Bergson et l'art
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A quoi vise l'art, sinon, à nous montrer, dans la nature et dans l'esprit, hors
de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens
et notre conscience ? Le poète et le romancier qui expriment un état d'âme
ne le créent certes pas de toutes pièces ; ils ne seraient pas compris de
nous si nous n'observions pas en nous, jusqu'à un certain point, ce qu'ils
nous disent d'autrui.
Au fur et à mesure qu'ils nous parlent, des nuances d'émotion et de pensée
nous apparaissent qui pouvaient être représentées en nous depuis
longtemps, mais qui demeuraient invisibles : telle l'image photographique
qui n'a pas encore été plongée dans le bain où elle se révélera.
Le poète est
ce révélateur.
mais nulle part la fonction de l'artiste ne se montre aussi
clairement que dans celui des arts qui fait la plus large place à l'imitation, je
veux dire la peinture.
Les grands peintres sont des hommes auxquels remonte une certaine vision
des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous les hommes.
BERGSON
I - TERMES DU SUJET
Il s'agit de la fonction ou de l'effet de l'art, au sens des "beaux arts".
Il y a donc là les éléments d'une théorie
esthétique.
La thèse centrale tourne autour de l'idée de révélation, au sens photographique du terme.
Il y a là une métaphore,
dont il convient d'analyser toutes les implications.
II - STRUCTURE DU TEXTE
La structure n'apparaît pas au premier coup d'oeil : les transitions et les articulations logiques ne sont pas marquées
grammaticalement.
Il faut ainsi identifier un mouvement logique essentiel dans le passage de la deuxième à la troisième
phrase : le "certes" est suivi d'un "mais" implicite.
La thèse est donc la suivante : l'artiste est un révélateur, au sens où il fait apparaître des réalités qui sans lui seraient
demeurées invisibles et inconnues ; il ne les crée pas, cependant il les fait advenir à la lumière.
Il y a donc, dans la création esthétique, une sorte de dialecte où le donné commun et universel, le fond préconscient
ou inconscient de l'humanité, se transfigure en réalité consciente et appropriée par la volonté.
III - LES GRANDES LIGNES DE REFLEXION
A - Explication et illustration du concept de l'artiste-révélateur.
En particulier, puisque c'est là, pour BERGSON,
l'exemple par excellence de la création artistique, analyse du travail du peintre figuratif : à la fois "imitation", donc
passivité apparente face à un réel donné, et transposition créative, mise en lumière de ce qui avant le travail de
représentation, reste dans l'obscure présence de l'immédiateté.
B - Mise en perspective de cette doctrine esthétique : la réhabilitation de l'imitation répond à sa dévalorisation
platonicienne, dont il convient de rappeler les fondements.
IV - UNE DEMARCHE POSSIBLE
A - BERGSON cherche à repenser les rapports entre l'art et le réel, et à dépasser les trop simples oppositions
construites par la tradition philosophique.
L'artiste, selon BERGSON, est à la fois dans le réel et au-delà du réel.
La première caractéristique de l'oeuvre d'art qu'elle soit, d'ailleurs, celle de l'artiste ou celle de l'artisan - est d'ajouter quelque chose au réel.
ARISTOTE définissait déjà l'art comme le processus par lequel l'homme prolonge et augmente la nature en y ajoutant
ce qu'elle ne produit pas d'elle-même.
Concernant le travail propre de l'artiste, SARTRE, dans L'Imaginaire , décrit le travail de l'imagination créatrice comme
un travail de "néantisation".
La conscience se révèle dans l'oeuvre d'art en particulier, capable de réduire à néant le réel pour le reconstruire.
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