons sur ce caractère social du langage dans la deuxième partie).
Le langage incite
à l'action ; il prescrit des actions à faire.
La fonction informative du langage (donner des informations) existe bel et
bien, mais passe ainsi au second plan derrière sa fonction prescriptive (donner des ordres et faire agir).
Un problème dont Bergson est bien conscient se pose cependant : cette définition du langage n'est-elle pas réductrice
? N'en fait-elle pas un simple donneur d'ordre, au détriment d'une fonction plus noble qui serait l'enseignement ?
B.
Les deux opérations du langage
Bergson répond implicitement à cette objection.
Pour ce faire, il distingue deux opérations du langage : transmettre
des ordres et prescrire d'un côté, donner des avertissements et décrire de l'autre.
Quelle différence distingue ces deux
opérations ?
Dans le premier cas (prescrire), le langage donne un ordre et fait agir immédiatement.
L'ordre donné, de même que la
cause engendre l'effet, doit engendrer sur le champ l'action à accomplir.
L'auteur dit ainsi de la prescription : « c'est
l'appel à l'action immédiate ».
Dans le second cas (décrire), le langage semble ne donner qu'une information : il signale, dit Bergson, « la chose ou
quelqu'une de ses propriétés ».
On voit mal comment cette seconde opération pourrait être assimilée à un ordre et
susciter une action.
Dès lors, il est fort possible que le langage retrouve sa fonction traditionnelle : enseigner.
Mais précisément, le propos de l'auteur est de montrer que la seconde opération est réductible à la première ; en
d'autres termes, que l'information n'est qu'une forme particulière de la prescription, de l'ordre donné.
Pourquoi ? La
raison est simple : l'information est un ordre à retardement.
De toutes façons, on décrit pour faire agir ; mais la.
»
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