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Bergson et le langage

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Si […] les fourmis, par exemple, ont un langage, les signes qui composent ce langage doivent être en nombre bien déterminé, et chacun d’eux rester invariablement attaché, une fois l’espèce constituée, à un certain objet ou à une certaine opération. Le signe est adhérent à la chose signifiée. Au contraire, dans une société humaine, la fabrication et l’action sont de forme variable, et, de plus, chaque individu doit apprendre son rôle, n’y étant pas prédestiné par sa structure. Il faut donc un langage qui permette, à tout instant, de passer de ce qu’on sait à ce qu’on ignore. Il faut un langage dont les signes - qui ne peuvent pas être en nombre infini - soient extensibles à une infinité de choses. Cette tendance du signe à se transporter d’un objet à un autre est caractéristique du langage humain. On l’observe chez le petit enfant, du jour où il commence à parler. Tout de suite, et naturellement, il étend le sens des mots qu’il apprend, profitant du rapprochement le plus accidentel ou de la plus lointaine analogie pour détacher et transporter ailleurs le signe qu’on avait attaché devant lui à un objet. " N’importe quoi peut désigner n’importe quoi ", tel est le principe latent du langage enfantin. On a eu tort de confondre cette tendance avec la faculté de généraliser. Les animaux eux-mêmes généralisent, et d’ailleurs un signe, fût-il instinctif, représente toujours, plus ou moins, un genre. Ce qui caractérise les signes du langage humain, ce n’est pas tant leur généralité que leur mobilité. Le signe instinctif est un signe adhérent, le signe intelligent est un signe mobile.

« Si […] les fourmis, par exemple, ont un langage, les signes qui composent ce langage doivent être en nombre bien déterminé, et chacun d’eux rester invariablement attaché, une fois l’espèce constituée, à un certain objet ou à une certaine opération.

Le signe est adhérent à la chose signifiée.

Au contraire, dans une société humaine, la fabrication et l’action sont de forme variable, et, de plus, chaque individu doit apprendre son rôle, n’y étant pas prédestiné par sa structure.

Il faut donc un langage qui permette, à tout instant, de passer de ce qu’on sait à ce qu’on ignore.

Il faut un langage dont les signes - qui ne peuvent pas être en nombre infini - soient extensibles à une infinité de choses.

Cette tendance du signe à se transporter d’un objet à un autre est caractéristique du langage humain.

On l’observe chez le petit enfant, du jour où il commence à parler.

Tout de suite, et naturellement, il étend le sens des mots qu’il apprend, profitant du rapprochement le plus accidentel ou de la plus lointaine analogie pour détacher et transporter ailleurs le signe qu’on avait attaché devant lui à un objet.

" N’importe quoi peut désigner n’importe quoi ", tel est le principe latent du langage enfantin. On a eu tort de confondre cette tendance avec la faculté de généraliser.

Les animaux eux-mêmes généralisent, et d’ailleurs un signe, fût-il instinctif, représente toujours, plus ou moins, un genre.

Ce qui caractérise les signes du langage humain, ce n’est pas tant leur généralité que leur mobilité.

Le signe instinctif est un signe adhérent, le signe intelligent est un signe mobile. BERGSON I - LA THESE DU TEXTE Elle est explicitement formulée dans les dernières lignes de cet extrait. Contrairement à ce que l'on considère habituellement comme la spécificité du langage humain, à savoir la faculté à généraliser, conceptualiser, Bergson affirme que ce qui oppose le langage humain au langage animal, c'est davantage la mobilité du signe, mobilité qui appartient exclusivement au signe du langage humain. Il oppose ainsi signe "adhérent" à signe "mobile".

Si le texte aborde le langage animal, c'est pour exposer la spécificité du langage humain, qui est l'objet véritable de ce texte. II - ETUDE ORDONNEE DU TEXTE A - Bergson analyse, dans un premier temps, les caractéristiques du langage animal : Les signes qui le composent sont en nombre bien déterminé. C'est en effet une des spécificités du langage animal que d'être constitué d'éléments simples en nombre limité.

C'est la première des caractéristiques de ce langage, qui l'oppose au langage humain infiniment riche, susceptible à chaque instant de s'enrichir de termes nouveaux. Mais c'est davantage la seconde partie de la phrase qui est importante, lorsque Bergson affirme que ce signe est "invariablement attaché (…) à un certain objet ou à une certaine opération". En effet, l'invariance constitue le propre du langage animal, que l'on pourrait décrire comme "sans surprise". Un animal n'invente pas de signes nouveaux, il utilise les signes existants, d'une manière propre à l'espèce : il n'y a pas invention. Surtout, ces signes restent attachés à un certain objet, en ce sens, ils sont "adhérent[s] à la chose signifiée".

Ainsi, telle "danse en huit" de l'abeille signifie la présence et le lieu du pollen, elle ne peut signifier autre chose.

En ce sens l'abeille n'a aucune "liberté" dans l'utilisation du signe, ce n'est pas le signe lui-même qui est invariant mais l'utilisation du signe, sa portée, son extension.

Un signe désigne une chose, jamais une autre.

On ne peut le dissocier ni de sa signification, ni de la signification de son usage. Le signe est enfermé dans la chose, il est la chose et ne peut être autre chose.

Une abeille ne peut décider d'utiliser cette danse pour lui faire dire "autre chose que ce qu'elle dit".

Le signe animal n'est donc pas "extensible", il ne peut se transporter d'un objet à un autre. Ainsi, lorsque des chercheurs travaillent avec des chimpanzés (Sarah, Washoe…).

Il est possible de leur faire acquérir des concepts comme "boutons", mais ce concept, s'il est enseigné comme désignant la clenche d'une porte ou un. »

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